Lettre ouverte aux évêques: il faut une réponse

Une prise de position d'un très proche de Benoît XVI, un de ses anciens élèves à Ratisbonne, le Père Fessio SJ, fondateur d'Ignatius Press, son éditeur aux USA (2/5/2019)

>>> La lettre ouverte aux évêques d'un groupe d'intellectuels ICI.

>>> Voir aussi: Retour sur la sordide affaire McCarrick

 

Joseph Fessio (*) et le directeur des éditions Ignatius exposent toutes les raisons qui plaident pour une réponse rapide du Saint-Siège. A défaut, la situation pourrait dégénérer vers des conséquences non souhaitables, comme un schisme, ou la déposition pure et simple du pape, peu probable à ce stade, mais qui pourrait un jour (avec un autre pape) se retourner comme un boomerang vers ceux-là mêmes qui la réclament aujourd'hui.

Qu'on me permette un petit commentaire de non-initié: le plaidoyer en question est discutable car il contourne la vraie question, qui est: les propos incriminés sont-ils, oui ou non schismastiques? Je comprends qu'il est difficile, surtout pour des gens ayant une position en quelque sorte institutionnelle, comme représentants du principal éditeur catholique aux Etats-Unis, de donner une réponse catégorique. En l'état, les deux dirigeants d'Ignatius Press semblent seulement souhaiter que la haute hiérarchie de l'Eglise nous explique en quoi les propos les plus polémiques de François s'incrivent dans la continuité du Magistère de toujours.
Pour parler familièrement, on nous refait périodiquement le coup.
Mais si ce n'était pas le cas?

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Titre de Marco Tosatti hier:
Le fondateur et le PDG de la principale maison d'édition catholique américaine ont tous deux publié une déclaration affirmant que la lettre ouverte publiée cette semaine accusant le pape François d'hérésie ne doit pas être ignorée par les dirigeants catholiques à Rome.

Marco Tosatti renvoie à <LifeSite News> qui relaie l'information, illustrée par cette vidéo:

Les patrons d'Ignatius Press suggèrent à Rome de répondre à la lettre ouverte accusant François d'hérésie


www.lifesitenews.com
2 mai 2019
Ma traduction

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Le 30 avril, le P. Joseph Fessio (*) et Mark Bromley, d'Ignatius Press, ont mis en ligne une brève vidéo qui exprime leur opinion sur l'importance de la «Lettre ouverte aux évêques de l'Église catholique». Une vingtaine d'éminents prêtres et érudits ont publié une lettre ouverte accusant le pape François d'être «coupable du crime d'hérésie». Ils ont demandé que les évêques de l'Église catholique, à qui s'adresse la lettre ouverte, «prennent les mesures nécessaires pour faire face à la grave situation» envers un pape qui commet ce crime.

«C'est un document important», dit Fessio à propos du document, publié dans plusieurs langues: «Je pense que quelque chose doit être dit à ce sujet. Il sera temps de réfléchir plus tard».

Le PDG d'Ignatius Press, Mark Brumley, dit que sa première réaction a été que la lettre était «quelque chose que quelqu'un d'une certaine importance au Saint-Siège devrait aborder».
«En la lisant, je n'étais pas tout à fait persuadé que nous avions une hérésie formelle ou même que les déclarations [citées] du Saint-Père étaient matériellement hérétiques... Mais à cause des arguments du document et des personnes qui le présentent, je pense que c'est quelque chose qui devrait être pris au sérieux».
Parmi les signataires figurent le professeur John Rist, philosophe de renommée mondiale, le P. Aidan Nichols, OP, théologien, le P. Thomas Crean, OP, et le Dr Peter Kwasniewski, philosophe [et le Père Hunwicke, ndt]. Depuis la publication de la lettre, 12 autres signataires distingués ont ajouté leur nom, portant le nombre total de signataires à 31 au moment de la rédaction du présent article.
Brumley explique que cela implique qu'il y ait quelqu'un à un «haut niveau» dans la direction de l'Église qui réponde aux questions posées par le document et montrer comment les déclarations de François pourraient s'avérer conformes à la doctrine catholique.
«[Il] devrait y avoir une explication», dit-il. «Il ne faut pas laisser les gens se poser des questions."

Fessio dit que sa première pensée en lisant le document a été qu'il serait ignoré si ses auteurs n'étaient pas importants.
«Mais en fait, ces auteurs - certains en tout cas - sont très réputés».
Fessio note que même si certains des signataires pouvaient être considérés comme des extrémistes, «même les extrémistes peuvent parfois faire valoir des arguments valables».
La deuxième pensée a donc été la suivante: «Qu'en est-il du document lui-même? Est-il scandaleux? Est-il un peu bizarre? Est-il bien équilibré? Est-il substantiel? Et je n'étais pas sûr. Il fait 20 pages, alors je l'ai lu ce matin», dit-il.
«Il y a sept hérésies différentes...», poursuit Fessio. «Chacune est clairement énoncée. Chacune repose sur un enseignement antérieur de l'Église, qe ce soit de conciles ou de papes. Et ensuite ils montrent où le Pape François a fait des déclarations qui semblent contredire ces enseignements de l'Église, et aussi comment, par ses actions et ses inactions, dans certains cas, il a corroboré cette compréhension»
(...)
Fessio conclut que, sur la base de ses mérites propres, le document ne pouvait être rejeté comme étant l'œuvre d'extrémistes.

Brumley observeé qu'avec les technologies de communication d'aujourd'hui ce type de document a instantanément une large diffusion. En raison de la portée du document et de la haute stature de ses auteurs, il estime qu'il devrait être traité par les plus hautes autorités pastorales.

Citant le précepte de saint Ignace de Loyola selon lequel il faut essayer de donner aux paroles des autres l'interprétation la plus charitable, Fessio dit qu'il estime que les autorités de l'Église devraient s'occuper du document, au lieu de l'ignorer, afin de donner une interprétation acceptable des déclarations controversées de François.
«Ces graves accusations doivent être examinées et prises en compte, et les autorités doivent montrer comment les déclarations du pape peuvent être interprétées et doivent être interprétées en accord avec l'enseignement de l'Église et la doctrine de la foi».

Brumley dit qu'il craint que le Saint-Siège ignore la lettre parce qu'ils croient qu'il y a des gens qui sont contre François quoi qu'il dise. Cependant, le PDG d'Ignatius Press croit qu'il y a d'autres personnes qui ne veulent pas croire que le pape est hérétique et qui voudront «voir et comprendre ses commentaires comme conformes à l'enseignement de l'Église».
«Je pense donc que ces gens aimeraient avoir des éclaircissements»

Fessio souligne qu'une réponse au document est pour le «bien de l'Église et pour le bien du Saint-Père».
«C'est clairement non négligeable. Il est évident que ce n'est pas du charabia ou des divagations extrémistes. C'est une déclaration soigneusement formulée et réfléchie. Si on n'y répond pas, il en résultera une plus grande confusion, et les gens ne sauront pas s'ils peuvent faire confiance au Pape ou non.»
Il insiste sur le fait qu'il faut répondre au document «de manière à ce que nous puissions réunir les gens autour du seul esprit du Christ qui est représenté par ses évêques».

Brumley ajoute qu'étant donné les critiques contemporaines sur la manière dont l'Église a été «inefficace» dans le passé pour répondre à «certaines questions», le document ne peut tout simplement pas être rejeté.
«Vous ne pouvez pas ignorer ces choses», dit-il. «Elles s'entassent. Elles créent une narration. Elles renforcent les mauvaises attitudes chez les gens. Et même les gens de bien commencent à dire: "Eh bien, il doit y avoir quelque chose là-dessous. Pourquoi le Saint-Siège ne parle-t-il pas?"»
«C'est ce qui m'inquiète».

NDT


(*) Joseph Fessio SJ (né en 1941) est un théologien américain qu'on peut qualifier de proche de Benoît XVI.
En 1975, il a obtenu son doctorat en théologie à l'Université de Ratisbonne sur la pensée ecclésiologique de Hans Urs von Balthasar, avec Joseph Ratzinger comme directeur de thèse. En 1978, il a fondé les éditions Ignatius (éditeurs en particulier de Benoît XVI aux USA). Il est membre du Ratzinger Schülerkreis

On relira cette interview du Père Fessio, donnée en 2008 à la veille du voyage de Benoît XVI aux Etats-Unis, dans laquelle il témoigne de son affection et de son admiration pour son Professeur: benoit-et-moi.fr/2008.

Attention: je n'insinue pas ici que les opinions personnelles de J. Fessio sont celles de Benoît XVI. Simplement, elles sont respectables, mais elles lui appartiennent.

 
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