Sacerdoce féminin: manoeuvres préparatoires

... en invoquant le "développement de la doctrine". Intéressante réflexion du P. Scalese sur le modus operandi de ce Pontificat (10/4/2018)

"Prêtresse" anglicane

«Il existe un développement de la doctrine»


Père Giovanni Scalese CRSP
querculanus.blogspot.fr
9 avril 2018
Ma traduction

* * *

Ces derniers jours, Sandro Magister a publié sur son blog Settimo Cielo un post dans lequel il mettait en évidence comment le Pape François utilise trois modalités de communication différents :

- En disant lui-même ce qu’il veut en public, sans passer par aucun contrôle ni aucune vérification préalable ;
- En faisant en sorte que d’autres disent en public ce qu’il leur dit dans des entretiens privés ;
- En recommandant d’écouter des personnes qui disent ce que lui-même ne dit ni en public ni en privé mais qu’il souhaite entendre dire.


Et il donnait quelques exemples de la façon dont le Souverain Pontife aurait utilisé ces trois modalités au cours des derniers jours. A propos de la troisième modalité, Magister mentionnait deux interviews récentes dans la presse germanophone : celle du bénédictin Anselm Grün à l'Augsburger Allgemeine le 30 mars et celle de l'archevêque de Vienne, le cardinal Christoph Schönborn, sur une série de journaux dont le Salzburger Nachrichten le 1er avril. Les deux interviews ont été reprises par l'infatigable Maike Hickson sur le site <One Peter Five>, respectivement le 2 avril et le 6 avril. Serait-ce une simple coïncidence qu'à une distance de deux jours (le vendredi saint et le dimanche de Pâques!) sortent deux interviews qui touchent toutes les deux au même sujet: l'ordination sacerdotale des femmes?

Voici ce que dit Grün à ce sujet:

Il n'y a pas de motifs théologiques qui parlent contre l'abolition du célibat sacerdotal ou contre les femmes prêtres, les femmes évêques ou une femme-pape. C'est seulement une question de processus historiques. Cela prend du temps. La première étape doit aujourd'hui être l'ordination de femmes comme diaconesses.


On en déduit que les "naïfs" qui voient comme possible une éventuelle ouverture du diaconat aux femmes sont bien informés. De son côté, le cardinal Schönborn ajoute:

La question de l'ordination [des femmes] est une question qui ne peut être clarifiée que par un concile. Elle ne peut pas être décidée par un pape seul. C'est une trop grande question pour être clarifiée depuis le bureau d'un pape.


En lisant ces affirmations, je me suis souvenu des déclarations faites il y a sept ans par le Patriarche de Lisbonne, le Cardinal José da Cruz Policarpo, et par les autres évêques portugais. Nous en avions parlé sur ce blog (ici) [1]. À l'époque, le cardinal Policarpo fut contraint de faire publiquement amende honorable (il allait bientôt prendre sa retraite et il est mort peu après); mais, apparemment, ces idées ont continué à circuler tranquillement et sont maintenant reproposées avec plus de vigueur et sans aucun embarras, à l'évidence confiant que le temps est désormais venu pour le coup d'épaule finale.

Je ne veux pas revenir sur le fond de la question, je n'aurais rien à ajouter à ce que j'ai écrit il y a sept ans [cf. Sacerdoce féminin: en 2011, déjà...]. Je ne suis pas surpris non plus qu'il y ait encore des gens qui continuent à soutenir certaines thèses, malgré les interventions solennelles des derniers papes, Paul VI et Jean-Paul II. On est plutôt attristé par les volte-faces du cardinal Schönborn; mais laissons tomber. Ce qui est le plus inquiétant, c'est la possibilité, ventilée par Magister, que ces interventions puissent être une manifestation indirecte de l'orientation du Saint-Père. Il est vrai, comme le rappelle Magister dans l'erratum de son post, que le Pape Bergoglio s'est parfois prononcé sur l'ordination sacerdotale des femmes en se référant à l'intervention définitive de Jean-Paul II. Mais il est tout aussi vrai que le même Pape, le 11 octobre dernier, à l'occasion des XXV ans du Catéchisme de l'Église catholique, a parlé ouvertement de "progrès dans la doctrine" [ma traduction ici: benoit-et-moi.fr/2017]. Et, comme par hasard, dans son interview, le cardinal Schönborn, pour justifier la possibilité de changements radicaux dans l'Église, a parlé précisément de "développement de la doctrine", en se référant - qui l'eût dit - au discours du Pape du 11 octobre:

Il y a un principe catholique traditionnel, le développement de la doctrine. Nous vivons actuellement une étape très intéressante dans le développement de la doctrine. A l'occasion du XXVe anniversaire du Catéchisme, le Pape François a clairement déclaré: «Il existe un développement de la doctrine» (Es gibt eine Lehrentwicklung).


A présent, je vieillis et donc je deviens de plus en plus méfiant: quelle que soit l'affirmation faite, je ne la trouve jamais fortuite, mais servant un objectif déterminé à atteindre. Désormais, on a compris qu'il y avait un ordre du jour à mettre en oeuvre - nous en avons parlé en plusieurs occasions - et il est mis en oeuvre graduellement, selon un tableau soigneusement planifié. On a commencé par dire que la doctrine ne change pas, mais que c'est seulement la pratique pastorale qui doit s'adapter au changement d'époque. A présent, comme nous l'avions prévu, on est passés à la deuxième phase: le renouveau pastoral ne suffit plus, il faut aussi remettre en discussion les questions doctrinales qui avaient été clarifiées de manière définitive.
Comment s'y prendre? La réponse est simple: «Il existe un développement de la doctrine».

NDT


[1] Le cardinal Policarpo, avant de faire marche-arrière, avait dit dans une interviewe qu'il n'y avait pas d'obstacles théologiques à l'ordination de femmes, nous en avions parlé ici: benoit-et-moi.fr/ete2011

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