Celui de Sandro Magister. Les deux derniers articles sont vraiment à archiver: la place du catholicisme dans le nouvel ordre mondial, selon Mgr Chaput, archevêque de Denver. Et Obama, l'étrange messie de la Maison Blanche, sorte de réincarnation de Joachim de Flore (29/8/2010)


La "Rolls" des blogs...

C'est ainsi que Messa in Latino qualifie le presque mythique blog de Sandro Magister http://www.chiesa.espressoonline.it , dont tous les articles sont traduits en plusieurs langues, dont le français (par Charles de Pechpeyrou).
Sandro Magister tient aussi un "brouillon", exclusivement en italien, dont il m'arrive assez souvent de traduire des articles - brefs, et nettement moins fouillés, mais toujours très bien informés, dans son blog personnel Settimo cielo.

Messa in Latino a raison.
Le blog www.chiesa (qui élève toujours le débat, quand il ne le suscite pas) est mis à jour au rythme hebdomadaire, ou plus; il réussit le tour de force de prendre du recul par rapport à l'actualité la plus récente, et surtout, il ne semble jamais prendre position, ce qui le rend insoupçonnable: il garde le ton de la neutralité, même si on a une petite idée du côté où son coeur penche.
Il n'a certes pas besoin que je lui fasse de la pub... mais il est tellement incontournable qu'on en oublie parfois de le lire avec l'attention qu'il mérite.

Or, c'est un véritable antidote au poison politiquement correct. Une mine d'arguments. Il faut le relayer.
Les deux derniers billets sont vraiment exemplaires en ce sens.

 

1. Le catholicisme dans le nouvel ordre mondial


Le plus récent (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1344457?fr=y ) est consacré à un discours de Mgr Chaput, archevêque de Denver, sur la place du catholicisme dans le "nouvel ordre mondial"

Mgr Chaput incarne ce nouveau courant d'évêques américains qui refuse que la foi catholique reste cantonnée à la sphère privée, et soit exclue du débat public.
La place du catholicisme dans les sociétés dites démocratiques est un enjeu crucial. Elle se traduit chez nous par le concept de laïcité, devenu en fait laïcisme de plus en plus agressif.
On en a eu une dernière illustration avec le fracas médiatique suscité par les propos de Benoît XVI à l'issue de l'Angelus du 22 août 2010: après une première vague d'enthousiasme feint, les medias se sont immédiatement aperçus que l'appréciation trop positive pouvait se révéler être un boomerang. Et ils ont dare-dare commandé (et commenté) des sondages d'opinions, pour expliquer qu'une majorité de français désapprouvait l'intervention de l'Eglise, comme une atteinte à la laïcité.
Autrement dit, même quand elle est censée relayer le discours dominant, l'Eglise n'a pas le droit de s'exprimer.

Mgr Chaput est venu spécialement en Europe, en Slovaquie, pour être précis, et y a prononcé un discours extraordinaire, "pour expliquer que l’Église catholique, aussi bien en ce qui concerne le Vieux Continent que le Nouveau, a aujourd’hui une grande bataille à livrer. Il l'a définie comme une bataille "de résistance", mais surtout "de vérité"".

Temps forts:
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Quand le tribunal du monde condamne l'Église pour hérésie
Il y a des vérités que la culture dominante juge subversives : à propos de la vie, de la famille, de la sexualité. L'archevêque américain Chaput explique pourquoi. Et il appelle les chrétiens à une grande bataille de résistance. "Seule la vérité peut rendre l'homme libre (SM)
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Mgr Chaput:
" On minimise parfois le passé chrétien de l'Occident
avec les meilleures intentions du monde, parce que l’on désire favoriser une coexistence pacifique au sein d’une société pluraliste. Mais on le fait plus souvent pour marginaliser les chrétiens et pour neutraliser le témoignage public de l’Église.
L’Église doit révéler et combattre ce mensonge. Être Européen ou Américain c’est être l’héritier d’une profonde synthèse chrétienne de l'art et de la philosophie grecs, du droit romain et de la vérité biblique. Cette synthèse a donné naissance à l'humanisme chrétien qui soutient toute la société occidentale.
(...)

" Permettez-moi de vous dire pourquoi je crois que l’avortement est le problème fondamental de notre temps.
Tout d’abord, parce que l'avortement pose aussi la question de la vie dans la vérité. Le droit à la vie est la base de tout autre droit de l’homme. Si ce droit n’est pas inviolable, aucun autre droit ne peut être garanti.
Ou, pour parler plus brutalement : un homicide est un homicide, si petite que soit la victime.
Et voici une autre vérité que beaucoup de gens au sein de l’Église n’ont pas encore pleinement assimilée : la défense du nouveau-né et de la vie prénatale est un élément central de l'identité catholique depuis l’âge apostolique. [...]
" On peut en trouver la preuve dans les plus anciens documents de l’histoire de l’Église.
De nos jours – alors que le caractère sacré de la vie est menacé non seulement par l’avortement, par l’infanticide et par l’euthanasie, mais aussi par la recherche sur les embryons et par la tentation eugéniste d’éliminer les faibles, les handicapés et les vieillards infirmes – cet aspect de l'identité catholique devient encore plus essentiel pour notre nature de disciples.
" Ce que je veux dire quand je parle de l’avortement, c’est ceci : son acceptation si largement répandue dans les pays occidentaux nous montre que, si nos institutions démocratiques ne sont pas fondées sur Dieu ou sur une vérité très haute, elles peuvent très facilement devenir des armes contre notre propre dignité d’hommes.
(...)

À toutes les époques, l’Église est tentée d’essayer de s’entendre avec César. Et il est très vrai que l’Écriture nous dit de respecter ceux qui nous gouvernent et de prier pour eux. Nous devons avoir un grand amour pour le pays que nous appelons notre patrie. Mais nous ne pouvons jamais rendre à César ce qui est à Dieu. En premier lieu, nous devons obéir à Dieu ; les obligations vis-à-vis du pouvoir politique viennent toujours en deuxième position.
...

 

2. L'étrange messie de la Maison Blanche


L'autre article (http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1344430?fr=y ) est consacré à Barack Obama, en qui Sandro Magister, manifestement fasciné par le sujet, voit une sorte de réincarnation de Joachim de Flore.

Il s'intitule "Il y a un étrange prophète à la Maison Blanche", et commence ainsi:
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Il s'appelle Barack Obama et sa vision messianique ressemble à celle de Joachim de Flore. On y a même cru au Vatican. Voici l'histoire d'un faux (ndlr: en réalité un canular, qui a été avalé jusque par le prédicateur de la maison pontificale) qui a malgré tout un fond de vérité.
...

Et il conclut:
Les troupes qui sont en Afghanistan y restent, Guantanamo ne ferme pas ses portes, des fonds fédéraux sont affectés à l’avortement... Jour après jour, les décisions opérationnelles du président s’opposent à ce qui a été annoncé. Elles renvoient toujours à un "demain" imprécis la concrétisation de l'utopie messianique que ses discours continuent à proposer.
La "nouvelle ère" de Joachim de Flore n’a pas commencé en 1260 comme il l’avait annoncé. Mais le rêve a survécu. Et Obama le propose de nouveau aujourd’hui dans le cadre de ses fonctions d’homme le plus puissant du monde
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Esotérique, pourrait-on penser au premier abord. En termes moins châtiés, il suffirait de dire: la baudruche médiatique Obama se dégonfle.
D'abord, qui peut bien être Joachim de Flore??
Mais Joseph Ratzinger a consacré sa thèse de doctorat à saint Bonaventure, dont la théologie s'opposait aux théories de l'Abbé franciscain (cf. ici la préface de Benoît XVI au second tome de ses oeuvres complètes, celui consacré à sa thèse sur saint Bonaventure ) .
Devant se présenter à l'occasion de sa nomination comme membre de l'académie Pontificale des sciences, le 13 novembre 2000, il prononca un discours, s'exprimant en ces termes:
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"Mon travail post-doctoral fut centré sur Saint Bonaventure, un théologien franciscain du XIIIème siècle. Je découvris un aspect de la théologie de Saint Bonaventure, qui n'était pas basé, pour ce que j'en sais, sur la littérature précédente : sa relation avec une nouvelle idée de l'histoire conçue par Joachim de Flore au XIIème siècle.
Joachim entendait l'histoire comme une progression depuis la période du Père (un temps difficile pour les êtres humains sous la loi), vers une seconde période de l'histoire, celle du Fils (avec une plus grande liberté, plus de franchise, plus de fraternité), jusqu'à une troisième période de l'histoire, la période définitive de l'histoire, le temps de l'Esprit Saint. Selon Joachim, cette dernière devait être le temps de la réconciliation universelle, de la réconciliation entre l'est et l'ouest, entre les chrétiens et les juifs, un temps sans loi (au sens paulinien), un temps de vraie fraternité dans le monde. L'idée intéressante que je découvris fut qu'un courant significatif de franciscains était convaincu que saint François d'Assise et l'ordre franciscain marquaient le début de cette troisième période de l'histoire, et eurent l'ambition de la réaliser; Bonaventure maintint un dialogue critique avec ce courant".
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Le Saint-Père est revenu sur les utopies de Joachim de Flore, et dans sa catéchèse du 10 mars 2010 , consacrée à saint-Bonaventure (et j'avais déjà traduit à l'époque un billet de Magister sur Settimo Cielo), il évoquait à ce sujet les "utopies anarchistes" qui ont fleuri autour du Concile Vatican II et les "sages timoniers" (les Papes Paul VI, et Jean-Paul II) qui en ont défendu l'esprit authentique.

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Pour ce qui est de Barack Obama, je pense personnellement que certains lui ont taillé un costume trop grand pour lui. Si on a pu croire que l'âge de l'Esprit Saint s'incarnerait en lui, c'est que certaines agences de communication, ou cercles d'influence, ont compris qu'une forte demande en ce sens convergeait avec les objectifs de la gouvernance mondiale.