Discours prononcé à l'occasion de la remise d'un prix attribué à son livre "Benedetto Urbi et Orbi. (26/9/2010)

L'Osservatore Romano 25 septembre 2010

Le livre écrit par Georg Ganswein pour les 5 ans de Pontificat, "Benedetto XVI urbi et orbi" (cf. http://tinyurl.com/2cb555p ), a reçu un prix, en Italie.
A l'occasion de sa remise, le 25 septembre, le secrétaire du Saint-Père a prononcé un discours, reproduit dans l'Osservatore Romano. Touchant témoignage d'affection et d'admiration, de la part de la personne qui, par une familiarité constante, le connaît le mieux au monde, à part son frère.
Texte en italien ici: Raffaella.
Ma traduction.

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Ces images, toutes des deux dernières semaines, illustrent bien cette familiarité empreinte de gaieté et de respect.
Elles sont issues de l'irremplaçable source d'informations que constitue le
Benedetto XVI forum.

Le Pape des surprises

Le style et le courage d'un homme qui parle de Dieu (Mgr Georg Gänswein )
Cinq ans de pontificat dans le regard du secrétaire
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La vingt-septième Prix "San Michele Capri" dans la catégorie "Images-vérité" - attribué à l'ouvrage Benedetto XVI urbi et orbi. Con il Papa a Roma e per le vie del mondo (Libreria Editrice Vaticana, 2010), édité par le secrétaire du Pape - sera remis dans l' après-midi du 25 Septembre à Anacapri . Nous anticipons ici l' intervention du curateur .

par Georg Gänswein
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Un lustre, c'est beaucoup, un lustre, ce n'est pas beaucoup; une période de cinq ans, c'est important , une période de cinq ans, ce n'est pas très ample. La question peut être discutée longuement et on peut trouver des arguments pour et contre .
Le 19 avril 2010, cela a fait cinq ans que le cardinal Joseph Ratzinger a été élu Pape sous le nom de Benoît XVI. Le cinquième anniversaire de son élection a été l'occasion concrète de cette publication . Mais la raison plus profonde est dans l'invitation à suivre les traces du Saint-Père dans son siège épiscopal de Rome ( urbi ), dans ses voyages apostoliques en Italie et dans différents pays et continents de la terre (orbi ) , et de trouver le message caché derrière les discours , sermons , lettres , catéchèses . C'est dans cette optique que le temps du monde , chrònos, peut et doit devenir chairòs , le temps de la grâce . Et alors, la dissertation sur l' importance temporelle de cinq années s'ouvre à une dimension d'une toute autre ampleur , qui échappe à la logique du calcul mathématique.

Ceux qui étaient personnellement présents sur la Place Saint-Pierre ou devant leurs téléviseurs , au moment où la fumée blanche de la cheminée de la chapelle Sixtine annonçait au monde le nouveau Pape , n'oublieront jamais l'émotion et l'excitation quand le Souverain Pontife à peine élu apparut sur la Loge des Bénédictions et adressa aux fidèles, a braccio, ces mots inoubliables : «Chers frères et soeurs , après le grand Pape Jean-Paul II , messieurs les cardinaux m'ont élu , un simple et humble travailleur dans la vigne du Seigneur . Je suis réconforté par le fait que le Seigneur sait travailler et agir aussi avec des instruments insuffisants , et surtout je me confie à vos prières . Dans la joie du Seigneur ressuscité , confiant en son aide permanente , nous avançons . Le Seigneur nous aidera et Marie, sa très sainte Mère sera à nos côtés. Merci» .

Dans tous les angles de la terre, l'eau est toujours la même : c'est toujours la composition identique d'hydrogène et d' oxygène. Pourtant, l'eau est différente partout. Pourquoi ? Parce qu'à chaque fois, l'eau prend des caractéristiques uniques en rapport avec les sols qui la filtrent . C'est ce qui se passe aussi avec les Papes . Ils effectuent la même mission et répondent au même appel de Jésus; mais chacun y répond avec sa propre personnalité et sa sensibilité propre .

Tout cela est merveilleusement beau : c'est un signe d' unité dans la diversité; c'est un miracle de changement dans la continuité; c'est une manifestation suprême de ce qui arrive dans tout le corps de la sainte Église du Christ , où nouveauté et continuité cohabitent et se mélangent sans heurt. Le Pape Benoît XVI n'est pas le même que Jean-Paul II , Deo gratias : Dieu n'aime pas la répétition et la copie . Et le Pape Jean-Paul II n'a pas été le même que Jean-Paul 1er , Deo gratias , tout comme Jean-Paul 1er n'était pas le même que Paul VI , Deo gratias , et que Paul VI n'était pas le même que Jean XXIII , Deo gratias. Pourtant, tous ont aimé le Christ avec passion et fidèlement servi son église : Deo gratias quam maximas!

Mais - ici réside le fait vraiment unique et exaltant - Le Pape Benoît XVI s'est présenté au monde comme le premier dévot de son prédécesseur; c'est un acte de grande humilité , qui surprend et inspire l'admiration.

Le 20 avril 2005, parlant aux cardinaux dans la Chapelle Sixtine le lendemain de son élection au pontificat suprême, Benoît XVI s'est exprimé ainsi: «En ces heures deux sentiments contrastants cohabitent en mon âme. D'une part, un sentiment d'inadéquation et de trouble humain en raison de la responsabilité qui m'a été confiée hier, en tant que Successeur de l'Apôtre Pierre sur ce Siège de Rome, à l'égard de l'Eglise universelle. D'autre part, je ressens en moi une profonde gratitude à l'égard de Dieu, qui - comme la liturgie nous le fait chanter - n'abandonne pas son troupeau, mais le conduit à travers les temps, sous la direction de ceux qu'Il a lui même élus vicaires de son Fils et qu'il a constitués ses pasteurs.
Très chers amis, cette profonde reconnaissance pour un don de la divine miséricorde prévaut malgré tout dans mon coeur. Et je considère ce fait comme une grâce spéciale qui a été obtenue pour moi par mon vénéré Prédécesseur, Jean-Paul II. Il me semble sentir sa main forte qui serre la mienne; il me semble voir ses yeux souriants et entendre ses paroles, qui s'adressent de manière particulière à moi en ce moment: "N'aie pas peur!"
.» (http://tinyurl.com/279yuvh ).

Comme ces mots sont sincères , et en même temps , respirent l'humilité ! Il est vraiment merveilleux qu'un Pape attribue à l'intercession de son prédécesseur , le premier don de son pontificat : la paix du cœur , au milieu de la tempête inattendue des émotions . Le Pape Benoît XVI a donné à l'Eglise et au monde une magnifique leçon de style pastoral : celui qui commence un service ecclésial - telle est sa leçon - ne doit pas effacer les traces de ceux qui ont travaillé avant , mais doit humblement mettre les pieds dans les traces de ceux qui ont cheminé, et se sont donnés de la peine avant lui . Si cela se passait toujours ainsi, cela permettrait de sauvegarder un grand patrimoine de bien , qui à l'inverse est souvent détruit et dilapidé. Le Pape a repris cet héritage et y travaille avec son style chaleureux et intime , avec ses mots calmes et profonds , avec ses gestes mesurés, mais incisifs .

Benoît XVI dans son discours inaugural du ministère pétrinien , le 24 avril 2005 , a utilisé des mots très clairs : «Mon véritable programme de gouvernement, a dit le Pape, est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées, mais, avec toute l’Église, de me mettre à l’écoute de la parole et de la volonté du Seigneur, et de me laisser guider par lui, de manière que ce soit lui-même qui guide l’Église en cette heure de notre histoire. ». (http://tinyurl.com/25vgf2q )

Depuis ce jour, cinq années se sont écoulées . Pour un pontificat, ce n'est sans doute pas une longue période, mais un temps suffisant pour tirer un premier bilan . Pour quoi lutte Benoît XVI ? Quel message veut-il apporter aux hommes, à Rome et dans le monde ? Qu'est-ce qui l'anime et qu'a-t-il était capable d'éveiller?

Il faut d'abord souligner combien ce Pape a surpris tout le monde : en premier lieu, par la légèreté avec laquelle il a assumé la tâche de son prédécesseur Jean-Paul II , l'interprétant de façon nouvelle et pourtant également pleine de vitalité . Jean-Paul II était le Pape des grandes images , de la puissance immédiatement évocatrice; le Pape Benoît XVI est le Pape de la parole , de la force de la parole : il est un théologien plutôt qu'un homme de grands gestes , un homme qui "parle" de Dieu.

De même, la façon dont l'ancien préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, avec sa chaleur et sa simplicité si spontané et vraie , réussit sans effort à caprtiver les cœurs des hommes, suscite en nous de l'émerveillement.

Le courage qui marque clairement le règne du Pape allemand est lui aussi inattendu .

Benoît XVI n'a pas peur des confrontations et des débats . Il appelle par leur nom les défauts et les erreurs de l'Occident , il critique la violence qui prétend avoir une justification religieuse . Il ne cesse de nous rappeler que nous tournons le dos à Dieu avec le relativisme et l'hédonisme , autant que par l'imposition de la religion par la menace et la violence . Au cœur de la pensée du Pape, il y a la question de la relation entre foi et raison; entre religion et renoncement à la violence .

De son point de vue , la ré-évangélisation de l'Europe et du monde entier sera possible lorsque les gens comprendront que la foi et la raison ne sont pas en conflit , mais en relations entre elles . Une foi qui ne se mesure pas à la raison, devient elle-même déraisonnable et absurde . Et à l'inverse, une conception de la raison qui ne reconnaît que ce qui est mesurable n'est pas assez large pour englober toute la réalité . La raison doit laisser de la place à la foi et la foi doit rendre témoignage à la raison , afin que les deux ne se réduisent pas dans l'horizon étroit de leur propre ontologie . Au fond , ce qui intéresse le Pape, c'est de réaffirmer le noyau de la foi chrétienne : l'amour de Dieu pour l'homme , qui trouve dans la mort de Jésus sur la croix et dans sa résurrection son expression incomparable. Cet amour est le centre immuable qui sous-tend la confiance chrétienne dans le monde , mais aussi l'engagement à la compassion , à la charité ,au renoncement à la violence .

Ce n'est pas un hasard si la première encyclique de Benoît XVI est intitulé "Deus Caritas Est", Dieu est amour. C'est un signe évident; et en plus, une phrase programmatique de son pontificat . Benoît XVI veut faire resplendir le fascinosum du message chrétien . C'est cela qui , plus que toute autre chose , caractérise le pontificat du Pape théologien . Dans sa perspective , c'est là la force et la possibilité d' avenir pour la foi . Le message du successeur de Pierre est aussi simple que profond; la foi n'est pas un problème à résoudre , c'est un don qui doit être retrouvé , jour après jour . La foi apporte joie et plénitude.

Mais la foi a un visage humain - Jésus-Christ. En lui , le Dieu caché est devenu visible, tangible . Dieu dans son infinie grandeur , s'offre à nous dans son Fils . Le Saint-Père tient à proclamer le Dieu fait chair , urbi et orbi , aux petits et aux grands , à ceux qui ont le pouvoir et ceux qui ne l'ont pas , dans et hors de l'Eglise , que nous le voulions ou non . Et tandis que tous les regards et les caméras sont axées sur le Pape , il ne s'agit pas de lui.

Le Saint-Père ne se place pas au centre , n'annonce pas lui-même , mais Jésus-Christ
, l'unique Rédempteur du monde . Ceux qui vivent en paix avec Dieu, qui se laissent réconcilier avec lui , trouvent aussi la paix avec eux-mêmes , avec les autres et avec la création autour d'eux . La foi aide à vivre , la foi donne la joie , la foi est un grand don : c'est la conviction profonde du Pape Benoît XVI.

Pour lui, c'est un devoir sacré de laisser les traces qui mènent à ce don . Avec les mots et les images, le livre primé en témoigne : il veut être une déclaration de dévotion et d'affection pour le Saint-Père , et un petit instrument - lui aussi humble, partiel , mais aussi évocateur par la force des images - d'évangélisation et de 'illustration d'un témoignage qui s'exprime "dans toute la Judée et la Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre" (Actes , 1 , 6) .

( © L'Osservatore Romano - 26 Septembre 2010)