Retour du Royaume-Uni: le correspondant à Rome du Times de Londres, Richard Owen, part en retraite (26/9/2010)

C'est l'usage que, lors de leur dernier voyage à bord de "shepperd one", les journalistes accrédités s'entretiennent en privé avec le Pape.
Voici un reportage, que j'ai trouvé sur "The Austalian", dont Richard Owen était aussi le correspondant.

A l'issue du voyage au Royaume-Uni, de nombreux journalistes, même parmi les mieux disposés, ont mis l'accent sur l'épuisement - crédible, bien sûr - du Pape. Suscitant une inquiètude légitime chez tous ceux qui l'aiment.
Relativisons, cependant: les rumeurs d'épuisement couraient déjà les salles de rédaction au printemps 2007, au retour des Etats-Unis, sous la plume de l'envoyé spécial du Figaro d'alors, Hervé Yannou. Et lors des JMJ de 2008 aux Antipodes, en Australie, on avait encore eu droit à l'épisode de terreur: "Ratzinger épuisé" (cf. Marco Politi http://benoit-et-moi.fr/2008-II/... ).
Même si, au vu de ce qu'il écrit, Richard Owen n'est certes pas à ranger parmi les papolâtres, il rend, peut-être à son insu, un très beau témoignage sur la générosité du Saint-Père, qui honore ses engagements, même envers les journalistes qui ne lui veulent pas vraiment de bien (il lui tient les mains pendant toute l'entrevue), sa gentillesse, son exquise courtoisie... et sa forme incroyable, après quatre journées épuisantes.

Sur le même thème, on pourra relire ici le récit de l'audience accordé à Luigi Accattoli, au retour de la France, en septembre 2008 (
Allen, Accattoli et les autres ): c'était pour lui aussi le dernier voyage avec le Pape.

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Source: http://www.theaustralian.com.au/..
Ma traduction.



Une rare audience avec le Pape Benoît XVI
Richard Owen
Le pontife semblait revigoré, après sa tournée en Angleterre et en Ecosse .
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Ce n'est pas souvent qu'un journaliste bénéficie d'une audience en tête-à -tête avec le Pape , un des leaders mondiaux, entouré de mystère et habituellement seulement entrevu à travers la vitre pare-balles de la papamobile ou du haut de sa fenêtre au-dessus place Saint-Pierre (!!).
En fait , c'est un privilège rare. Mais sur le chemin du retour de Birmingham à Rome, dans l'avion du Pape , j'ai été invité à l'avant de la section où le corps de presse du Vatican était assis, et dans les quartiers privés de l'avion réservés à Benoît, j'ai eu droit à une brève conversation .

J'étais curieux de savoir comment il avait vraiment ressenti sa tournée en Angleterre et en Ecosse; non pas les communiqués officiels , mais sa réaction personnelle. Je lui ai demandé ce qui avait été le point culminant de son voyage. La rencontre avec la Reine , peut-être ? La célébration à l'abbaye de Westminster ? Le taux de participation de la foule, malgré les protestations autour du contrôle des naissances et des abus sur les enfants ? (oui, c'est bien ce qu'écrit le correspondant du Times: the protests over birth control and child abuse)

Benoît secoua la tête . "Tout" , dit-il en italien . "Tout".

Puis il ajouta en anglais : "It was all wonderful"

Il regarda par la fenêtre de l'avion, vers les côtes anglaises qui glissaient en dessous de nous comme nous nous dirigions vers la Manche ."It was all just wonderful", répéta-t-il .

Par tradition , les journalistes accrédités au Vatican sont présentés au Pontife quand ils font leur dernier voyage dans l'avion papal. Des assistants de Benoît m'avait averti, alors que nous le suivions à Edimbourg , Glasgow , Londres et Birmingham, qu'il me verrait sur le chemin du retour à Rome "s'il n'est pas trop fatigué".

J'avais supposé qu'il le serait , compte tenu du programme exténuant , et du fait qu'il a 83 ans . Cependant , peu de temps après que nous ayons décollé de l'aéroport de Birmingham, dans l'Airbus d'Alitalia , un assistant du pape descendit l'allée. "Préparez-vous" , me dit-il .

Nous nous sommes rendus derrière le rideau, vers les quartiers du Pape, dans ce qui serait normalement la première classe . Les membres de l'équipage - en uniforme vert d'Alitalia - se faisaient photographier à côté de Benoît, comme souvenir du vol .

Tandis que nous attendions, j'ai bavardé avec le cardinal Tarcisio Bertone , Secrétaire d'État du Vatican , et le père Georg Gänswein , secrétaire particulier du Pape , qui est dit-on un lecteur assidu de la presse étrangère. J'espérais qu'il ne mentionnerait le titre de mon article de la semaine dernière sur lui: "Bel Giorgio, the sacred heart-throb at the pontiff's side".
Il ne l'a pas fait.

Soudain, je me suis retrouvé sur le siège à côté du chef spirituel en robe blanche d'un milliard de catholiques dans le monde. Nous, les journalistes qui l'accompagnons étaient épuisés à la fin de la visite , mais le Pape - dont ses assistants disent qu'il puise sa force dans une "sérénité intérieure " - était animé. Clairement revigoré par le succès de sa tournée - au cours de laquelle , dit-il , il a découvert une "profonde soif" de foi en Grande-Bretagne - , il semblait tout prêt à recommencer.

Il m'a demandé combien de temps j'étais resté à Rome .
"Quinze ans , Votre Sainteté" .
Il m'a regardé et a souri. "Eh bien , vous pouvez maintenant dire que vous êtes un citoyen romain" .

Mon séjour à Rome a couvert les 10 dernières années du pontificat de Jean-Paul II , l'élection de Benoît XVI - quand il s'est décrit lui-même depuis le balcon de Saint-Pierre comme "un humble travailleur dans la vigne du Seigneur" - et les cinq premières années de son règne - souvent controversé , mais souvent aussi source d'inspiration.

Nous avons parlé en italien , la langue du Vatican et de l'entourage du Pape , même s'il est allemand et a témoigné qu'il comprenait l'anglais au cours de sa visite en Grande-Bretagne , avec des efforts pour s'améliorer au cours du voyage (ndt: Teresa, qui est américaine, a trouvé cette remarque injustifiée et déplacée).

Je lui ai rappelé que, quand il était cardinal j'avais eu l'occasion de le rencontrer dans le Borgo Pio, l'enchevêtrement de ruelles médiévales près de Saint-Pierre . Le siège du Times est situé tout près, et c'est l'endroit où il a vécu pendant 20 ans quand il était à la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, dans un appartement, avec son piano et ses chats.

"Ah oui, le Borgo" , a-t-il dit avec nostalgie .
Le cardinal Joseph Ratzinger était une silhouette familière, avec son béret , portant une serviette usagée, habitué des boutiques et des cafés (?). Le propriétaire d'une boutique de fournitures électriques se souvient de lui, venant acheter des ampoules ; le pharmacien se rappelle quil venait lui acheter des comprimés de vitamine C . Et les garçons du restaurant Da Roberto se souviennent qu'il venait régulièrement y manger.

Je lui ai demandé si les plaisirs simples de la vie quotidienne lui manquaient, maintenant qu'il était Pape . Aimerait-il se promener dans le Borgo comme il en avait l'habitude? "Ce n'est plus possible , a-t-il dit , avec regret . Il a répété doucement, presque dans un souffle : "Ce n'est plus possible" .

Il avait serré mes mains, quand nous nous sommes rencontrés , et maintenant, il les lâcha, quand ses collaborateurs sont venus lui signaler que mon temps était écoulé . "Je vous demande de transmettre à travers le Times mes remerciements et ma bénédiction pour tout le peuple de votre pays" , dit-il .

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Après 15 ans à Rome , et des affectations antérieures pour le Times à Moscou , Bruxelles et Jérusalem , Richard Owen prend sa retraite
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