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RESTAN: DERNIER BILAN DES JMJ
 

Il parle de "surprise pour tous". Pour les medias dominants, certes, mais aussi pour ceux qui, comme Giuliano Ferrara, extérieurs à la foi catholique, éprouvent de la sympathie pour elle, et sont excessivement négatifs: "aux JMJ de Madrid a surgi quelque chose qui ne pouvait pas se déduire des simples analyses sociologiques et culturelles..." (2/9/2011)

Article original ici: http://www.paginasdigital.es/ . Traduction de Carlota.




 
 

Des surprises pour tous
José Luis Restán
01/09/2011
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La vie est toujours pleine de surprises.
Avant le début des vacances, le panorama de l’information sur l’Église semblait de nouveau dominé par l’une de ces phases récurrentes de dépression. Le défi à l’autorité de Rome de centaines de curés autrichiens faisait l’évènement; on voyait poindre à nouveau dans quelques centres académiques la vieille opposition théologique que certains considéraient déjà comme prescrite; et surtout l’ouragan des abus sexuels soufflait de nouveau, à cause d’un nouveau rapport sur la façon dont on avait affronté en Irlande ces évènements tragiques. Cette fois, on mettait directement le Saint Siège dans l’œil du cyclone, après une brutale et surprenante attaque du Premier Ministre irlandais.
Puis est venu le long et chaud été et avec lui les Journées Mondiales de la Jeunesse à Madrid. De nouveau la surprise. Cette vieille Église clopinante et battant de l’aile, qui apparaissait dans les grands médias à la limite du naufrage, rassemblait presque deux millions de jeunes autour du Pape. Plus d’un a dû se frotter énergiquement les yeux.

Au vu de la situation plombée qui a précédé l’évènement madrilène, le toujours brillant et batailleur Giuliano Ferrara (ndt: "l'athée dévôt", directeur de Il Foglio, déjà rencontré dans ces pages) est un oiseau rare assez incompréhensible pour le public espagnol. C’est un agnostique libéral venu des grands fonds marins de la gauche révolutionnaire, convaincu que le futur des libertés de l’Occident dépend fondamentalement de la santé et du rôle de premier plan de l’Église Catholique. Il s’agit d’un « laïc » qui se bat sur la scène publique en faveur de l’Église avec un plus grand courage que la plupart des catholiques eux-mêmes, et si l’on ne partage pas quelques uns de ses points de vue, la perspicacité de ses analyse est admirable ainsi que l’acidité de ses attaques contre l’establishment de la culture nihiliste.

Donc, Ferrara revenait sur sa thèse selon laquelle le harcèlement médiatique et culturel contre l’Église répond à la prétention qu’elle accepte d'être réduite définitivement à un organisme civique et philanthropique bien installé dans la culture postmoderne, et qu’elle abandonne toute opposition contre les dictats du siècle. Pour Ferrara les attaques coordonnées contre le célibat, la morale sexuelle, la définition du ministère sacerdotal et l’autorité du Pape, obéissent au dessein de renverser le dernier obstacle qui empêche la dictature d’un nouveau pouvoir post-idéologique. C’est une perspective fascinante à laquelle le monde catholique devrait prêter plus d’attention, sans pour autant adopter dans leur totalité les thèses du génial journaliste italien.

Parce que dans cet article du Foglio (ndt : je ne l'ai pas trouvé, c’est peut-être celui-ci mais il est accessible seulement aux abonnés ) tellement profond et dévastateur dans son analyse, se condense un tel niveau d’amertume que c’est à peine s’il reste un petit coin pour un espoir raisonnable. Et bien qu’il soit sûr qu’avec un homme comme Ferrara, on ne peut pas venir avec des petits couplets dévots ou des volontarismes spirituels, il est aussi certain qu’il y a des facteurs qui lui échappent. Cela dit en toute sympathie et amitié. D’autre part il est logique que celui qui aime vraiment la liberté et la raison ressente un frisson face à la bataille en cours. Et peut-être que nous, catholiques, entourés d’une espèce d' eschatologisme banal, nous le ressentons trop peu ce frisson.

C’est dans ces dispositions que nous étions quand sont arrivées les JMJ.
Et du New York Times, au Monde en passant par El País, les grands opinion makers de la planète ont dû tenir compte de l’évènement. Évidemment ils ont essayé de le dédaigner (bien qu’il était difficile de le faire sans mentir effrontément), ils ont naturellement tenté de réduire sa signification et sa portée, et bien sûr ils se sont blindés face aux grandes questions auxquelles ils ne trouvent pas de réponse. Mais le fait incontestable est qu’ils ont dû se rendre à l’évidence.
Et c’est qu’aux JMJ de Madrid a surgi quelque chose qui ne pouvait pas se déduire des simples analyses sociologiques et culturelles, qu’elles soient maladroites et mesquines comme habituellement dans ces médias, ou brillantes et sincères comme chez Ferrara dans Il Foglio.

De ces analyses on déduirait la déroute imparable de tout ce que le catholicisme signifie, son incapacité absolue à être une force de proposition dans l’histoire du XXIème siècle, son irrémédiable ancrage dans des formules non seulement dépassées mais balayées. Ou bien (dans le cas de Ferrara) une faiblesse qui rendrait impossible la survie de l’Église restée fidèle à elle-même, ou pour le moins le maintien d’un minimum d’incidence historique.

Eppure si muove, disais-je moi aussi, enchanté et surpris à la fois. Aussi parce que le « succès » (mot ambigu et dangereux, que cependant je ne peux m’empêcher d’utiliser) a eu lieu dans la frange sociale la plus difficile, celle que beaucoup (à l’intérieur comme à l’extérieur) considéraient déjà irrémédiablement perdue. Les jeunes arrivés à Madrid des cinq continents ont grandi dans le climat surgi de 68, ils ont souffert l’outrage culturel dénoncé par Benoît XVI, déjà ils se meuvent sans les protections sociales et politiques vers les grandes valeurs du christianisme. Ils savent qu’ils ne se déplacent pas sur la vague des habitudes, qu’ils ne rament pas dans le sens du courant, que leur position à l’université, dans les entreprises ou dans la vie sociale, sera tout sauf commode. Ce dont nous avions l’intuition ceux de ma génération, est déjà pour eux une expérience vécue. C’est là que c’est intéressant.

La nouveauté réside en ce qu’il existe une nouvelle forme tranquille et courageuse, libre et décomplexée, d’être dans une société où le christianisme n’est plus une force dominante même s’il peut continuer à être une présence significative comme en Espagne. Ces jeunes sont le fruit du vrai Concile dont les quatre derniers papes ont guidé l’application avec sagesse et souffrance. La nouveauté (pour tous ecclésiastiques inclus !) c’est que ces jeunes ne pensent plus à la résistance, au soutien , aux prix de dures peines, d’un monde qui s’écroule, mais à une nouvelle évangélisation. Pour cela ils sont entrés directement en contact avec un Pape qui leur propose d’être des témoins courageux au milieu de la cité commune, des témoins pleins de sympathie pour le cœur de l’homme en recherche, respectueux de ceux qui sont différents et conscients de leur droit propre en tant que citoyens.

Dans son dialogue avec Peter Seewald, « Lumière du monde », Benoît a reconnu que le christianisme peut assumer dans le futur un autre visage, une autre figure culturelle. Et il a averti que dans beaucoup d’endroits sur terre, sûrement, l’Église ne sera pas la force qui déterminera l’opinion dominante, mais elle continuera à être une force vitale sans laquelle le reste des choses ne se maintiendraient pas debout. Et cette force vitale, comme on l’a vu, ne dépend pas principalement du contexte historique, ni même de l’habilité de ses membres. Ce qui devrait être aussi une espérance pour l’ami Ferrara.




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