Vous êtes ici: Articles  

FRONDE AUTRICHIENNE: UNE RÉVOLTE D'ENFANTS GÂTÉS
 

José Luis Restán parle des curés contestataires autrichiens qui menacent de quitter l’Église si Rome ne les suit pas dans leurs revendications. Comme d'habitude, et c'est ce qui est beau chez lui, il sait percevoir le côté positif, la note d'espoir. Traduction de Carlota (9/9/2011)




 

P. Helmut Schüller Un "proche" du cardinal Schönborn, à l'origine de la fronde

Préambule

Dans La Vie de cette semaine, Jean Mercier consacre, sous le titre éloquent "Entre intégristes et progressistes, Benoît XVI sous pression" un article à la rencontre, prévue à Rome le 14 septembre prochain, de Mgr Fellay avec le cardinal Levada, préfet de la CDF. Sujet apparemment sans rapport avec la fronde des curés autrichiens ...
Le rapprochement est donc très révélateur d'un certain état d'esprit:

Attelé à la guérison du schisme lefebvriste, Benoît XVI semble ne pas voir les mini-schismes surgissant çà et là, qui mériteraient ses soins (ndlr: comme s'il ne les leur accordait pas!!) tant ils sont symboliques d'un malaise grandissant. Par exemple, la sécession annoncée d'un groupe de prêtres autrichiens entrés en désobéissance avec le cardinal-archevêque de Vienne, Christoph Schönborn, et qui réclament l'ordination de femmes et d'hommes mariés.


De son côté, le site Catho.be, dont est tirée la photo ci-dessus, parle d'"un vent de rebellion qui souffle dans l'Eglise autrichienne":

Plus de 300 prêtres viennent de lancer un « appel à la désobéissance », dans lequel ils prônent le mariage des prêtres, l’ordination des femmes et d’autres réformes en contradiction avec l’enseignement de l’Église. Une initiative qui serait apparemment soutenue par 71,7% des Autrichiens.
Pousser Rome à réformer l’Église,
tel est l’objectif poursuivi par les quelque 370 prêtres autrichiens qui ont déjà signé « l’appel à la désobéissance » lancé par le groupe « Pfarrer-Initiative ». Créé 2006 par le père Helmut Schüller, ancien vicaire général de Vienne et bras droit du cardinal Schönborn, ce groupe entend en effet forcer à la hiérarchie à accepter officiellement des changements déjà entrés dans les faits. Ainsi, retrouve-t-on parmi ses revendications principales l’ordination des femmes et des personnes mariées, ainsi que d’autres réformes en contradiction avec l’enseignement de l’Église catholique.




Carlota:

Voici le dernier article de José Luis Restán sur les curés contestataires autrichiens (et leurs ouailles) qui menacent de quitter l’Église si Rome ne les suit pas dans leurs revendications. La crainte d’un schisme se profilerait ?
J’ai presque envie de dire: « Chiche! qu’ils s’en aillent ceux qui ne sont déjà plus catholiques dans leur tête, ils pourraient si facilement trouver ailleurs tout ce qu’ils revendiquent».
Certes pour le Saint Père, toutes ses brebis ont de l’importance, mais les brebis elles mêmes pourraient-elles un peu plus penser à des troupeaux qui doivent lutter contre les loups, dans des plaines arides, ou bien dans leurs propres bergeries, mais qui savent bien qui est leur berger et pourquoi elles le suivent malgré l’adversité. Alors que d’autres vivent dans de verts et magnifiques pâturages, entourées de tous les soins possibles Cette affaire me fait vraiment penser à des gosses de riches, des égoïstes dans un pays croulant sous l’opulence dans tous les domaines de l’activité humaine (après certes de terrible épreuves de l’Histoire) , et qui font une grosse colère, refusant l’essentiel.

Article original ici: http://www.paginasdigital.es/..




 

L’étincelle peut de nouveau s’allumer
José Luis Restán
08/09/2011
--------------------
Trois cent vingt-neuf prêtres autrichiens, beaucoup parmi eux responsables dans des paroisses, ont lancé un aigre ultimatum. Si l’Église ne supprime pas le célibat comme condition pour le ministère sacerdotal, si l’on ne permet l’ordination des femmes et si l’on n’accepte pas les divorcés remariés à la communion eucharistique, ils sont disposer à couper les amarres. C’est la menace d’un nouveau schisme, un mot qui provoque des frissons à tout catholique conscient. C’est le couplet final (vraiment final ?) d’une histoire qui a commencé avec le grand choc des accusations d’abus sexuel concernant le cardinal Herman Gröer , il y a vingt ans. Ce dernier a été le signal du juge de touche criant sortie! pour le mouvement « Nous sommes l’Église », appellation paradoxale pour ceux qui menacent de rompre avec elle si elle ne respecte pas son « diktat ».

Jean-Paul II et Benoît XVI ont traité l’Autriche avec une délicatesse toute spéciale. Ils sont suivi avec une patience toute maternelle les vicissitudes d’une communauté autrefois splendide et florissante, et aujourd’hui affaiblie, attristée et dans des cas qui ne sont pas rares, complexée. Ce n’est pas une histoire avec des bons et des méchants, mais l’histoire d’une réduction progressive de la substance de la foi, d’une adaptation à la mentalité du monde (pour employer le langage de Saint Paul), et aussi d’une incapacité à corriger et éduquer. En tout cas, comme nous verrons après, ce n’est pas toute l’histoire.

Naviguant dans le sens du vent qui souffle le plus dans la société et les médias, les trois cents curés autrichiens ont mis le feu à un bûcher qui va peut-être les dévorer eux-mêmes, même si au passage, il risque de raser des communautés déjà très affaiblies. Nous ne rentrerons pas ici dans le débat sur chacune des questions posées, des questions qui ont suscité de très larges débats et qui se sont clarifiés avec un magistère clair des Papes et des conciles. Le problème n’est pas qu’on discute sur des aspects déterminés de la discipline ecclésiale, c’est beaucoup plus profond. La question est si le christianisme est la présence vivante du Christ ressuscité dans le corps de l’Église (sacrement de salut) ou si c’est un ensemble de propositions morales et de transformation sociale que gère une corporation.

Les signataires de l’initiative, qui selon quelques enquêtes rassemble une approbation proche des trois quarts des Autrichiens qui se déclarent catholiques, révèlent un véritable problème quand ils exigent que là où il n’y a pas un prêtre pour célébrer l’eucharistie, le fasse n’importe quel laïc « bien préparé » ou un ministre protestant. Et quand ils affirment que Rome ne peut imposer ses critères aux catholiques d’Autriche; que de déviation et de confusion sur l’essentiel, sur la racine elle-même de la foi.

Le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, a proclamé déjà le « Non possumus ». Fin théologien, disciple de Ratzinger et un des rédacteurs du Catéchisme de l’Église, il a démontré ses dons pour le dialogue. Certains disent trop, mais le Pape connaît la poudrière sur laquelle il est assis et continue à lui faire confiance. Il a pris les rênes du beau diocèse viennois après le traumatisme qui a renversé le "pontificat" de Gröer et depuis lors, il sait ce que c’est que souffrir. Il semble qu’il est arrivé à l’heure de vérité, l’heure où la rébellion et l’animosité souterraines sortent à la lumière et ouvrent la plaie terrible qui affecte depuis des décennies le corps ecclésial de ce pays. Le Pape a rappelé aux évêques en 2005 des paroles significatives de Saint Paul : « je n’ai pas eu peur de vous annoncer entièrement le plan de Dieu ». Et Schönborn informé de ce qui approche, a élevé la voix.
Il est paradoxal que, tandis que dans de nombreux secteurs du monde de la Réforme, se propagent la nostalgie de l’unité, le désir de retour aux origines, la valorisation de la Tradition et des sacrements, et même le désir d’un nouvelle rencontre au sein du foyer romain, surgisse du cœur de l’Église Catholique ce mouvement centrifuge et suicidaire. Seulement à la différence de ce qui est arrivé il y a plus de quatre siècles, là ne bouillonne pas un désir débridé de purification mais l’écoute des chants d’une sirène de ce siècle (ndt La Réforme n’était peut-être pas que spirituelle mais aussi très matérielle et politique, et bien de ce monde. Mais c’est aussi un autre débat !).

Mais comme nous l’avons déjà dit, ce n’est pas toute l’histoire et de loin.
En Autriche environ 2600 prêtres exercent leur ministère et bien que le chiffre des signataires soit très notable et étende sûrement son influence au-delà du cercle visible, il convient de regarder l’exacte dimension des choses, et peut-être d'inviter à donner de la voix ceux qui (forcés ou par lâcheté) ont trop gardé le silence.
Et aussi, dans ce beau pays alpin, on voit se développer de nouvelles communautés, de nouveaux mouvements, de nouvelles formes de vie religieuse. Et on voit croître une nouvelle génération de jeunes libres des vieux lieux communs et désireux de rencontrer Dieu dans l’Église ; ils sont certainement une minorité dans les milieux universitaires, professionnels ou des loisirs, mais ils constituent un point fixe et solide, une semence qui peut germer de nouveau. L’heure est peut-être arrivée de recommencer, sans rien mépriser des richesses du passé mais en sachant qu’il faut les recevoir dans le présent et les enraciner avec de nouveaux langage et forme. Le temps de l’attente sera très douloureux mais nous verrons aussi surgir des beautés insoupçonnées.

Dans leur visite ad limina de novembre 2005, les évêques autrichiens ont écouté de Benoît XVI l’invitation à prendre une série de mesures missionnaires pour obtenir « un changement de route ». Nous ne savons pas encore si les évènements présents sont le signe que le sel est en train d’agir sur la blessure, ou si elle s’est infectée plus encore.
En tout cas le Pape, qui connaît avec précision toute cette histoire, a assuré aux évêques que « l’étincelle du zèle chrétien peut de nouveau s’allumer ». Il suffit qu’il existe des témoignages de la rationalité et de la beauté humaine de la foi, qu’il existe des apôtres et des prophètes dont la voix soit peut-être écoutée, entre la dérision des journaux et la moquerie d’une partie considérable du peuple.
Comme le disait Eliot (ndt: T.S. Eliot, Prix Nobel de littérature), l’Église se fait et se reconstruit continuellement.




Un cyclone au couvent... | La Croix, objet de polémique à Ground Zero