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LES LEFEBVRISTES SIGNERONT-ILS LE "PRÉAMBULE"?
 

La question se pose après la rencontre du 14 septembre entre le cardinal Levada, préfet de la CDF, et des représentants de la FSSPX. Dossier (16/9/2011)




 
 

"Les paris sont ouverts", titre Sandro Magister sur son blog personnel Settimo Cielo.

Et de préciser:
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Aux lefebvristes, le Saint-Siège a réclamé - comme condition "sine qua non" - de signer un préambule sur l'interpréation de la doctrine catholique, étant bien entendu que subsiste "la légitime discussion" sur "l'étude et l'explication théologique d'expressions ou de formulations particulières présentes dans les textes du Concile Vatican II et du Magistère successif".
Le préambule n'a pas été rendu public. Pas plus que n'est précisée la "solution canonique" qui pourrait encadrer les lefebvristes dans l'Eglise.
On peut présumer que cette solution sera semblable à celle qui a cours pour l'Opus Dei: une prélature personnelle avec une large marge d'autonomie.

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De son côté, Andrea Tornielli (La Bussola) fait son titre sur "L'heure décisive pour les lefebvristes" (ma traduction):
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C'est un moment crucial que vit en ce moment la Société Saint-Pie X fondée par Mgr Marcel Lefebvre. Après la conclusion des discussions doctrinales qui ont eu lieu entre Octobre 2009 et avril de cette année, le Saint-Siège a présenté à l'évêque Bernard Fellay un bref document, un "préambule doctrinal" de deux pages, demandant aux lefebvristes de l'évaluer et prendre une décision à son propos dans un délai pas trop long.

Lors de la rencontre qui a eu lieu le matin du 14 Septembre au palais du Saint-Office, le cardinal William Levada et Mgr Ladaria, respectivement préfet et secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avec Mgr Guido Pozzo, secrétaire de la commission Ecclesia Dei, ont présenté à Mgr Fellay et à ses deux collaborateurs ce que le Saint-Siège considère comme essentiel pour un retour à la pleine communion.

Il en est passé, de l'eau sous les ponts, depuis le Jubilé de 2000 quand un groupe fourni de Lefebvristes est allé en pèlerinage à Rome et a essaimé dans la basilique de Saint-Pierre, frappant de nombreuses personnes au Vatican pour la sérénité et la ferveur de leur prière. Jean-Paul II lui-même fut frappé. Et ainsi, lisant l'interview dans laquelle Mgr Fellay se disait prêt à discuter si quelqu'un, au Vatican, le recevait, Papa Wojtyla voulut le faire convoquer. Il le rencontra brièvement pour un rapide salut, refilant au cardinal Dario Castrillon Hoyos la «patate chaude» des négociations.

Après l'élection de Benoît XVI, Mgr Fellay fut reçu par le nouveau pape à Castel Gandolfo. Ratzinger a montré une magnanimité sans précédent envers la Fraternité: il a libéralisé la messe préconciliaire, comme requis par les lefebvristes. Il a levé les excommunications des quatre évêques consacrés illicitement par Lefebvre en 1988. Il a voulu entamer des pourparlers afin de permettre que les questions doctrinales soulevées par la Société soient décortiquées et discutées.

A présent, on est parvenu à la conclusion. Et après toutes ces mains tendues par le Pape et ses collaborateurs, c'est à la Société Saint-Pie X que revient l'étape suivante. Il a été dit à plusieurs reprises que la condition pour la pleine communion devait être l'acceptation du dernier Concile par les lefebvristes. En réalité, le «préambule doctrinal» remis à Fellay hier, et pas encore rendu public, a une portée plus large, et représente une sorte de plate-forme incontournable, avec «certains principes doctrinaux et critères d'interprétation de la doctrine catholique».

Le texte suit la «Professio fidei» (profession de foi), publié en 1989 par l'ex Saint-Office , et rappelle les trois degrés différents d'approbation requis des fidèles. En substance, le catholique s'engage à croire «avec une foi ferme» ce qui est «contenu dans la parole de Dieu» et ce que l'Église propose, «comme divinement révélé». En second lieu, il s'engage à accepter tous les dogmes déclarés comme tels à ce jour. Enfin, et c'est certainement le point le plus problématique pour la Fraternité, il est demandé aux fidèles catholiques d'adhérer «avec respect religieux, de la volonté et de l'intelligence» aux enseignements que le Pape et le collège des évêques «proposent lorsqu'ils exercent leur Magistère authentique», même si ces enseignements ne sont pas proclamés de manière dogmatique, c'est-à-dire définitive. C'est d'ailleurs là que réside la partie la plus consistante du Magistère, à laquelle appartiennent, par exemple, les encycliques. Et où se situent également de nombreux documents de Vatican II, qui, comme tout le magistère, doit être lu, dit le Saint-Siège, à la lumière de la tradition, comme développement et non comme rupture avec la doctrine précédente, selon l'herméneutique proposée par Benoît XVI dans le désormais célèbre discours à la Curie romaine en Décembre 2005.
Au Vatican, on explique que la demande d'accepter la profession de foi contenue dans le «préambule doctrinal» ne signifie pas vouloir faire taire les lefebvristes, et encore moins rendre impossible la discussion franche sur des affirmations isolées de textes conciliaires et sur leur interprétation. D'ailleurs, la critique du Magistère n'a jamais été la seule prérogative du monde traditionaliste: il suffit de penser à toutes les attaques en ce sens qui viennent du monde progressiste. Les différentes interprétations ne doivent toutefois pas devenir une excuse - c'est la ligne du Saint-Siège - pour rejeter le magistère ordinaire du Pape et du collège des évêques.

La rencontre s'est tenue dans une ambiance chaleureuse. Fellay a demandé des éclaircissements et a beaucoup insisté sur la situation critique dans laquelle, selon ses dires, serait l'Église. Du côté du Vatican, on a toutefois souligné qu'il faudra continuer à discuter sur des faits précis - tels que les abus liturgiques dans certains pays - mais sans pour autant remettre en cause l'autorité de l'enseignement du pape ou attribuer la crise de l'Eglise au Concile.

Dans la dernière partie de la rencontre au Vatican, on a également parlé d'une disposition canonique pour la Fraternité Saint-Pie X. La proposition qui a été avancée à Fellay consisterait à créer une «prélature personnelle», institution souhaitée par le Concile, introduite dans le nouveau code de droit canonique et jusqu'ici utilisée seulement pour l'Opus Dei. Son supérieur dépend directement du Saint-Siège et son extension n'est pas attachée à un territoire particulier.

A présent, la décision repose entre les mains des lefebvristes. L'évêque Fellay se réserve de prendre le «temps nécessaire» pour décider, et annonce son intention de «consulter les principaux responsables de la Fraternité Saint-Pie X, parce que sur une question aussi importante, je me suis engagé auprès de mes confrères à ne pas prendre de décisions sans les consulter au préalable».

Du côté de Benoît XVI, il a été fait tout ce qui était possible pour tendre la main et pour essayer d'arriver à guérir la plaie ouverte par les ordinations illicites de 1988. Il est à espérer que l'autre côté aussi, le désir d'unité et l'amour de Pierre l'emporteront, et non les sirènes de la division qui, en faisant échouer cette occasion historique, conduiraient à l'affirmation d'une mentalité sectaire.




Document 1: Communiqué du St-Siège

Voici, tel que rapportés par le bulletin VIS du 14 septembre, le communiqué du Saint-Siège.

(...)

"Obéissant à la volonté du Saint-Père, une commission mixte d'études, composée d'experts de la Fraternité et d'experts de la Congrégation, s'est réunie à huit reprises pour des rencontres qui ont eu lieu à Rome entre octobre 2009 et avril 2011. Ces colloques, dont l'objectif était d'exposer et d'approfondir les difficultés doctrinales majeures sur des thèmes controversés, ont atteint leur but, qui était de clarifier les positions respectives et leurs motivations. Compte tenu des préoccupations et des instances présentées par la Fraternité St.Pie X à propos du respect de l'intégrité de la foi catholique face à l'herméneutique de la rupture du Concile Vatican II à l'égard de la Tradition, herméneutique mentionnée par Benoît XVI dans son discours à la Curie du 22 décembre 2005, la Congrégation pour la doctrine de la foi prend pour base fondamentale de la pleine réconciliation avec le Siège apostolique l'acceptation du préambule doctrinal remis au cours de la rencontre du 14 septembre 2011. Ce document énonce certains des principes doctrinaux et des critères d'interprétation de la doctrine catholique nécessaires pour garantir la fidélité au Magistère de l'Eglise et au Sentire cum Ecclesia, tout en laissant ouvertes à une légitime discussion l'étude et l'explication théologique d'expressions ou de formulations particulières présentes dans les textes du Concile Vatican II et du Magistère successif. Au cours de la même réunion ont été proposés quelques éléments en vue d'une solution canonique pour la Fraternité, qui suivrait la réconciliation espérée.




Document 2: Le sentiment de Mgr Fellay

reproduit sur DICI, l'organe de communication de la FSSPX

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- Comment s’est déroulée cette rencontre ?
- L’entretien a été d’une grande courtoisie et d’une aussi grande franchise, car par loyauté la Fraternité Saint-Pie X se refuse à éluder les problèmes qui demeurent. C’est d’ailleurs dans cet esprit que s’étaient déroulés les entretiens théologiques qui ont eu lieu ces deux dernières années.
(...)

- Le communiqué officiel commun au Vatican et à la Fraternité annonce qu’un document doctrinal vous a été remis et qu’une solution canonique vous a été proposée. Pouvez-vous nous donner quelques précisions ?
- Ce document s’intitule Préambule doctrinal, il nous a été remis pour une étude approfondie. De ce fait, il est confidentiel, et vous comprendrez que je ne vous en dise pas plus. Cependant le terme préambule indique bien que son acceptation constitue une condition préalable à toute reconnaissance canonique de la Fraternité Saint-Pie X de la part du Saint-Siège.
...

- Au sujet du statut canonique qui serait proposé à la Fraternité Saint-Pie X, sous condition de l’adhésion au préambule doctrinal ? On a parlé de prélature plutôt que d’ordinariat, est-ce exact ?
- Comme vous le rappelez justement, ce statut canonique est conditionné ; sa modalité exacte ne peut être vue qu’ultérieurement et reste encore objet de discussion.

- Quand pensez-vous donner votre réponse à la proposition de préambule doctrinal ?
- Sitôt que j’aurai pris le temps nécessaire pour étudier ce document, et consulter les principaux responsables de la Fraternité Saint-Pie X, car sur une matière aussi importante je me suis engagé auprès de mes confrères à ne pas prendre de décision sans les avoir consultés auparavant.
...




Et pour conclure

Espérons que les lefebvristes sauront comprendre les intentions du Saint-Père, et saisir la main si magnanime qu'il leur tend. Désormais, la balle est dans leur camp. Evidemment, même si cela ne me regarde pas, j'aurais préféré ne pas lire le texte incendiaire de l'Abbé Régis de Cacqueray (ici), Supérieur du District de France (précédé de la mention: ce texte a reçu l'approbation de Monseigneur Bernard Fellay, Supérieur Général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X ).

Le renouvellement du scandale d'Assise
Errare humanum est, perseverare diabolicum.

Et enfin, il m'est revenu à l'esprit le texte prophétique écrit sur ce sujet par le Père Scalese (dont je regrette énormément le silence actuel), qui, au début de son blog, s'était beaucoup impliqué dans le dialogue entre "Rome" et la Fraternité. Je me demande si sa voix n'a pas été entendue.
Il faut relire ici (et ce n'est pas parce que le Père Scalese cite ma modeste contribution que j'en parle ici!!):
Et si on simplifiait la question lefebvriste? (cf. benoit-et-moi.fr/2009-I/ )




Exposition des oeuvres de Benoît XVI | Benoît XVI à Ancône, un rayon de soleil