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BERLIN, VILLE OUVERTE
 

La vérité sort de la bouche de Restàn (qui résume ici la première journée du voyage) , dit Carlota, dans une formule lumineuse. Le journaliste espagnol est avec Vittorio Messori et Massimo Introvigne une des rares personnes au monde qui cueille à la perfection la pensée sublime du Saint-Père (23/9/2011).

Discours du Saint-Père ici: http://www.vatican.va/




 



Carlota

J'en suis toujours à croire, idéaliste, que c'est parce que les gens ne savent pas qu'ils ne comprennent pas! (et c'est pourquoi j'ajoute des notes!)
Et quand on a tous les éléments on ne peut penser que comme le Saint Père.

La vérité sort de la bouche de Restán. Moi qui n’ai entendu qu’une partie des discours du Saint Père, c’était à en tomber à genoux et à pleurer de gratitude.

Texte original ici: http://www.paginasdigital.es/..
Ma traduction.




Berlin, ville ouverte

José Luis Restán
23/09/2011

« Il existe le vrai voyage et le voyage que nous raconteront les médias » a dit goguenard le vieux cardinal Brandmüller. Mais encore, au vrai voyage, avec le poids des gestes et des vraies paroles, on oppose la fiction construite durant les semaines précédentes par l’artillerie lourde de quelques médias. Mais la réalité finit pas s’imposer au fantasme. C’était quelque chose de très clair en regardant les visages des députés et des sénateurs au Bundestag, en suivant un discours grandiose, comme jamais on en a écouté de cette tribune. Au même moment, Hans Küng (ndlr: je le croyais hors-circuit!!) pérorait contre Benoît en le comparant à Vladimir Poutine. Il en est arrivé là le pauvre homme.

Le Pape ne cherche certainement pas un succès facile. Il connaît la lymphe profonde des forêts teutonnes (1), les vieux fantômes anti-romains (2), la rumeur de la dissidence, le sarcasme de quelques médias comme le Spiegel, qui l’ont taxé « d’incorrigible ». Incorrigible, bien sûr, parce qu’il annonce la foi même de l’apôtre Pierre. Dans l’avion il n’élude pas la question sur les protestations et dit les comprendre : « C’est quelque chose de normal que dans une société libre et dans une société sécularisée s’expriment des positions contre une visite du Pape. Il est juste qu’on exprime un avis contraire : cela fait partie de notre liberté et nous devons reconnaître que le sécularisme et précisément l’opposition au catholicisme est forte dans nos société. Quand ces opinions s’expriment d’une manière civilisée on ne peut rien dire contre. D’autre part, il est aussi vrai qu’il y a tellement d’attentes et tant d’amour pour le Pape ». Il n’élude pas la polémique, il la défait simplement.

Devant le président Wulff (3) le Pape donne une citation significative du grand évêque et réformateur Ketteler : « Comme la religion a besoin de la liberté, la liberté a besoin de la religion », et il rappelle que la République Fédérale, surgie du traumatisme du nazisme et de la guerre, est arrivée a être ce qu’elle est grâce à la force de liberté façonnée par la responsabilité devant Dieu et devant son prochain. C’est l’authentique fil d’or de son dialogue avec la laïcité, la clef avec laquelle le Pape Ratzinger sait parler à notre temps, sans peur et sans concessions faciles, avec sympathie mais sans complexes. Du toi au toi.

Le vaticaniste Magister dit que le discours devant le Bundestag a été la troisième grande leçon du Pontificat, après Ratisbonne et Paris. C’est vrai. Là le Pape théologien né en Bavière a montré toute la puissance du raisonnement que possède la foi chrétienne, il a cassé tous les schémas, il a tout déplacé. Son grand sujet a été celui des fondements éthiques d’un État libéral démocratique et il l’a développé dans un discours étincelant, avec des pointes d’humour vers les bancs [de l’assemblée], mais avec le sérieux, la densité et la fraîcheur des grands Pères de l’Église ou des grands maîtres médiévaux.

Dans le temple de la démocratie l’évêque de Rome a expliqué qu’en politique « le succès est subordonné au critère de la justice, à la volonté d’appliquer le droit », parce que sans cela, paraphrasant Saint Augustin, il n’y a pas de différence entre l’État et une bande de brigands. Et il n’a pas eu peur de rappeler ce qui s’est passé en ces lieux au moment du nazisme, quand l’État s’est transformé en un instrument de destruction du droit, pour rendre hommage aux combattants de la résistance qui ont rendu un grand service à l’humanité (5).

Et le Pape a lancé son premier grand défi : « dans les questions fondamentales du droit, dans lesquelles est en jeu la dignité de l’homme et de l’humanité, le principe de la majorité ne suffit pas. Dans le processus de formation du droit, une personne responsable doit chercher les critères de son orientation ». Alors il décrit un moment crucial pour l’histoire de l’Occident, quand les théologiens chrétiens ont repoussé un droit basé sur la révélation divine, et de sont mis du côté de la philosophie, en reconnaissant la raison et la nature comme source juridique valable pour tous (6).

Après avoir reconnu l’importance de l’écologie Benoît XVI insiste sur le fait qu’il existe aussi une écologie de l’homme, que celui-ci possède une nature qu’il ne peut manipuler selon ce qui lui chante, parce que l’homme ne s’est pas créé lui-même. Et il lance un nouveau défi à la culture positive dans laquelle ne se reconnaissent pas seulement quelques représentants du peuple : « cela manque-t-il vraiment de sens, comme le soutenait Kelsen, de réfléchir sur si la raison objective qui se manifeste dans la nature ne suppose pas une raison créative, un Creator Spiritus ? Touché (ndt en français dans le texte), applaudissements dans la salle.

Le Pape a conclu en affirmant que la culture en Europe est née de la rencontre entre Jérusalem, Athènes et Rome, une rencontre qui a fixé les critères du droit et de les défendre face à un positivisme sauvage qui nous rend aveugles et sourds à la vie dans toute sa richesse, est notre devoir en ce moment historique.

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Dans le Stade Olympique l’attendaient presque cent mille personnes et beaucoup n’ont pu avoir de place (ndt places assises obligatoires à ce que j’ai cru voir, ce qui évidemment n’a rien à voir avoir l’organisation dans les places et rues madrilène où il suffisait de se trouver debout serré à côté de son voisin, et qui permettait aux imprévoyants ou d’abord hésitants de comprendre peut-être tardivement l’importance de la rencontre et de pouvoir s’y trouver!). Mais qu’importe, maintenant Joseph Ratzinger est à côté de son peuple et il lui parle à tombeau ouvert (ndt dans le sens premier, sans peur de prendre des risques, donc pour un cycliste en allant très vite dans une descente). C’est un chant d’une grande valeur au mystère de l’Église, le don le plus Beau de Dieu. Et il utilise de nouveau l’image du filet qui recueille des poissons bons et mauvais, du champ dans lequel a poussé l’ivraie et le blé. Il parle aussi de ce mécontentement amer qui empoisonne tant de catholiques, des rêves que chacun caresse d’une Église à sa mesure, de la superbe qui prétend la juger de l’extérieur et qui tue la simple gratitude de se considérer fils de ce peuple. C’est l’homélie passionnée d’un père qui réunit ses enfants tentés par la débandade, parfois discuteurs et rebelles, d’autres apeurés d’un environnement trop hivernal.

Le Pape leur demande de rester unis à la vigne pour ne pas se dessécher, il leur parle de cette mystérieuse communion dans laquelle les plus forts doivent porter les charges des plus faibles, un lieu qui est un refuge de lumière et de chaleur au milieu de la tempête. Une maison non pas pour se retrancher mais pour embrasser le monde, en lui donnant l’unique richesse dont elle a vraiment besoin, Jésus Christ. La pluie tombe sur le crépuscule berlinois, la marche antipape a réuni quelques deux mille personnes. Comme dit Brandmüller, il y a un vrai voyage, et c’est celui que veut nous conter une certaine presse.




Notes de traduction

(1) dans le sens poétique d’eau comme disait par exemple Victor Hugo:
« Et qui fait boire une eau morte comme la lymphe» (Pleurs dans la nuit)

(2) En référence à la bataille de Teutobourg (An 9 de notre ère) gagné par Caius Julius Arminius souvent appelé en Allemagne Hermann der Cherusker. Fils du chef de la tribu germanique des Chérusques. En tant que tel il était devenu otage et élevé comme un citoyen romain, devenant même membre de l’ordre équestre. De retour en Germanie, il se fit l'homme de confiance du gouverneur romain Publius Quinctilius Varus tout en fomentant en parallèle une rébellion, ce qui lui permet d'amener Varus et ses trois légions dans une embuscade dans les forêts profondes de Germanie. Ponce Pilate, tout jeune alors, aurait été l’un des rares survivants du massacre.

(3) Christian Wilhelm Walter Wulff est l’actuel président de la République Fédérale Allemagne. Il est né le 19 juin 1959 à Osnabrück (Basse-Saxe, NO Allemagne). C’est près d’Osnabrück dont l’évêché a été instauré sous Charlemagne, que s’était déroulée huit siècles plus tôt la bataille de Teutobourg !

(4) Le Saint Père a même dit « bande de brigands très bien organisés ». On croirait la description de notre monde actuel, avec par exemple la destruction de l’état irakien sous prétexte d’armes de destruction massive, celle de l’état libyen sous prétexte de protéger les populations ; le remboursement des pertes des banques privées par l’impôt d’état payé par les citoyens même pas actionnaires de ces dites banques, l’expropriation du patrimoine d’un pays et la ruine de ses habitants pour une politique monétaire (cf la Grèce) en accusant les petits d’avoir triché avec le fisc et les règles européennes ! Sans parler de la loi du plus fort imposé au plus faible par les lois toujours plus incitatives concernant l’avortement.

(5) J’ai compris que le droit en vigueur durant les régimes totalitaires apparaissait incontestablement une injustice pour beaucoup. Par contre, et c’est aussi le drame de notre époque, c’est qu’aujourd’hui cette distinction pour beaucoup n’apparaît pas de la même façon et pourtant il est toujours aussi vital de distinguer le bien du mal. Le Saint Père a ajouté notamment : « Mais dans les décisions d'un politicien démocrate, la question de savoir ce qui correspond maintenant à la loi de la vérité, ce qui est vraiment juste et peut devenir loi, n'est pas aussi évidente. »

(6) Je comprends non pas dans le sens du rejet de Dieu dans une sphère totalement privée mais pour, avec raison « rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Et non pas faire du « tout César » ou du « tout Dieu ». Et là l’on peut penser tout autant à certains régimes totalitaires athées ou à d’autres pratiques religieuses notamment monothéistes qui n’ont pas encore totalement ou pas du tout, su ou voulu faire cette distinction.




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