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LA DÉMISSION DU PAPE
 

Le faux scoop d'Antonio Socci - qui y est revenu dans le numéro de Libero d'hier - fait l'objet d'un très bon article sur Religion en Libertad. Traduit par Carlota. (28/9/2011)




 
 

La seule chose qui pourrait justifier l'idée d'un départ serait, selon le blogueur espagnol César Uribarri, le sentiment de la part du Pape d'avoir accompli sa mission - ou au contraire, que son maintien pourrait la rendre plus compliquée. Hypothèses très improbables, à mon modeste avis (même si je ne doute pas qu'interrogé à nouveau par Peter Seewald ou Vittorio Messori, le Saint-Père répondrait très simplement).

Un mot encore: pourquoi donner à cette "rumeur" un tel espace dans ces pages (après avoir hésité à en parler)?
C'est très simple: il est naturel que si on aime quelqu'un, on se fasse du souci pour lui.
Mais, comme me le dit mon amie Anne: "Sa forme intellectuelle est étincelante: que de discours éblouissants pendant ce voyage en Allemagne, allant à l'essentiel en partant de la situation actuelle (et non de celle de la génération précédente, comme souvent dans l'Eglise), adapté à son auditoire, changeant de registre à chaque fois, et avec une modernité qui peut surprendre ceux qui ne connaissent pas".




Carlota

Voici un texte où un blogueur espagnol fait une très belle comparaison entre Benoît XVI et le curé d’Ars et il nous rappelle que nous ne devons jamais cesser de prier pour Notre Très Saint Père et l’entourer toujours de notre affection, sans nous occuper de ces rumeurs « vaticanesques » et/ou journalistiques de démission.
http://www.religionenlibertad.com/articulo.asp?idarticulo=17881




La démission du Pape

La boite à vents de Socci est parfois plus dangereuse que celle de Pandore (1). Son intime amitié avec Monseigneur Bertone a été suivie d’un échange mutuel d’accusations autour du troisième secret de Fatima (ndlr : voir à ce sujet l’article de Yves Chiron http://www.fatima.be/), de telle sorte qu'une fois fâché avec Bertone, celui devant qui auparavant les portes du Vatican s'ouvraient toutes grandes, a vu devenir difficile son accès à ce lieu, et à l’information. Et de cette « maison fermée » Socci sort un nouvel ouragan journalistique.
Est-ce à cause du mécontentement envers Bertone, ou d’amitiés non perdues malgré la pression du numéro deux du Vatican ? Le fait est que la première page dominicale d’hier (ndt donc du 25 septembre 2011) du journal « Libero » peut laisser supposer le début d’une nouvelle pression contre le Pape.

Le Pape envisage-t-il, sincèrement, de démissionner en avril 2012 ? Qu'y a-t-il de vrai là-dedans?
Socci prétend se faire l'écho de ce qui circule dans les bureaux les plus importants du Vatican, autrement dit l’hypothèse personnelle du Pape qui, ayant atteint 85 ans, par conséquent au mois d’avril prochain, pourrait démissionner. Andrea Tornielli reprend l’article de Socci et je renvoie à lui (ici).
Mais sans doute cet article renferme-il une double question qu’il convient de prendre en compte, d’autant que les motifs d’une possible démission, donnés par Ratzigner lui-même, seraient au nombre de deux : le premier, une « impossibilité physique, psychologique et mentale de mener jusqu’au bout sa mission». Le second, l’ « incapacité à pouvoir tout supporter », même si c’était seulement du point de vue physique.

Le premier motif paraît raisonnable à Ratzinger, et en des cas bien précis, même un devoir.
Mais le second est une tentation contre laquelle déjà le Pape a demandé des prières : « Priez pour que je ne fuie pas devant les loups », disait-il dans les premiers jours de son pontificat. Cette peur est tout à fait compréhensible face à l’incertitude de pouvoir supporter autant de pression et de persécution, avec une nature humaine non seulement fragile mais plus spécialement encore quand elle est chargée par les ans. C’est dans cette « fatigue » intérieure, dans cette faiblesse à supporter tant de souffrance, que le Pape rencontre la tentation de renoncer: « Priez pour que je ne cède pas devant les loups ». Parce que si c’est à cause des difficultés, le Pape ne pense pas à démissionner. Mieux, c’est en elles que le Pape trouve sa plus grande stimulation pour mettre sa confiance en Dieu.

Ce que Benoît XVI peut avoir médité au sujet de la possibilité de démissionner en avril 2012 exige, le connaissant, de présumer qu’il considère que seront accomplis, à ce moment, son travail, la mission qu’il s’était imposée. Autrement dit: la réalisation de cette feuille de route qu’il s’était tracée au début de son pontificat. Et c’est là, dans cette présomption, que le mystère Ratzinger acquiert une concentration spirituelle remarquable.
Je ne veux pas discuter de la possibilité ou non de cette démission, mais de ce que cela indique de la part d’une personne méthodique et responsable qui n’abandonne sa tâche que lorsqu’elle la considère terminée, ou lorsqu’elle comprend que sa direction peut rendre les objectifs définis plus difficile à atteindre.

Quelle est donc la feuille de route du Pape Ratzinger?
Sans prétendre à l'exhaustivité, on découvre en lui une simplification des objectifs par rapport à son prédécesseur. Jean-Paul II voulait que la parole de Dieu arrivât à tout le monde. Benoît XVI « se contente » (ndt importance bien évidemment des guillemets !) de balayer le chemin de la foi pour qu’ainsi l’on puisse percevoir avec plus de clarté non seulement ses limites mais aussi son contenu : c'est-à-dire que cette reprise de la discipline morale et liturgique est pour le Pape un pas nécessaire pour qu’on puisse cheminer vers Dieu et pour que Dieu puisse avancer vers l’homme. Il l’a dit en Allemagne avec des mots qui cassent tout : « Il ne s’agit pas ici de trouver une nouvelle stratégie pour relancer l’Église. Il s’agit plutôt de déposer tout ce qui est uniquement tactique, et de chercher la pleine sincérité, qui ne néglige ni ne refoule rien de la vérité de notre aujourd’hui, mais qui réalise pleinement la foi dans l’aujourd’hui, la vivant justement, totalement dans la sobriété de l’aujourd’hui, la portant à sa pleine identité, lui enlevant ce qui est seulement apparemment foi, mais qui n’est en vérité que convention et habitude » (note: Rencontre avec les catholiques engagés dans l'église et la société, Fribourg, 25 septembre, source). C'est-à-dire de nouveau aller à la rencontre de Dieu (et pour le Pape, il faut le répéter, Le Christ Eucharistie) afin - seulement ainsi - de pouvoir aller à la rencontre de l’homme.

Et c’est dans cette ligne qu'on voit la démarche du Pape: la redécouverte eucharistique, dans laquelle le Sacré se représente devant l’homme comme quelque chose d’antérieur à lui, qui ne peut être manipulé à son avantage, mais devant lequel on peut tomber en adoration et en supplique. D’une certaine manière, c’est un nouvel éclairage du véritable nœud central de l’Église, ce centre et ces racines autour desquels doit tourner toute l’action de l’Église, le soin et l’adoration eucharistique. Et de là jailliront les forces pour arriver à l’homme, pour le guérir et l’accompagner.

Qu’en avril 2012 il ait accompli sa mission, signifierait que pour le Pape, les tâches qu’il s’étaient fixées pourraient être considérés comme remplies, ou pour le moins en bonne voie.
Lesquelles ? Le retour à la sacralité liturgique, la réunification des enfants dispersés de l’Église (où sont curieusement représentés les « traditions » liturgiques catholiques et évangéliques, à laquelle semble vouloir s’unir la luthérienne; restant l’orthodoxe, qui même si elle reste éloignée, est plus proche que jamais) et les mesures disciplinaires qui évitent que le scandale cesse d’être le mystère de la Croix, mais à la place, la vie dissolue et perverse des fils de l’Église. Et tout cela sans laisser de côté son pari intellectuel le plus complexe, d’essayer que la foi et la raison se donnent la main, comme autrefois.

Cette pratique de la rumeur sur la démission du Pape a, par conséquent, un côté positif… Il est probable que le travail titanesque de Jean-Paul a été nécessaire, un travail où la Vierge a tenu la place la plus importante, parce que sans un tel précédent, ce travail silencieux de Benoît XVI se serait trouvé face à de plus grandes difficultés encore.
Mais la problématique de l’âge, la limite des ans, ne paraissent pas peser sur un Pape peu sportif (ndt encore une image médiatique du monde du « panem et circences » où le sport a été élevé au rang de l’activité absolue) qui en a encore étonné plus d'un, par sa capacité de résistance.
De fait, « ces tentations du Pape » rappellent le bon curé d’Ars avec ses continuelles tentations de se retirer du monde, de se retrouver reclus dans un couvent. Une tentation qui l’a toujours accompagné durant sa vie et il y a même par trois fois donné un début d’exécution, pour ensuite revenir à son confessionnal d’Ars, meurtri et peiné de n’avoir pas pu réitérer ses méditations sur ce qu’il considérait comme « sa misérable vie ». C’est ainsi qu’est le Pape.

Par lui, nous savons qu’avant la mort de Jean Paul II, il lui avait demandé de se retirer pour écrire, et que le bienheureux Wojtyla lui avait demandé un dernier effort. Et de cette douce tentation à laquelle il allait céder comme Cardinal doyen en voyant sa mission accomplie, après la mort de son cher prédécesseur, il avait été tiré « violemment » par un conclave qui le voulut Pape.
Aujourd'hui semble venir cette troisième tentation: « J’ai accompli. Je peux me retirer ». Et peut-être qu'en théorie Ratzinger lui-même a argumenté en sa faveur, préparant le chemin, favorisant la tentation, mais comme au bon curé d’Ars, même si des pas réels ont été faits dans ce sens (ces entrevues avec Peter Seewald, ce fait de repenser en théorie à la question, ce fait de voir ses objectifs tracés en cours de réalisation), c’est la clameur ( et persécution) de ses paroissiens qui l’a fait revenir à son poste, qui n’était autre que celui de mourir « avec les bottes aux pieds » dans son confessionnal.

De sa santé, de la santé du Pape, c'est Dieu qui prend soin, et la vie réglée qu’il mène. De l’autre côté, de la capacité de pouvoir supporter, c’est nous qui devons prendre soin, en ne faiblissant pas dans nos prières et notre affection pour lui.
Bien sûr qu’il lui pourrait venir l’envie de se retirer, comme au bon Jean Marie Vianney; mais ses fils d’Ars ont laissé un bon précéedent, quand en une foule immense ils sont partis à sa recherche pour éviter qu’il ne cédât à la tentation de sa démission.

César Uribarri (2)

Notes

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(1) Peut-être un peu exagéré car la boite que Pandore, créature du Zeus vengeur contenait tous les maux des hommes, mais l’on comprend la force de l’idée.

(2) César Uribarri, blogueur hébergé par Religión en Libertad, est aussi journaliste et s’est notamment intéressé au troisième secret de Fatima, à la Sœur Inés Sasagawa et aux messages de la Sainte Vierge qu’elle reçut à Akita (Japon), messages jugés fiables et dignes de foi en 1988 alors que le cardinal Razinger était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. César Uribarri se présente lui-même ainsi : « Mon corps est né à Madrid, parce que mon âme, elle, a dû venir d’Avila ou tout au moins c’est là que j’ai mon cœur, dans ces rues pavées de chevaliers et de saints, dans la toujours mystique et guerrière [Avila]. Et comme la Sainte a aimé dire, en regardant dans ma vie d’avant, “misericordias domini, in aeternum cantabo”, parce qu'avec miséricorde sur miséricorde, le Seigneur m’a béni en ma femme et mes enfants, peut-être juste pour mes démérites.




Ajout: Socci persiste

Lundi, Socci qui ne veut décidément pas en démordre, conscient de la tempête que son « scoop » avait déchaîné, en a remis une couche dans Libero du 27 septembre, (article reproduit sur son blog ici)
Il pétend trouver « comique » que ceux qui nient les rumeurs, ce n’est pas l’intéressé lui-même ( !!!) , mais des journalistes ignorant totalement les intentions du Pape (et lui ?).
Il écrit des choses belles et justes, comme s’il regrettait ce qu’il avait annoncé avec fracas, mais cela rend son propos par endroits complètement incohérent :

Je pense et j'espère que Benoît XVI pourrait en fait être un de ces papes qui se croyaient de transition à cause de leur âge avancé, et qui ont au contraire gouverné l'Eglise pendant longuement et de façon merveilleuse. Comme Léon XIII.
Nous espérons donc tous que la vigueur qu'il a montrée lors des récentes visites en Espagne et en Allemagne - où il a littéralement fait tomber les gens amoureux (comme c'est arrivé en Angleterre) - est un bon signe.
Mais sa «fatigue» - pour ce que nous avons pu en savoir - n'a pas actuellement de raisons physiques (en cela, sa confiance en Dieu semble pour lui une source d'énergie).
Non, sa « fatigue » vient plutôt de l'amertume et de la souffrance de ceux qui , plus que tout autre, devraient le suivre, lui obéir et lui venir en aide. Et ce genre de stress, chez un homme bon et sensible comme le pape Benoît XVI, est pire que le stress physique.


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Dans la suite de l’article, il règle son compte avec une certaine forme de cléricalisme, autrement dit, si je le suis bien, à certains prélats bien précis.
Avant de conclure, toujours dans l’incohérence :

Ce à quoi appelle le pape Benoît, pour l'Eglise, c'est la plus importante des réformes, la seule vraie: la conversion. Il l'a fait jusqu'à présent avec une formidable passion évangélique, avec sagesse et bonté.
S'il devait néanmoins se rendre compte que l'entreprise se fait peu probable (c'est pourquoi il a dit que l'ennemi « est dans » l'Eglise), il en viendra à répéter ce qu'il avait dit dans la chapelle Sixtine, alors qu'on votait pour lui: « Seigneur, tu en as de plus jeunes».
La démission serait pour lui un geste d'amour de l'Église et d'humilité. Mais ce serait une catastrophe pour nous.

Raffaella, en indiquant le lien vers l’article, a suscité de nombreuses réactions.

Je donnerais le mot de la fin à cellr-ci :

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J’aurais beaucoup à dire, et je ne serais pas tendre avec Socci. Ceci posé, je me limiterai à observer qu’il n’a pas écrit l’unique chose raisonnable en cette circonstance :
« Pardonnez-moi, Saint-Père, j’ai fait une faute. Je vous ai terriblement manqué de respect. Comme beaucoup, je vous ai mis en première page, et je n’aurais pas dû, à plus forte raison pour la profonde affection et la vénération que je vous porte ».

Ceci aurait suffi, tout le reste n’est que des mots, vrais par de nombreux aspects, mais qui ne justifient pas une action violente et préventive de « moral suasion », qui, pour le moment n’est rien d’autre qu’une supposition qui pourrait être instrumentalisée. Tout est là.




La veillée de Fribourg | Pas de retraite pour Benoît XVI