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VOUS ALTÉREZ LA FOI ET VOUS N'ÉVANGÉLISEZ PAS
 

C'est ce qu'a dit le Pape, avec beaucoup de délicatesse, aux luthériens progressistes. Le journaliste Pablo Ginès analyse pour Religion en Libertad le discours que le Pape a adressé aux représentants du conseil de l'église évangélique en Allemagne à Erfurt. Traduction de Carlota (29/9/2011)

Les deux discours du Pape:
->
aux représentants du conseil de l'église évangélique en Allemagne .
-> lors de la célébration œcuménique au couvent augustinien .




 

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Carlota

On ne peut pas repartir de bon chemin sans avoir reconnu d’abord s’être trompé de route. C'est en substance ce que le Saint-Père a voulu faire comprendre aux protestants à Erfurt.
Par ailleurs, pour nous catholiques, il n’est pas mauvais d’avoir des précisions, ne serait-ce que pour leurs désignations qui peuvent prêter à confusion, sur les églises protestantes ou néo-protestantes dont nous avons du mal à concevoir l’immense et fluctuante diversité.

Article original ici: http://religionenlibertad.com/articulo.asp?idarticulo=17837




 

«Vous altérez la foi et vous n’évangélisez pas »: C’est ce qu’a dit le Pape avec beaucoup de délicatesse aux luthériens progressistes.

Le luthéranisme officiel allemand, les 22 églises luthériennes (et quelques unes calvinistes) regroupées dans ce qui est appelé l’Église Évangélique en Allemagne (EKD, en allemand), est à la base « progressiste ».
Tout comme l’Église catholique, et c’est tout à fait officiel dans le pays, elle reçoit des fonds du succulent « impôt religieux » allemand. Aux éléments luthériens des siècles de tradition (le clergé marié, le divorce facile, la désignation des « évêques » par le vote des fidèles), se sont ajoutés ces dernières années la vision favorable de la contraception, les relations affectives de couples du même sexe et le clergé féminin. Bref, tout ce que les groupes dissidents pseudo-catholiques demandent à Rome avec insistance.

Cependant toutes ces « modernités » qui sont appliquées depuis des décennies voire des siècles, n’ont aidé en rien l’EKD. Depuis 1950 les luthériens allemands ont perdu 42% de leurs fidèles tandis que les catholiques ont augmenté de 7%. En 2009 pour la première fois le catholicisme a dépassé le protestantisme dans ce pays. Les chiffres officiels de 2009 le confirment : en Allemagne, 24,9 millions de personnes se déclaraient catholiques, alors que les 22 églises de la EKD ne comptaient que 24,2 millions de fidèles. Pour la première fois depuis la Réforme luthérienne, les catholiques redevenaient le groupe majoritaire (ndt ne pas oublier non plus le taux de natalité extrêmement faible des Allemands d’origine tant catholiques que protestants - voir ici, courbe bleue).

Et puis est venu le scandale des abus physiques ou sexuels sur des mineurs dans des institutions catholiques allemandes, mais on a découvert aussi qu’il y avait eu des affaires terribles dans des collèges évangéliques (ndt de l’EKD donc) et des collèges laïcs de l’élite.

L’ex-présidente luthérienne de la EKD, Margot Käßmann (ndt voir la fiche succincte en français de wikipedia) , pasteur féminin divorcée et sanctionnée en 2009 pour conduite en état d’ébriété, n’a pas été un grand exemple du clergé féminin. Cela ne l’a pas empêché de faire campagne, - pas vraiment œcuménique, pour demander que l’Église catholique accepte la contraception, quelque chose que, jusqu’en 1930, toutes les Églises protestantes condamnaient, Bible à la main. Elle profitait également de l’occasion pour réprimander le Pape qui s’opposait aux campagnes de préservatifs en Afrique.

C’est à ces représentants de l’EKD, du luthérianisme progressiste, qui ont vu se vider leurs églises (mais pas à Käßmann déjà à la retraite), que le Pape a adressé ses discours du vendredi matin à Erfut. Il leur à dit globalement deux choses : « Vous falsifiez la foi » et « vous n’évangélisez pas », avec délicatesse et diplomatie, bien sûr, pour que personne ne se fâche.

« Vous n’évangélisez pas » :
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La forme que le Pape a choisie pour dire « les luthériens progressistes n’évangélisent pas » a été de signaler que d’autres chrétiens le font, avec un grand élan missionnaire. Il faisait référence aux Pentecôtistes et aux groupes qu’en Espagne et aux Etats-Unis nous appelons « évangéliques » (ndt et dans beaucoup d’autres endroits de la planète), parfois de style charismatique. Par exemple, l’église australienne évangélique Hillsong, célèbre pour ses chansons (*), qui a un siège à Berlin, chante, évangélise, fait des prédications, créé des groupes…Rien à voir avec les luthériens insipides, qu’ils soient liturgiques ou anti-liturgiques. Ils sont encore peu nombreux mais ce sont eux qui croissent en nombre en Allemagne.

Le Pape n’a pas mentionné expressément ces pentecôtistes, ni ne les a loués: Il était comme un invité dans une maison étrangère. Son allusion pouvait aussi inclure des groupes plus inquiétants comme « Pare de sufrir » (ndt textuellement « arrêtez de souffrir » ou église universelle du royaume de Dieu fondée en 1977 . Le site en anglais est aussi très symptomatique) qui offre des miracles faciles et de la prospérité à celui qui donne des dons conséquents. Le Pape l’a exprimé ainsi : « Devant une nouvelle forme de christianisme, qui se fond dans un immense dynamisme missionnaire parfois préoccupant dans ses formes, les Églises confessionnelles historiques restent fréquemment perplexes. C’est un christianisme de faible densité institutionnelle, avec peu de bagage rationnel, moins encore dogmatique, et avec peu de stabilité. Ce phénomène mondial nous place tous devant cette question : Que nous transmet positivement ou négativement cette nouvelle forme de christianisme ? »

Et aussitôt après il a enchaîné avec le grand défi du christianisme : « qu’est ce qui peut changer sans qu’il y ait altération de la foi ?» ou, avec ses mots à lui : « [cette nouvelle forme de christianisme] nous met de nouveau face à la question de savoir ce qui demeure toujours valable, et ce qui peut ou doit être changé, par rapport à la question de notre choix fondamental dans la foi ». Et les luthériens ont changé tant de choses dans leur doctrine depuis ses soixante dernières années !

« Vous altérez la foi »:
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Aussitôt le Pape insiste, cette fois en faisant la relation avec un autre défi, celui de la sécularisation: « Faudrait-il céder à la pression de la sécularisation, devenir modernes moyennant une édulcoration de la foi ? La foi doit être repensée, naturellement, et surtout elle doit être vécue aujourd’hui d’une manière nouvelle pour devenir quelque chose qui appartient au présent. ». Évidemment le Pape dit à ses hôtes luthériens libéraux que « quelqu’un » (« et je ne regarde personne », comme dit la formule consacrée) altère la foi.

Pour finir, le Pape consacre quelques lignes à l’oecuménisme qu’il aime: l’exemple conjoint des martyrs catholiques et protestants sous le nazisme, se recentrer sur l’essentiel (qui inclut « Les grandes règles des Saintes Écritures et les professions de foi du christianisme ancien ») et « prier et chanter ensemble », ce qui en soit donne déjà une certaine communion. « Ne perdons pas les grandes choses que nous avons en commun, celles qui par elles-mêmes nous font chrétiens et que nous avons comme don et tâche », affirme-t-il.
Et quelle est la voie qui nous guidera, nous, catholiques et évangéliques, vers l’unité dans l’unique Seigneur ? » . Il le dit à la fin de son discours : «la foi, vécue à partir du plus profond de nous-mêmes, dans un monde sécularisé ».




Notes de traduction

a) L’église anglo-australienne Hillsong a un groupe associé qui d’ailleurs a fait un tabac à Madrid lors d’un concert le 10-09-2011. Je reste réservée sur ce type d’évangélisation qui ne plait pas forcément (au fond de leur cœur) à tous les jeunes catholiques. Certains m’ont parlé de « rattrapage » voire de mauvaise imitation d’un style musical mondialiste très anglo-américain qu’on doit aimer parce que c’est à la mode, comme on doit aimer aller manger chez Macdo et s’habiller avec la marque X ou Y. (un échantillon ici), comme tous les jeunes du village global. Comme on n’a pas envie de faire ringard, qu’on veut être comme les autres, surtout on ne connaît rien d’autre, ces groupes dits chrétiens sont un bon alibi pour montrer qu’on est comme tous les jeunes. Il faut avouer aussi que lorsqu’on a envie de sortir avec ses copains, en groupe, à moins de souffrir d’une pathologie qui vous fait avoir peur de la foule, de la musique forte, etc, l’on participe à l’enthousiasme, l’effet de masse agit et le rythme de la batterie aussi. Mais ce n’est peut-être que cela. D’autant que la langue chantée (le plus souvent en anglais) n’est pas forcément comprise complément et que textes ne sont, malgré tout, pas toujours très transcendants. Donc, est-ce vraiment transmettre la foi ou bien est-ce une forme de racolage ou de bruit de tambour « de sergent recruteur », parce que la foi, malgré tout reste centré tout au moins, pour nous catholiques, sur l’eucharistie.

b) L’auteur n’évoque pas d’autres groupes qui se disent églises mais qui remontent leur fondement avant notre ère et qui peuvent aussi faire référence au Dieu unique d’Israël. Elles sont aussi d’origines anglo-américaines et au plus tôt nées au XIXème siècle. Profitant de divers facteurs, elles progressent aussi beaucoup sur les « décombres » des églises traditionnelles




11 septembre 2001-2011 | Départ d'Allemagne: contre-jours