Dialogue avec les orthodoxes


Alors que la volonté de Benoît XVI d'arriver à la communion visible de tous les disciples du Christ - selon la promesse faite au lendemain de son élection, devant ses confrères cardinaux- revient au premier plan de l'actualité, voici un document qui illustre les difficultés de l'entreprise.

Après la Déclaration "controversée" Dominus Iesus, le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi répondait minutieusement, en février 2001, à une lettre interrogative de son cher ami, le Métropolite Damaskinos , actuel métroplite d'Andrinople..


 

Joseph Ratzinger y expliquait la position du Préfet... c'est-à-dire, aujourd'hui, du Pape: il est resté le même, dans une autre fonction.

En plus de l'intérêt que je qualifierai de purement technique de l'échange "trapu" entre deux théologiens de premier plan (avec des réponses d'une grande clarté de la part du Préfet de la CDF, même pour le profane que je suis), cette correspondance a le mérite de nous rendre témoin de la délicatesse avec lequel le Cardinal exprime le sentiment de l'amitié.
Il semble en effet qu'une grande affection l'unisse au prélat orthodoxe, qui fut l'un de ses élèves. Je crois avoir lu que sa croix pectorale de cardinal - celle-la même que l'on voit sur la couverture du livre - était un cadeau de ce dernier, auquel il tient beaucoup.

Il suffit, pour comprendre les décisions actuelles du Saint-Père de changer, dans les phrases qui suivent, le mot "préfet" en celui de "pape".

Le Préfet (ou le Pape) et le professeur

Je voudrais dire à ce propos : le professeur et le préfet sont une même personne, mais les deux dénominations désignent des fonctions auxquelles incombent des tâches différentes. En ce sens, il y a une différence, mais non une contradiction.
...
Le professeur (que je suis toujours) cherche l'intelligence de la foi et présente dans ses livres et ses conférences ce qu'il croit avoir trouvé et ce qu'il soumet à la discussion des théologiens comme au jugement de l'Église. Dans sa responsabilité devant la vérité et dans la conscience de ses limites, il essaie d'obtenir des lumières qui permettent d'avancer sur le chemin de la foi et sur le chemin de l'unité. Ce qu'il dit ou écrit vient du cheminement personnel de sa pensée et de sa foi et le place dans le chemin commun de l'Église.
Le préfet, par contre, n'a pas à exposer ses opinions personnelles. Il doit, au contraire, les laisser de côté pour laisser la place à la parole commune de l'Église. Il n'écrit pas, comme le professeur le fait, des textes à partir de ses propres recherches et lumières, mais il doit veiller à ce que les organes de l'Église enseignante fassent leur travail avec grande responsabilité, en sorte que finalement un texte soit purifié de tout ce qui est seulement personnel et qu'il devienne vraiment une parole commune de l'Église.

[..] le Pape comme pasteur suprême de l'Église tente de parler aussi directement que possible aux fidèles et choisit donc en quelque sorte un langage « pastoral » ...

Même si les textes [issus de la CDF] ont un caractère autre que ceux que je pourrais et serais en droit d'écrire personnellement, il est clair que, comme préfet, je ne soutiens rien que je ne pourrais soutenir aussi personnellement comme directive, et pour moi-même, et comme parole à l'adresse de l'Église et pour l'Église.

Ces deux lettres sont reproduites dans le livre "Faire route avec Dieu", de Joseph Ratzinger, édition Parole et Silence, pages 203 et suivantes.
[Je me suis permis de rajouter quelques sous-titres, les plus neutres possibles, pour faciliter la lecture.]

Lire ici:
Lettre du Patriarche Orthodoxe Damaskinos
La réponse du Préfet de la CDF

Der Bruder des Papstes
Une exposition sur le pape à Stuttgart