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Les deux pauvretés

Homélie du 1er Janvier.



En ce premier jour de l'année, on célèbre la fête de Sainte Marie, Mère de Dieu, en même temps que la journée mondiale de la Paix.
Ce fut l'occasion, pour le Saint-Père, lors de la messe solennelle qu'il présidait, dans la basilique Saint-Pierre, de commenter pour nous son message annuel:
Voir ici:
Journée mondiale de la paix 2009: Le message du Saint-Père, sur la pauvreté et la mondialisation.

C'est un discours très fort, qui m'interpelle personnellement, propre à nous faire réfléchir, à nous mettre mal à l'aise, et peut-être à nous changer.
En ces temps de "crise économique" (l'a t'on assez entendu, ces jours-ci! mais elle n'est pas visible chez tout le monde, et surtout pas chez ceux qui nous en rebattent les oreilles ), la période de la Nativité du Christ est un moment opportun pour opposer la pauvreté choisie, celle de Jésus, né pour nous dans une étable, et la pauvreté insupportable, celle des millions de gens qui n'ont rien, une pauvreté qu'il faut combattre.
Le Pape nous dit en susbstance qu'il est vain de prétendre résoudre la crise en question si nous ne changeons pas notre mode de vie. C'est l'évidence.
Autrement dit (et tous ceux qui ont la nausée de l'orgie de consommation que les "fêtes de fin d'année" générent dans nos sociétés repues le ressentent), revenir à la sobriété, et à l'essentiel.
C'est la pauvreté choisie dont nous parle l'enfant de Béthléem.
Il fallait que ce soit ce Pape, né dans une famille modeste, et qui a connu la gêne (mais qui, dit-il dans ses mémoires, en conçoit de la reconnaissance, car il se souvient à quel point il pouvait se réjouir des plus petites choses), qui soit là
pour nous le rappeler.

Mieux vaut lire l'homélie papale en entier (c'est d'ailleurs toujours vrai, mais ça l'est particulièrement ici) plutôt que les "petites phrases" que les medias vont immanquablement prélever hors-contexte, et que je devine déjà...

Le texte original en italien est ici: http://212.77.1.245/news_services/...

Ma traduction:

En ce premier jour de l'année, la divine Providence nous rassemble pour une célébration qui à chaque fois nous émeut par la richesse et la beauté de ses correspondances : le Jour de l'an civil rencontre le point culminant de l'Octave de Noël, où l'on célèbre la Divine Maternité de Marie, et cette rencontre trouve une synthèse heureuse dans la Journée Mondiale de la Paix. A la lumière de la Nativité du Christ, il m'est agréable d'adresser à tous mes meilleurs souhaits pour l'année qui vient de commencer. Je les adresse, en particulier, au Cardinal Renato Raffaele Martino et à ses collaborateurs du Conseil Pontifical de la Justice et de la Paix, avec une reconnaissance spéciale pour leur précieux service. Je les adresse en même temps, au Secrétaire d'État, le Cardinal Tarcisio Bertone, et à tout le Secrétariat d'État; et aussi, avec une vive cordialité, à Messieurs les Ambassadeurs présents aujourd'hui en grand nombre. Mes voeux font écho au souhait que le Seigneur lui-même vient de nous adresser dans la liturgie de la Parole. Une Parole qui, à partir de l'événement de Bethléem, évoqué dans sa réalité historique par l'Évangile de Luc (2.16-21), et relu dans toute sa portée salvifique par l'apôtre Paul (Gal 4.4-7), devient bénédiction pour le peuple de Dieu et pour l'entière humanité.

Ainsi est portée à son accomplissement l'ancienne tradition juive de la bénédiction: les prêtres d'Israël bénissaient le peuple « en posant sur lui le nom » du Seigneur. Avec une formule ternaire - présente dans la première lecture - le Saint Nom était invoqué par trois fois sur les fidèles, comme présage de grâce et de paix. Cet usage antique nous ramène à une réalité essentielle : pour pouvoir marcher sur le chemin de la paix, les hommes et les peuples ont besoin d'être éclairés par le « visage » de Dieu et être bénis par son « nom ».
Justement, cela s'est confirmé de manière définitive avec l'Incarnation : la venue du Fils de Dieu dans notre chair et dans l'histoire a apporté une bénédiction irrévocable, une lumière qui ne s'éteint plus et qui offre aux croyants et aux hommes de bonne volonté la possibilité de construire la civilisation de l'amour et de la paix.

Le Concile Vatican II a dit, à cet égard, qu' « avec l'incarnation, le Fils de Dieu s'est uni en quelque sorte à chaque homme » (Gaudium et spes, 22). Cette union est venue confirmer le dessein originel d'une humanité créée à « l'image et à la ressemblance » de Dieu. En réalité, le Verbe incarné est l'unique image parfaite et consubstantielle du Dieu invisible. Jésus Christ est l'homme parfait. « En lui - observe encore le Concile - la nature humaine a été assumée…, pour cela même, elle a aussi été élevée à une dignité sublime » (ibid.).
C'est pourquoi l'histoire terrestre de Jésus, culminant dans le mystère pascal, est le début d'un monde nouveau, parce qu'elle a réellement inauguré une nouvelle humanité, capable, toujours et seulement avec la grâce du Christ, de mettre en oeuvre une « révolution » pacifique. Une révolution non pas idéologique mais spirituelle, non pas utopique mais réelle, et pour cela, nécessitant une infinie patience, des temps parfois très longs, évitant tout raccourci et parcourant la voie la plus difficile : le mûrissement de la responsabilité dans les consciences.

Chers amis, tel est le chemin évangélique vers la paix, que l'Évêque de Rome lui aussi est appelé à proposer à nouveau avec constance à chaque fois qu'il met la main au Message annuel pour la Journée Mondiale de la Paix.
En parcourant cette route il faut parfois revenir sur des aspects et problématiques déjà affrontés, mais si importants qu'ils réclament une attention toujours nouvelle.
C'est le cas pour le thème que j'ai choisi pour le Message de cet année : « Combattre la pauvreté, construire la paix ». Un thème qui se prête à un double jeu de considérations, auxquelles maintenant je ne peux faire qu'une brève allusion.
D'une part la pauvreté choisie et proposée par Jésus, de l'autre la pauvreté à combattre pour rendre le monde plus juste et plus solidaire.

Le premier aspect trouve son contexte idéal en ces jours, dans la période de Noël. La naissance de Jésus à Bethléem nous révèle que Dieu a choisi la pauvreté pour lui-même dans sa venue parmi de nous. La scène que les bergers virent les premiers, et qui confirma l'annonce faite par l'ange, est celle d'une étable où Marie et Joseph avaient cherché refuge, et d'une mangeoire dans laquelle la Vierge avait déposé le Nouveau-né enveloppé de langes (cf Lc 2,7.12.16). Cette pauvreté, Dieu l'a choisie. Il a voulu naître ainsi - mais nous pourrions tout de suite ajouter : il a voulu vivre, et même mourir ainsi. Pourquoi ? Saint Alphonse Marie de Ligurie l'explique en termes populaires, dans un cantique de Noël, que tout le monde connaît en Italie : « A Te, che sei del mondo il Creatore, mancano panni e fuoco, o mio Signore. Caro eletto pargoletto, quanto questa povertà più m’innamora, giacché ti fece amor povero ancora". ».
Voilà la réponse : l'amour pour nous a poussé Jésus non seulement à se faire homme, mais à se faire pauvre. Dans cette même ligne nous pouvons citer l'expression de Saint Paul dans la seconde Lettre aux Corinthiens : « Vous connaissez en effet - écrit-il - la grâce de notre Seigneur Jésus Christ : le riche qu'il était, s'est fait pauvre pour vous, pour que vous deveniez riches au moyen de sa pauvreté » (8.9).
Un témoin exemplaire de cette pauvreté choisie par amour fut saint François d'Assise. Le franciscanisme, dans l'histoire de l'Église et de la civilisation chrétienne, constitue un courant répandu de pauvreté évangélique, qui a fait tant de bien, et continue à en faire, à l'Église et à la famille humaine. Pour en revenir à la superbe synthèse de Saint Paul sur Jésus, il est significatif - également pour notre réflexion d'aujourd'hui - qu'elle ait été inspirée à l'Apôtre justement pendant qu'il exhortait les chrétiens de Corinthe à être généreux dans la collecte en faveur des pauvres. Il explique : « Il ne s'agit pas de vous mettre en difficulté pour soulager les autres, mais qu'il y ait égalité » (8.13).

C'est là un point décisif, qui nous fait passer au second aspect : il y a une pauvreté, une indigence, que Dieu ne veut pas et qui doit être « combattue » - comme le dit le thème de cette Journée Mondiale de la Paix ; une pauvreté qui empêche les personnes et les familles de vivre selon leur dignité ; une pauvreté qui offense la justice et l'égalité et qui, comme telle, menace la cohabitation pacifique.
Dans cette acception négative rentrent aussi les formes de pauvreté non matérielles qui se remarquent aussi dans les sociétés riches et développées : marginalisation, misère relationnelle, morale et spirituelle (cf Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2008, 2). Dans mon Message j'ai voulu encore une fois, dans le sillage de mes Prédécesseurs, considérer attentivement le phénomène complexe de la mondialisation, pour en évaluer les rapports avec la pauvreté sur une grande échelle. Face à des plaies diffuses telles que les maladies pandémiques (ivi, 4), la pauvreté des enfants (ivi, 5) et les crises alimentaires (ivi, 7), j'ai dû malheureusement en arriver à dénoncer l'inacceptable course aux armements. D'une part on célèbre la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, et de l'autre on augmente les dépenses militaires, en violant cette même charte des Nations Unies, qui s'engage à les réduire au minimum (cf art. 26). En outre, la mondialisation élimine certaines barrières, mais elle peut en construire de nouvelles (Message cit, 8), auxquelles la communauté internationale et les États doivent être toujours vigilants ; ils ne doivent pas baisser la garde devant les dangers de conflit, mais au contraire, ils doivent maintenir haut le niveau de la solidarité.
Dans cette perspective, la crise économique mondiale actuelle doit être vue comme un banc d'essai: sommes-nous prêts à la lire, dans sa complexité, comme un défi pour le futur et pas seulement comme une urgence à laquelle donner des réponses à court terme ? Sommes-nous disposés à faire ensemble une révision profonde du modèle de développement dominant, pour le corriger de manière concertée et clairvoyante ?
En réalité, plus encore que les difficultés financières immédiates, l'état de santé écologique de la planète et, surtout, la crise culturelle et morale, dont les symptômes sont depuis longtemps évidents dans chaque partie du monde, l'exigent.

Il faut alors chercher à établir un « cercle vertueux » entre la pauvreté « à choisir » et la pauvreté « à combattre ».
S'ouvre ainsi un chemin fécond de fruits pour le présent et pour le futur de l'humanité, qui pourrait se résumer ainsi : pour combattre la pauvreté inique, qui opprime tant d'hommes et de femmes et menace la paix de tous, il faut redécouvrir la sobriété et la solidarité, comme valeurs évangéliques et en même temps universelles.
De façon plus concrète, on ne peut combattre efficacement la misère, si on ne fait pas ce qu'écrit Saint Paul aux Corinthiens, si on ne cherche pas « à faire l'égalité », en réduisant le dénivellement entre ceux qui gaspillent le superflu et ceux qui manquent même du nécessaire.
Cela comporte des choix de justice et de sobriété, choix d'autre part imposés par l'exigence d'administrer sagement les ressources limitées de la terre. Lorsqu'il affirme que Jésus Christ nous a enrichis « avec sa pauvreté », Saint Paul offre une indication importante non seulement sous l'angle théologique, mais aussi sur le plan sociologique. Pas dans le sens que la pauvreté soit une valeur en soi, mais parce qu'elle est la condition pour réaliser la solidarité. Lorsque François d'Assise se dépouille de ses biens, il fait un choix de témoignage inspiré à lui directement par Dieu, mais en même temps, il montre à tous la confiance dans la Providence. Ainsi, dans l'Église, le voeu de pauvreté est l'engagement de certains, mais il rappelle à tous l'exigence du détachement des biens matériels et la primauté des richesses de l'esprit.

Voilà donc le message à recueillir aujourd'hui : la pauvreté de la naissance du Christ à Bethléem, au-delà d'un objet d'adoration pour les chrétiens, est aussi une école de vie pour chaque homme. Elle nous enseigne que pour combattre la misère, aussi bien matérielle que spirituelle, le chemin à parcourir est celui de la solidarité, qui a poussé Jésus à partager notre condition humaine.

Chers frères et soeurs, je pense que la Vierge Marie s'est posée plus d'une fois cette question : pourquoi Jésus a-t-il voulu naître d'une fille simple et humble comme moi ? Et ensuite, pourquoi a-t-il voulu venir au monde dans une étable et avoir comme première visite cellee des bergers de Bethléem ?
La réponse, Marie l'eut pleinement à la fin, après avoir déposé dans le sépulcre le corps de Jésus, mort et enveloppé dans des bandes (cf Lc 23.53). Alors elle comprit pleinement le mystère de la pauvreté de Dieu. Elle comprit que Dieu s'était fait pauvre pour nous, pour nous enrichir de sa pauvreté pleine d'amour, pour nous exhorter à freiner l'avidité insatiable qui suscitent luttes et divisions, pour nous inviter à modérer la frénésie de posséder et à être ainsi disponibles au partage et à l'accueil réciproque.
A Marie, Mère du Fils de Dieu qui s'est fait notre frère, nous adressons, confiants, notre prière, afin qu'elle nous aide à en suivre les traces, à combattre et vaincre la pauvreté, à construire la vraie paix, qui est opus iustitiae.
A Elle nous confions le profond désir de vivre en paix qui monte du coeur de la grande majorité des populations israéliennes et palestiniennes, encore une fois mises en danger par les violences massives éclatée dans la bande de Gaza en réponse à d'autres violences.
Même la violence, même la haine et la méfiance sont des formes de pauvreté - peut-être plus terribles - « à combattre ».
Qu'elles ne prennent pas le dessus !
Dans ce sens les Pasteurs de ces Églises, en ces tristes jours, ont fait entendre leur voix. Avec eux et avec leurs très chers fidèles, surtout ceux de la petite mais fervente paroisse de Gaza, nous déposons aux pieds de Marie nos préoccupations pour le présent et nos craintes pour le futur, mais aussi l'espoir fondé qu'avec la contribution sage et clairvoyante de tous, il ne sera pas impossible de s'écouter, de se rencontrer, et de donner des réponses concrètes à l'aspiration répandue de vivre en paix, en sûreté, dans la dignité.
Nous disons à Marie : accompagne-nous, céleste Mère du rédempteur, tout au long de l'année qui commence aujourd'hui, et obtiens de Dieu le don de la paix pour la Terre Sainte et pour l'humanité entière. Sainte Mère de Dieu, prie pour nous. Amen.

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