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Le Pape, aumônier des "Occupy Wall Street"?

Après le Pape vert, voici qu'on nous présente le Pape "indignados", le Pape "no global", le Pape "aumônier du mouvement Occupy Wall Street". La publication, avant-hier d'une Note du Conseil pontifical Iustitia et Pax, donne lieu aux exagérations / élucubrations habituelles dans la presse mondiale. George Weigel laisse entendre un autre son de cloche, pourquoi ne pas l'écouter, juste pour information? (26/10/2011)

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Voir ici: Le Pape peut-il sauver le monde...

Avant de lire le billet de George Weigel, que j'ai traduit plus bas, il faut revenir à cet article qu'il avait écrit après la publication de l'Encyclique Caritas in Veritate en juillet 2009 (traduit ici: benoit-et-moi.fr/2009-II/). Il la qualifiait alors d'Encyclique en or et rouge: selon lui elle comportait deux parties totalement disjointes et non miscibles entre elles, la partie « bénédictine » de la main du Pape (à surligner en or) et la partie issue d’un office de la Curie, le « gauchisant » Conseil Pontifical Justice et Paix, à marquer de rouge (le rouge est la couleur avec laquelle les professeurs soulignent les fautes !).

Il faut aussi lire le dernier billet (chiesa.espresso.repubblica.it) de Sandro Magister, qui a fait fort, au moins dans son titre:

"Occuper Wall Street". Le Vatican sur les barricades
À la veille du G20, le Saint-Siège appelle de ses vœux une autorité politique universelle qui gouvernerait l'économie. Pour commencer, il demande l'introduction d'une taxe sur les transactions financières.

Et il commence ainsi:

Si l’on en croit le père Thomas J. Reese (2), professeur à la Georgetown University de Washington et ancien directeur de l’hebdomadaire des jésuites de New-York, "America", le document publié aujourd’hui par le Saint-Siège "n’est pas seulement plus à gauche qu’Obama : il est également plus à gauche que les démocrates "liberal" (1)et plus proche des idées du mouvement 'Occuper Wall Street' que de n’importe quel membre du congrès des États-Unis".
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Notes préliminaires:
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(1) Un éclairage nécessaire: La dénomination "liberal" recouvre des réalités très différentes selon les pays (voir wikipedia), et "aux États-Unis le mot liberal (ou left-liberal) désigne les progressistes, depuis que le maccarthisme a poussé de nombreux socialistes à se faire discrets - le meilleur équivalent à l'adjectif libéral serait donc dans ce pays classical liberal ou libertarian ".

(2) Quelques éléments sur le jésuite cité, qui ne sont pas sans intérêt pour comprendre ses déclarations fracassantes (source):
Il devient rédacteur en chef de la revue jésuite America en 1998. Des divergences de vue croissantes avec la Congrégation pour la doctrine de la foi dirigée par le cardinal Joseph Ratzinger le contraignent à démissionner dans les premiers mois de 2005.
Par choix éditorial il permettait que tous les points de vue s'expriment librement sur les questions les plus sensibles, y compris celles qui avaient fait l'objet de prises de position officielles du Saint-Siège. Ainsi, dans le traitement de sujets tels que l’usage des préservatifs dans le contexte du SIDA, le pluralisme religieux et l'encyclique Dominus Jesus, l’homosexualité chez les prêtres, etc, on lui reprochait de ne pas donner une place suffisante à la doctrine catholique et l'enseignement du Saint-Siège, donnant l'impression que toutes les opinions sont acceptables.

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Je livre tous ces éléments pour information, ne voulant pas prendre partie dans le débat. Je me doute que mon opinion n'intéresse personne - en réalité, la seule opinion qui m'intéresse ici, c'est celle du Saint-Père - les autres sont amplement disponibles à d'autres endroits du Réseau! Mais je ne suis pas sûre que ce soit cette voix-là que nous ayions entendue, et il est d'autant plus important qu'elle ne soit pas accaparée par des gens qui la déforment.
Ce que le Saint-Père avait à dire sur la gouvernance mondiale (un sujet très sensible, qui risque de lui mettre à dos certains traditionalistes, comme en témoigne la lecture de certains forum), il l'a écrit très clairement au §67 de son Encyclique sociale, comme je le rappelais hier (cf. Le Pape peut-il sauver le monde?).
Tout le reste est broderie et conjectures.


Le Pape, aumônier des OWS (occupy Wall Street)? inepties!
(ndt: le mot anglais utilisé est "rubbish" qui appartient peut-être à un registre beaucoup moins châtié et que l'on peut aussi traduire par "détritus", voire "connerie")
(Texte en anglais ici. Ma traduction)
24 octobre 2011
George Weigel
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«Inepties, inepties, inepties», dit l'orthophoniste Lionel Logue au roi George VI, tandis que le flamboyant Australien parcourt avec le roi-prêt-à-être-couronné un passage particulièrement ampoulé de la cérémonie de couronnement dans le film «Le discours d'un roi» . La réplique de Logue résume bien les commentaires des médias et des catholiques de gauche sur la «Note» publiée aujourd'hui par le Conseil pontifical Justice et Paix, visant à réformer le système monétaire et financier international dans le contexte d'une autorité publique mondiale.

Drudge (ndt: Le Drudge Report est un blog libéral américain - "Conservative", selon l'anglais des Etats-Unis - fondé par Matt Drudge et Andrew Breitbart) s'est trompé: «Le Vatican appelle à une "Banque centrale mondiale"».
CNBC (Consumer News and Business Channel, chaîne de télévision américaine proche des miliieux financiers ) s'est trompée: «Le Vatican a appelé lundi à la création d'une "autorité publique au niveau mondial" et une "Banque centrale mondiale"».
Le meilleur des Vaticanistes italiens (ndt: les autres vont être contents!), Sandro Magister de l' Espresso titre : «"Occupy Wall Street". Le Vatican sur les barricades», dans son billet de commentaire instantané, thème également martelé par le rédacteur en chef limogé de America (ndt: la revue des jésuites américains) , le Père Thomas Reese, SJ.

Tout cela était «inepties, inepties, inepties».
La vérité est que «le Vatican» - que cette expression désigne le Pape, le Saint-Siège, l'autorité du magistère de l'Eglise, ou les structures centrales de la gouvernance de l'Église - n'a appelé de façon précise à rien du tout dans ce document. Le document est une «note» d'un bureau plutôt petit de la Curie romaine. Les recommandations spécifiques du document ne reflètent pas nécessairement les vues des autorités supérieures du Saint-Siège; en effet, le Père Federico Lombardi, le responsable de la salle presse du Vatican, a été nettement circonspect dans ses commentaires sur le document et son poids. Comme il devait effectivement l'être. Le document ne parle pas pour le Pape, il ne parle pas pour «le Vatican», et il ne parle pas pour l'Église catholique.

C'est ce que les deux hauts fonctionnaires du Conseil pontifical Justice et Paix (et c'est à porter à leur crédit) ont essayé de rendre clair en présentant le document lors d'une conférence de presse romaine. Le Cardinal Peter Turkson, président du conseil, a déclaré que le document était destiné à «apporter une contribution qui pourrait être utile pour les délibérations de la [prochaine] réunion du G20». Mgr Mario Toso, SDB (ndt: salésien, voir ici), secrétaire du conseil, était tout aussi subjonctif (ndt: au sens d'exprimer une incertitude ou une irréalité, par opposation à "indicatif" qui exprime une réalité) que son supérieur, en disant que le document était destiné à «suggérer des pistes possibles à suivre». A la fois le Cardinal Turkson et Mgr Toso ont indiqué, en ligne avec la doctrine sociale catholique de longue date, que l'Eglise-en tant-qu'Eglise était incompétente pour offrir des «solutions techniques», mais souhaitait plutôt situer les débats politiques publics au sein de cadres moraux appropriés.

Suggérer, comme la plupart des rapports et des commentaires à chaud l'ont fait, que l'Eglise catholique approuvait tel ou tel ensemble de propositions pour réorganiser la finance internationale, et le faisait comme une façon d'exercer son autorité doctrinale, est une erreur de très mauvaise qualité, reflétant soit les pièges de l'analyse instantanée dans le cycle des infos en continu (ndt: en anglais "24/7"), soit un tour des catholiques progressistes, soit les deux.

Quant au document lui-même, aucune personne moralement responsable n'a d'objections à apporter au fait de discuter de la finance mondiale dans le cadre d'un raisonnement moral; il s'agit là d'une intention tout à fait louable.
Les catholiques (et les autres) sont entièrement libres d'être en désaccord - beaucoup le sont déjà, et l'ont fait savoir bruyamment - avec les suggestions spécifiques du document de Justice et Paix. Le Père Reese et d'autres avocats de la Révolution-catholique-qui-n'a-jamais-été-faite essaieront probablement de marquer au fer rouge ces détracteurs «dissidents», ce qui est, là encore « inepties, inepties, inepties». Que les recommandations spécifiques du document reflètent ce qui semblera à beaucoup un internationalisme peu critique de matrice visiblement euro-laïque est une question intéressante qui va sans doute être débattue vigoureusement, au sein la famille catholique pendant un certain temps à venir. Tout comme les tensions entre les récentes discussions catholiques sur une autorité politique transnationale et internationale, et le noyau socio-éthique catholique du principe de subsidiarité, avec son opposition décidée aux mégastructures politiques et économique et à la concentration du pouvoir.

Bottom line (façon de parler!): Ce bref document venant du plus bas échelons de la Curie romaine n'aligne pas plus "le Vatican", le Pape, ou l'Église catholique avec Occupy Wall Street que le Credo de Nicée. Ceux qui suggèrent cela sont soit grossièrement mal informés, soit tendancieux au point d'être irresponsables.

Jean-Christian Petitfils à Radio Courtoisie L’enseignement de Benoît XVI en Allemagne