La France vue du New York Times

Voici comment la presse américaine nous voit... et voit "notre" président. Savoureux, et pas si stupide. En particulier, ils ont perçu que "Mr Hollande" se construit une "image"... et que l'intervention au Mali est peut-être bien une manoeuvre de diversion. (14/1/2013)

     

Hollande, longtemps considéré comme mou, fait évoluer son image. Avec une position ferme
Arthur Touchot
NYT Europe,
14.1.2013 (ma traduction)
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PARIS - Le président François Hollande de France a régulièrement été critiqué comme étant indécis, voire complaisant. Mais les événements de ces derniers jours vont dans une certaine mesure changer son image, Mr Hollande n'ayant pas tardé à utiliser l'armée française au Mali et en Somalie, après avoir désamorcé un important compromis avec les syndicats nationaux au détriment de la création d'emplois.

La soudaine intervention militaire française au Mali, qui n'a pris qu'une demi-journée pour se mettre en mouvement, avec une courageuse, bien que ratée, mission de sauvetage des otages en Somalie, a montré Mr Hollande dans un éclairage plus sombre, un éclairage décisif qui pourrait représenter un tournant pour sa présidence. Les Français, comme les Américains, jugent leurs présidents sur leur capacité à prendre des décisions difficiles, et il n'y en a pas de plus difficiles que d'envoyer de jeunes soldats dans la bataille.

Alors que l'avenir de l'intervention au Mali n'est pas clair, elle a bien commencé, avec les forces françaises frappant deux colonnes de rebelles islamistes avec des avions de chasse et des hélicoptères d'attaque et semblant arrêter une marche de rebelles du sud vers la capitale, Bamako. Les actions de Mr Hollande ont recueilli un large soutien politique en France (??) et à l'étranger, des pays africains, des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne, qui ont tous promis de se déplacer plus rapidement pour aider le Mali à récupérer un vaste terrain perdu il y a des mois aux mains des rebelles.

Même l'échec du raid en Somalie, où deux membres de commandos français sont morts et où l'otage a sans doute été tué par ses ravisseurs, ne semble pas avoir nui à Mr Hollande. Bon nombre de ses compatriotes ne s'attendent pas à ce qu'une guerre soit sans risque, et la France est saisie d'inquiétude à la fois quant à la montée de l'islam radical et pour le sort de plusieurs otages français en Afrique du Nord qui seraient détenus par des extrémistes religieux. «C'est la première fois que Hollande a saisi l'occasion d'agir avec détermination, sans le genre de verbiage qui avait semblé être sa marque de fabrique», a déclaré , un expert de la défense à la Fondation pour la recherche stratégique à Paris. «En ce sens, il a instantanément changé son image».

Tout au long de sa carrière au sein du Parti socialiste, Mr Hollande a été critiqué et même ridiculisé pour être mou et porté au compromis, comparé lors des premiers jours à une crème dessert du nom de «Flanby». Mais il a toujours dit que ses détracteurs le sous-estimaient, et sa victoire en mai dernier sur l'énergique titulaire, Nicolas Sarkozy, en a surpris plus d'un.

«Désormais, Mr Hollande a démontré qu'il pouvait décider sur des questions de guerre et de paix, ce qui, dans le système français, comme aux États-Unis, est très important», a dit Mr Heisbourg.

«Jusqu'à ce que vous le prouviez, vous n'avez pas prouvé grand chose», a-t-il dit, en comparant l'impact des actions de M. Hollande avec celle de la décision du président Obama d'approuver le raid sur Oussama ben Laden.

Samedi, une caricature dans le journal centriste Le Parisien a montré à M. Hollande en tant que commandant en chef, avec un spectateur qui disait: «Je dois admettre que parfois il surprend».

Dimanche, Bruno Jeudy, rédacteur au journal Le Journal du Dimanche (ndt: no comment! le JDD, c'est le groupe Lagardère, Paris Match et Europe 1, de grands chercheurs de vérité, comme on le sait), a écrit: «Enfin président! Fini, l'hésitant et nonchalant François Hollande des premiers mois de son mandat». Comme beaucoup, Mr Jeudy a noté qu'une fois commencée, l'opération au Mali - pour aider à démanteler un refuge pour les radicaux liés à des groupes terroristes - sera longue et difficile. (Dans le même journal, Dominique de Villepin, ancien ministre des Affaires étrangères, a averti que l'opération au Mali était vouée à l'échec parce qu'il y avait trop de buts ambitieux.)

«Les guerres sont rarement populaires», a dit Mr Jeudy. «Mais en endossant l'uniforme d'un chef de guerre, il a atteint le grade de ses prédécesseurs». Il a également abaissé la pression intérieure sur lui pour faire reculer sa proposition visant à légaliser le mariage homosexuel , détournant la conversation nationale vers la politique étrangère .

Il y a une semaine, tous les discours en France étaient sur la grande manifestation appelée pour dimanche contre le mariage homosexuel. La proposition de loi a créé une forte opposition car elle permettrait aux couples gay mariés (ndt: ils ne le sony pas encore!) d'adopter des enfants. Les chefs religieux et de nombreux citoyens ordinaires sont troublés par la proposition, et les partis d'opposition ont tenté de tirer un avantage politique de l'opposition au projet de loi.

Jusqu'à 340.000 manifestants sont venus dimanche à Paris pour protester contre le projet de loi, selon la police, alors que les organisateurs ont donné un nombre de participants de 800.000 personnes.

Emmanuel Bogeat, 35 ans, avocat, et sa femme, Laetitia, 32 ans, professeur, sont venus de Nice, gênés par un mouvement qui selon eux, ajouterait de l'instabilité à l'institution de la famille déjà en difficulté. «Une fois de plus, le coeur de la famille est blessé», a déclaré Mme Bogeat.

M. Bogeat dit qu'il savait que la loi passerait, «mais puisque je suis contre, il est de mon devoir d'être ici».