Le triste sort annoncé de la grenouille catholique

Sur la Bussola, Mario Palmaro répond à un éditorial du Corriere della Sera. Où l'on trouvera une énième confirmation que le mariage gay est une instruction planétaire, et que nous aurons du mal à y échapper. C'est un plan à l'échelle mondiale, qui s'oppose au "plan de Dieu" (21/1/2013).

Image ci-contre: On trouvera un rappel de la géniale fable de la grenouille plongée dans une casserole d'eau froide ici: benoit-et-moi.fr/ete2010 (Notre chemin vers le totalitarisme)

     

Pour comprendre l'article ci-desssous, il faut rappeler plusieurs choses - de façon très schématique:

1. L'Italie est en phase de campagne électorale (les élections générales auront lieu les 24 et 25 février prochains), et le débat est vif sur la place des catholiques, et parmi ceux-ci, sur le soutien ou non à Mario Monti (cf. http://benoit-et-moi.fr/2013-I/).
2. La législation en Italie sur les droits des homos est l'une des moins "avancées" d'Europe (cf. carte sur les Inrocks du 7.11.2012). Pas pour longtemps, semble-t-il.
3. Le quotidien milanais Il Corriere della Sera, le plus gros tirage italien, n'est pas à proprement parler un journal de gauche, mais il se classe dans la grosse presse libérale pro-européiste et pro-mondialiste - ce qui lui pourrait lui permettre de faire "basculer" les gens sans conviction marquée, et c'est le but de l'éditorial cité ici. Mario Monti, avant d'être "désigné" pour remplacer Berlusconi, y disposait (il me semble) d'une tribune régulière.

     

Il Corrierone (littéralement"Le Gros Corriere") et la grenouille catholique
Mario Palmaro
http://www.lanuovabq.it
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Il y a des articles qui révèlent un monde. Le texte écrit par Pierluigi Battista sur le Corriere della Sera du 18 Janvier devrait être lu et médité dans les palais sacrés, dans les curies, les paroisses et les maisons des catholiques. Parce que dans cet article, le doux Battista a résumé de manière exemplaire la recette avec laquelle le monde est en train de cuire les catholiques à petit feu. Un petit chef-d'œuvre, extrêmement lucide, décrivant notre fin. Une fin très similaire à l'apologue de la grenouille et l'eau bouillante: si vous jetez le proverbial batracien dans une casserole d'eau très chaude, il saute tout de suite à l'extérieur; mais si vous le mettez dedans et puis allumez le feu, la pauvre bestiole va cuire sans sourciller.

Les ennemis de l'Eglise - à propos, dans le monde il y a des ennemis de l'Eglise, souvenons-nous en - les ennemis de l'Eglise, donc, se sont rendu compte que les exécutions, la guillotine, la corde, la torture, le génocide, les camps de concentration, le goulag, les massacres de religieuses et de moines, après les avantages initiaux indéniables, produisent toutefois des martyrs et revigorent la foi tant haïe. Alors, il faut changer le système: il faut faire bouillir la grenouille catholique à feu doux. Il faut confier la tâche à des institutions démocratiques et libérales, à des organisations œuvrant pour la paix et pour l'unité européenne, à des leaders technico-politiques qui vont à la messe le dimanche, et répétent toutes les cinq minutes «les valeurs, les valeurs» (ndt: portrait au vitriol de l'actuel Premier, Mario Monti) et qui donc sont à coup sûr des «braves gens» , n'ayant aucun lien, même de loin, avec la franc-maçonnerie.

En somme: la grenouille catholique ne réalise pas que la température dans la casserole monte lentement, et ainsi, se retrouve finalement bouillie sans faire un pli.
Mais revenons-en à l'article de Pierluigi Battista, véritable chef-d'œuvre de cette stratégie.

Battista dit en substance: les principes non négociables sont une énorme plaie, parce qu'ils entravent la modernisation et l'européanisation de la vieille Italie catholique et papiste. Les pouvoirs forts et paramaçonniques veulent faire du «Beau pays» une lande glaciale et inhumaine très similaire aux pays luthériens si performants et si propres d'Europe du Nord, où les trains sont à l'heure, les hôpitaux fonctionnent, tout le monde paie les impôts, tout le monde se saoûle le vendredi soir mais à tour de rôle - un chauffeur sobre conduit la voiture pour rentrer à la maison - et où les suicides augmentent à vue d'oeil dans le désespoir d'une vie privée de sens surnaturel.

Battista écrit: «La politique, y compris sur des sujets délicats, devrait être en mesure de négocier et de trouver un compromis utile. Si au contraire on perpétue la logique des «valeurs non négociables» de l'outrantisme (néologisme très éloquent!) idéologique, on n'arrive à rien. Ou on continue indéfiniment à «radoter».
Ainsi, ceux qui parlent de ces principes - par exemple, Benoît XVI - alimentent le radotage.

La solution? En deux coups.
Le premier: «déballons» les questions non négociables - suggère le sage et modéré Battista - dans le sens d'en séparer différents thèmes «vraiment non négociables, d'autres où le compromis est possible et acceptable».
Le second: «Parlamentarisons le débat autour des thèmes éthiquement sensibles».
Dans la casserole de notre grenouille catholique, la température commence à s'élever lentement.

Et comment doit-on le faire, ce déballage? Ici, le raisonnement de Battista se fait perfidement subtil: l'éditorialiste du Corriere della Sera distingue en effet «ce qui concerne la vie» - comme l'avortement et l'insémination artificielle - et la question brûlante du mariage homosexuel. Sur le premier groupe de questions, Battista écrit - dans sa grande bonté - que les catholiques «ont le droit non seulement de voter en faveur de lois qui sont contraires à leur conscience, mais aussi de s'engager dans une bataille culturelle et politique pour empêcher les politiques qu'ils jugent violer le caractère sacré de la vie»

Après la carotte, cependant, vient le baton, et le ton se fait soudain dur et menaçant: «Mais quel rapport entre la valeur "non-négociable" de la vie et une guerre outrancière et aveugle contre la reconnaissance des "unions de fait" (coppie di fatto est le nom italien du PACS, ou de quelque chose qui lui resssemble), hétérosexuelles et surtout homosexuelles. Une loi raisonnable qui garantisse les droits fondamentaux des homosexuels, qui donne une reconnaissance juridique aux unions entre personnes de même sexe, touche à une sphère différente de celle des combats dans l'arène des valeurs non négociables».

Dans le pot, la grenouille catholique commence à avoir chaud. Le plan présenté par le raisonnement de Battista est subtil et banal à la fois: se montrer conciliant sur les sujets (avortement et bébés-éprouvettes) où les catholiques ont maintenant perdu, et où les lois injustes sont inexorablement consolidées; et demander une attitude de compromis et de reddition précisément sur ces questions - mariage gay - où la défaite n'a pas encore été consommée. Génial. Diabolique.

Au ton de l'article, on comprend également que le monde attache à cette question du dédouanement juridique et symbolique du sexe homosexuel une importance fondamentale. Et que toute tentative d'entraver ce dessein sera éliminée sans pitié. Les catholiques sont prévenus: si vous vous obstinez à penser et à dire qu'il y a des rapports selon la nature et des rapports contre nature, la réaction du système européiste et mondialiste sera terrible. Et gare à ceux qui promettent aux électeurs que , s'ils gouvernent, ils s'opposeront à la dérive "gay" du droit: que la peste les emporte.

De toute évidence, dans le raisonnement de Pierluigi Battista, les principes non négociables sont tenus dans la même estime que les croyances les plus irrationnelles d'une tribu animiste d'Afrique noire: deux mille ans de tradition philosophique, de doctrine politique et morale rationnellement argumentée, la loi naturelle d'Augustin d'Hippone et Thomas d'Aquin, Thomas More et Charles de Habsbourg sont toutes des choses aimablement jetées dans l'incinérateur laïco-progressiste. Être contre l'avortement, ou pire contre le mariages entre personnes du même sexe, est le résultat de pulsions irrationnelles qui peuvent (pour l'instant) survivre dans l'enceinte religieuse. Dans la vie publique, où brille le soleil de la raison des Lumières et révolutionnaire, toute personne sensée «doit» savoir que le mariage homosexuel est une chose tout à fait raisonnable. Et si elle ne comprend pas, on la rééduque avec les médias, et si besoin est, aussi avec le système judiciaire démocratique.

Le sort de la grenouille catholique semble scellé. Et surtout, à amener l'eau à ébullition, il n'y a pas seulement les laïcs, comme Pierluigi Battista. Mais la cuisson est également favorisée par le chaos doctrinal dramatique qui règne dans le camp catholique. Il n'y a pas un conseil pastoral, une paroisse ou un groupe de catéchistes, où il est clair pour tout le monde - et accepté par tous - ce que sont les principes non négociables et quel est leur contenu précis.

Humainement parlant, le projet du Corrierone, de l'Union européenne, des révolutionnaires libéraux et conservateurs (de Hollande à Cameron) semble un fait accompli, et la grenouille catholique est à un pas de la cuisson. Heureusement qu'il reste une toute petite chose qui semble n'être rien, inconnue de Pier Luigi Battista et de beaucoup de catholiques adultes, et qui s'appelle la Providence.