Accueil

Mort d'un journaliste catholique (suite)

Des précisions biographiques sur la victime. Et la vérité (?) très dérangeante sur les bourreaux... et les vrais responsables (25/8/2014)

>>> Mort d'un journaliste catholique

     

James Foley a été décapité, et la vidéo de l'horreur, soigneusement mise en scène par les bourreaux, a fait le tour du Réseau.

Un article trouvé sur AsiaNews éclaire certains aspects de sa biographie qui m'avaient paru un peu obscurs dans la lettre que j'avais traduite ici.

Les grands médias, qui l'avaient très vite oublié (il n'est pas vraiment un mort "exploitable", sauf peut-être pour d'obscures raisons évoquées plus bas) l'ont "ressorti" ce matin, misant tout sur l'émotion (par ailleurs parfaitement légitime, et que je partage) suscitée par la publication d'une lettre posthume adressée à ses proches, qu'il avait confiée sous forme orale à l'un de ses compagnons de captivité.
Sans doute un moyen de faire oublier qui est à l'origine du chaos qui a conduit à cet acte de barbarie très momentanément hyper-médiatisé, dont le malheureux journaliste n'est qu'une victime colatérale.

Un article du journaliste italien spécialiste de géopolitique Marcello Foa, qui n'a rien d'un extrémiste (il fut directeur adjoint du service politique étrangère de "Il Giornale") et dont les analyses se sont souvent révélées fiables avec le recul, apporte des précisions que les grands médias, plus soucieux de cacher que d'informer, se gardent bien de nous donner. Ces mêmes grands médias ne s'excusent du reste pas de leurs mensonges, comme en témoigne cette image, mettant côte à côte deux manchettes de "Libé", à deux ans d'intervalle (raison pour laquelle je relativise les émouvantes révélations de Didier François, ex-compagnon de cellule du malheureux Foley... et ex-collaborateur de Libé).

Dernière nouvelle: ce matin, des informations circulent (cf. www.lexpress.fr), relayées par les grands médias britanniques - le Times, le Telegraph - formulant l'hypothèse que, si le malheureux journaliste a bel et bien été assassiné, la vidéo aurait été truquée. Même l'identité du tueur "à l'accent anglais" est remise en cause [(1)].

     
James Foley, un journaliste qui cherchait «un sens» dans la guerre
(Asia News)

www.asianews.it
(Ma traduction)

Né dans une famille catholique, le reporter arrive au journalisme tard, après une carrière comme professeur d'enfants et de jeunes en difficulté. L'exemple de son frère, pilote de l'aviation militaire des États-Unis, et le sentiment de devoir «être là» pour comprendre ce qui se passe dans ces pays lointains. Les prières du chapelet lors de l'enlèvement en Libye en 2011.

*


Un homme «cérébral et réfléchi», qui s'interrogeait «sur le sens de la guerre» et qui «sentait qu'il devait être là».
C'est ainsi que ses amis et ses collègues décrivent James Foley, le journaliste américain tué et décapité par un milicien de l'Etat islamique d'Irak et du Levant (EIIL, ou ISIS - Islamic State of Iraq and Sham). Diffusé le 20 août dernier, le film montrant son exécution a fait le tour du monde. La «chasse à l'homme», le bourreau à l'accent londanien qui apparaît à côté de lui dans la vidéo, a déjà été lancé. Son exécuteur pourrait être arrivé en Syrie dans les trois dernières années, et appartiennent à un petit groupe d'Anglais qui sont chargés de contrôler les otages occidentaux de l'ISIS.

Des sources américaines révèlent qu'une mission militaire secrète avait essayé de libérer le journaliste et d'autres compatriotes retenus en otage en Syrie, mais avait échoué.
En attendant, on cherche à comprendre qui était ce journaliste qui au cours des cinq dernières années a été en Irak, en Libye et en Syrie.

Né dans une famille catholique du New Hampshire, aîné de cinq enfants, Foley, 40 ans, arrive «tard» au journalisme. Diplômé en histoire à l'Université Marquette en 1996, après la fac, il enseigne chez les enfants dans les bidonvilles de Phoenix, dans le cadre du programme Teach for America (ndt: organisation bénévole américaine dont la mission est d '«éliminer les inégalités éducatives en recrutant des diplômés récents et des professionnels très performants pour enseigner durant au moins deux ans dans les communautés défavorisés à travers les Etats-Unis»). Plus tard, il poursuivra son travail d'éducateur auprès des jeunes détenus de Cook County à Chicago.

Encore célibataire, à 35 ans, il change de vie. Il s'inscrit en master à la Northwestern University's Medill School of Journalism, et les cours sur le journalisme de guerre le fascinent. Mais son intérêt pour les pays dévastés par des conflits naît également de l'un de ses frères, John, qui en 2007 avait été en poste en Irak avec l'aviation militaire américaine. Devant les étudiants, Foley se souviendra qu'il s'était senti «frustré et déconnecté» en regardant les guerres de loin.

Ayant terminé son master, Foley part pour l'Irak, embedded (incorporé) à l'Indiana National Guard. Dès lors, en tant que journaliste free-lance, il commence à travailler dans les zones de conflit pour diverses publications, dont le GlobalPost de Boston.

En 2011, il est en Libye, pour raconter la guerre civile. Avec un groupe de journalistes, il est enlevé et retenu en otage pendant 44 jours. Parmi ceux-ci, il y a également Clare Morgana Gillis. Dans la fusillade qui précède la capture Anton Hammerl, un photographe africain, est tué.

Lors d'une conférence tenue à la Northwestern University's Medill School of Journalism peu de temps après sa libération, Foley tente d'expliquer son attirance pour les endroits dangereux du monde. «Quand vous voyez quelque chose de vraiment violent, il vous arrive quelque chose d'étrange. Ce qui se passe ne vous dégoûte pas toujours. Parfois, cela vous attire davantage ... C'est une forme étrange de force».
Six mois plus tard, il retourne dans le pays pour documenter la chute de Kadhafi. Après la Libye, ce sera le tour de la Syrie, où il trouvera la mort.

Cependant, pour sa famille et ses amis, l'engagement de Foley à son travail était le fruit de sa foi. Lors de la séquestration en Libye, il écrira dans un journal de l'université: "Clare et moi, nous avons prié ensemble et récité le chapelet à haute voix. Cela nous a donné la force de sortir nos faiblesses et nos espoirs, comme si nous causions avec Dieu, plutôt que de le faire seul et en silence».

L'autre vérité, dérangeante, sur l'Isis et ses bourreaux
(Marcello Foa)

blog.ilgiornale.it/foa
(Ma traduction)
------

Je lis les manchettes bouleversées et à juste titre indignées par la décapitation du journaliste américain du fait de l'ISIS, c'est-à-dire des fondamentalistes islamiques qui occupent de larges zones du Moyen-Orient et de l'Irak. C'est un groupe qui, comme on le voit dans le film, proclame aujourd'hui sa haine pour les Etats-Unis. L'histoire est simple en théorie, et déjà vue: des terroristes contre la superpuissance américaine.
En réalité, elle est bien plus sophistiquée et - si vous me le permettez - perturbante. Oui, parce que peu d'analystes vraiment courageux et indépendants - en fait presque personne - ne raconte comment est né l'ISIS, qui l'a voulu, qui l'a financé.
La réponse est surprenante: ce sont les américains eux-mêmes avec certains de leurs alliés, parmi lesquels les pays du Golfe, en premier lieu le Qatar, avec l'accord, semble-t-il, d'Israël et de la Grande-Bretagne. Oui, parce que l'ISIS représente l'évolution de ces bandes armées - composées de fanatiques et de criminels - que les Etats-Unis, ainsi que leurs alliés ont soutenues et armées dans le but de renverser le régime syrien de Bachar al Assad, comme cela est connu depuis longtemps à travers de multiples sources, et a été confirmé récemment, entre autres, par Edward Snowden, révélant des documents officiels de l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA) - voir ici.
Sur Internet circulent des photos de John McCain qui en Février 2011 rencontrait les soi-disant rebelles syriens - dont les leaders actuels de l'ISIS - les qualifiant de «modérés».
Ce sont ces «modérés» qui - ayant reconnu l'impossibilité de renverser Assad - ont décroché de la Syrie et ont commencé à envahir l'Irak, mettant facilement en difficulté le gouvernement de Bagdad, et acculant les Kurdes, c'est-à-dire d'autres amis et alliés des Américains .
Soyons clairs: aujourd'hui, l'Isis apparaît comme une entité autonome et il est improbable qu'il soit encore soutenu et soudoyé par les Etats-Unis, mais il n'aurait jamais existé si quelque Dr. Folamour n'avait succombé à la tentation d'une étrange et tortueuse alchimie au Moyen-Orient, typique des 007, mais aux résultat, comme toujours dans cette région du monde, imprévisibles.

Aujourd'hui, l'Irak libérée par les Américains est dévastée par des rebelles qui n'auraient jamais eu cette force s'ils n'avaient pas été initialement soutenus et armés par les Américains eux-mêmes. A en payer le prix, il y a le journaliste américain décapité de façon dramatique et spectaculaire (si la vidéo n'est pas manipulée)[1] et avec elle des millions de personnes forcées de fuir, ou capturées, torturées, tuées dans une zone qui devait connaître la liberté et la démocratie, et qui au contraire sombre dans le désespoir et le chaos.

On a envie de dire: félicitations, Apprentis sorciers. Et certains pourraient reprocher aux Etats-Unis et à ses alliés leur insouciance tragique.
À moins que le chaos dans la région n'ait été cherché ou au moins apprécié ... mais c'est une autre histoire. Par des apprentis stratèges ou des maîtres en cynisme. Nous en reparlerons.

LE SACRIFICE DE JAMES FOLEY, UN CRIME À DEUX LAMES
(Blog de Slobodan Despot)

Marcello Foa ouvre donc des perspectives, qu'il ne tient pas à creuser pour le moment.
A ceux qui voudraient en savoir plus, je suggère la lecture de cet article plus "hard", très politiquement incorrect du blog suisse blog.despot.ch repris sur le site Polemia.

La mise en scène est minutieuse, pour ne pas dire esthétique, épurée à la japonaise. Un homme en orange agenouillé aux pieds d’un homme en noir; derrière eux, les dunes du désert à perte de vue.
L’homme en orange, c’est James Wright Foley, photoreporter américain, disparu en Syrie depuis 2012 et qui va être décapité devant la caméra après avoir lancé un dernier appel. L’homme en noir, sans visage, est son bourreau islamiste. Il va le saigner comme un animal et lui ôter la tête.
Les trois couleurs du tableau sont des messages qui parlent à l’oeil occidental.

Le noir: deuil et mort. Pour nous, pas pour eux.
L’orange: couleur des détenus de Guantanamo.
Le jaune sable: désolation à perte de vue. Le résumé du programme de l’EIIL. Pour qui tout acquis de civilisation, qu’il soit chrétien, bouddhiste ou même musulman, est une idole à abattre.

Nous avons affaire ici à une vraie composition de cinéaste, un rituel satanique filmé par Pasolini. On a même pris la peine de munir le condamné d’un micro-cravate. L’a-t-on retiré avant ou après sa décapitation? Je n’ai pas vu ni voulu voir la fin de la séquence.
....
La suite ici: blog.despot.ch/le-sacrifice-de-james-foley-un-crime-a-deux-lames

     

Note

(1) Selon l'AFP (repris sur Radio Vatican, qui titre sur le message du Pape à la famille de James Foley):

En Grande Bretagne, son bourreau, qui s’exprimait en anglais avec un accent londonien, aurait été identifié par les services de renseignement grâce à des logiciels de reconnaissance vocale très perfectionnés. Dans une tribune au Sunday Times, le ministre britannique des Affaires étrangères a déclaré que l’exécution de James Foley était une trahison des valeurs du pays (!!) et de tout ce que le peuple britannique représente. Il a averti que si les membres de l’Etat islamique ne sont pas arrêtés, ils tenteront tôt ou tard de frapper le sol britannique. Le maire de Londres a quant à lui appelé à une modification de la loi, pour que les citoyens britanniques soient considérés comme coupables jusqu'à preuve du contraire s'ils voyagent en Iraq ou en Syrie. Il préconise également le retrait de leur nationalité aux Britanniques qui continuent de faire allégeance à un état terroriste, un avis que partagent de nombreux britanniques, dont l'ancien archevêque de Canterbury. Selon l’Intelligence service, plus de 500 Britanniques ont partis en Syrie ou en Irak ces dernières années.

* * *

>>> Haut de page

  © benoit-et-moi, tous droits réservés