Saint Vladimir veillera sur Moscou

Une statue géante de Vladimir 1er, va se dresser sur l'une des collines surplombant Moscou. Polémiques prévisibles. Et une intéressante réflexion de Rino Cammilleri.

>>> Sur ce sujet, voir le long article en 4 volets, traduit du site <Papale Papale> en octobre 2013 "Sainte Mère Russie" (benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/sainte-mere-russie-v)

Voici comment, de façon subtilement malveillante, la correspondante à Moscou de la radio publique RFI présentait l'information le 24 juin denier:

En Russie, la controverse de la statue de Saint-Vladimir

www.rfi.fr
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(...)
La statue polémique doit être érigée à Moscou en hommage à Vladimir. Pas Vladimir Poutine, mais Saint-Vladimir qui a converti la Russie dite kiévienne au christianisme.
C'est surtout le lieu où elle doit être érigée qui pose problème. En effet, dans le projet actuel, Saint-Vladimir sera installé en haut d’une des collines de Moscou, le Mont des moineaux, une zone boisée qui surplombe la Moskova. Vladimir sera donc visible de partout car la statue fait 25 mètres de haut, réhaussée par un piédestal de sept mètres ! Elle cacherait en partie le monumental bâtiment de style stalinien de l’université, situé en retrait.

Il y a donc ceux qui trouvent que cette statue va défigurer l’environnement, ceux qui craignent qu’elles ne résistent pas aux vents, et ceux qui trouvent que sa place n’est pas devant une université. Alors les mécontents ont fait circuler une pétition, qui a reçu plus de 66 000 signatures, et ils l’ont adressée au maire de Moscou, au Premier ministre, et au chef de l’Etat.
...
Vladimir était un grand prince de Kiev qui vécut entre 958 et 1015. Il dirigeait ce que l’on appelle la Russie kiévienne, à l’époque où Moscou n’existait pas. Et il a été le premier prince slave à adopter le christianisme. Pour l’Eglise orthodoxe, c’est un saint. Sa statue à Kiev, au bord du Dniepr, le représente d’ailleurs avec une grande croix.
Son image ressort aujourd’hui pour des raisons idéologiques. La Russie kiévienne est considérée comme le berceau de l’Ukraine, de la Russie et de la Biélorussie. Une façon de dire qu’il s’agit d’un seul et même pays. De plus, il aurait été baptisé en Crimée. En fait, les historiens ne sont sûrs de rien, mais cette histoire a été reprise comme une vérité par Vladimir Poutine. Aux yeux des tenants de la Grande Russie, Vladimir devient ainsi un symbole. Il fallait donc lui ériger une statue dans la ville capitale de toutes les Russies.

La statue de saint Vladimir qui fera Poutine grand



Rino Cammilleri
2 août 2015
www.lanuovabq.it

On va encore dire qu'il y a des supporters de Vlad! Non, pas l'Empaleur vampire , mais lui, Vladimir Poutine. Qui a annoncé l'érection à Moscou d'une statue colossale de Saint Vladimir, Vladimir 1er le Saint, le Grand Prince de Kiev et évangélisateur de la Russie. Pour le millénaire de sa mort, Poutine a organisé un grand gala en son honneur au Kremlin avec des centaines d'invités. Après, bien sûr, avoir pris part à la cérémonie religieuse solennelle dans la cathédrale avec le patriarche Cyril. Poutine a redonné un grand lustre aux traditions religieuses de la Sainte Russie, il récompense les familles, il ne veut pas entendre parler de "gender" et d'idéologie LGBT, il finance et reconstruit églises et monastères, il a même rappelé à l'ordre le pape en mondiovision pour avoir oublié le baiser à la Vladimirskaya, l'icône de la Mère de Dieu, patronne de toute la Russie.

Poutine se proclame défenseur (comme le fut le tsar) des chrétiens des Balkans et du Moyen-Orient en terre d'islam. Il a même restauré le nom de Saint-Pétersbourg, la ville qui changeait de dénomination à chaque régime. Et il a interdit l'adoption d'enfants russes aux pays qui pratiquent les noces gays. Vous me direz qu'il le fait non pas parce que le christianisme et sa morale lui importent, mais pour s'assurer l'appui de la puissante Eglise orthodoxe. Et pour se différencier en tout des États-Unis qui, par leur obstination impérialiste, ont de fait déclenché contre lui une néo-guerre froide (depuis la Grande Guerre, les USA ont une peur bleue de l'émergence d'un axe économique Allemagne-Russie). Tout cela est (peut-être) vrai, qui le nie? Mais il le fait.

Peut-être Poutine a-t-il vraiment l'intention d'utiliser la tradition chrétienne comme instrumentum regni, mais qu'est-ce que cela peut faire? L'Occident fait l'exact contraire et mène une guerre jamais vue contre le Christ et, pour Lui faire tort, rejette avec horreur l'idée même que l'identité religieuse puisse servir d'antidote contre le djihadisme.

Peut-être Vladimir le Grand, en l'an 988, a-t-il lui aussi agi par calcul politique quand il a envoyé aux oubliettes le paganisme de son père Sviatoslav et s'est tourné vers Constantinople. Certains disent qu'il était à la recherche d'un appui contre les raids vikings. Mais l'auteur de ces lignes sait bien que même à propos des Croisades, des générations d'historiens athées ont été chercher le "contexte économique" (*). Et, c'est bien connu, ce qu'on ne trouve pas, on l'invente. Nombreux sont les Saints qui ont commencé leur route par peur ou par intérêt. Sauf que, chemin faisant, ils se sont vraiment sanctifiés, parce que Dieu était plus fourbe qu'eux.
Notez que la conversion de la Principauté de Kiev date de 988. Mille ans plus tard, l'empire soviétique s'écroulait et, comme l'avait prédit Notre-Dame de Fatima, la Russie redevenait chrétienne. Dans un monde qui désormais ne l'est plus. Kiev est aujourd'hui la capitale de l'Ukraine, et certains s'étonnent encore que les Russes n'aient pas l'intention de la céder à Obama et à ses larbins européens. Plus: Vladimir le Saint a été baptisé à Kherson, aujourd'hui Sébastopol, dans l'actuelle Crimée.

Et voici une autre matière à réflexion pour ceux qui craignent l'"expansionnisme russe". En géopolitique, la religion compte-t-elle? Demandez-le à l'Arabie saoudite, à l'Iran de Khomeiny et au soi-disant Califat. Demandez-le à l'Occident, qui dépense des sommes effrayantes et n'hésite devant aucune forme de pression pour imposer son idéologie partout (c'est-à-dire la religion laïque).
On dit que Vladimir le Grand, judicieusement, avait envoyé ses émissaires pour analyser les grandes religions monothéistes dont il était entouré: le christianisme, le judaïsme et l'islam. Ce dernier, bien que puissant et en expansion, fut immédiatement écarté par amour pour le peuple: il interdisait les boissons enivrantes et les rus' ne l'auraient pas supporté. Le choix entre les cultes restants fut remporté par Constantinople pour des motifs purement esthétiques: les émissaires du Grand Prince restèrent éblouis par la splendeur de la liturgie byzantine. Un Dieu honoré de cette manière ne pouvait être que le vrai, dirent-ils.

Méditez, bonnes gens, méditez.

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(*) Voir à ce sujet:
¤ benoit-et-moi.fr/2012(III)/articles/quatre-mythes-sur-les-croisades
¤ benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/croisades-la-leon-dhistoire-de-mgr-negri