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Obsèques de Meisner: l'adieu de Benoît XVI (II)

Ma traduction du message de Benoît XVI... et quelques commentaires (16/7/2017, seconde mise à jour)

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Obsèques de Meisner: l'adieu de Benoît XVI
>>> Texte complet en allemand sur le site de l'archevêché de Cologne

Cologne, août 2005

Le texte de Benoît XVI que Mgr Gänswein a lu lors des obsèques solennelles de son ami le cardinal Meisner a été repris, comme c’était prévisible, par de nombreux sites étrangers. Voici ma traduction (*), d’après la version en anglais de mon amie Teresa.

La tentation est forte de le lire au-delà des lignes, même s’il est hors de question d’attribuer au Pape Emérite, toujours si limpide, des intentions qui ne sont pas les siennes. Mais il ne faut pas oublier qu’il se livre ici à un exercice de commande (au moins en partie : il écrit « à la demande du cardinal Wölki ») et ne peut pour des raisons évidentes parler totalement à cœur ouvert.

Deux passages au moins méritent une attention spéciale (en plus, évidemment, du soulignement de l'importance de l'Adoration Eucharistique, où d'aucuns verront le coeur du message du Saint-Père, et sans parler de la référence aux persécutions communistes) .

>| D’abord, le Pape émérite était resté dans une relation de familiarité (sans doute grande) avec son ami - qu'il n'est pas excessif de supposer intime: ce n’est pas un hasard s’ils s’étaient téléphonés la veille. Et que le fait que Mgr Gänswein se soit trouvé dans le lieu de villégiature du cardinal au même moment (pour une conférence, certes prévue bien à l'avance) peut laisser supposer que le secrétaire était là aussi comme messager de Benoît XVI: à défaut d'une coïncidence voulue, au moins un effet de la Providence divine.
Il est donc difficile d’imaginer que le cardinal Meisner ne s’était pas confié à son ami à propos des dubia, et du refus du pape de répondre.

On en trouve une confirmation dans cette phrase, où l’on retrouve par ailleurs un écho de l’avertissement dramatique du cardinal Ratzinger dans la IXe station de la Via Crucis le 3 avril 2005:

Mais j'ai été encore plus ému par le fait que, dans la dernière période de sa vie, il ait appris à prendre les choses de plus en plus sereinement et qu'il vive de plus en plus dans la conviction profonde que le Seigneur n'abandonne jamais son Eglise, même si parfois la barque s'est remplie presque au point de chavirer.

>| Le second passage est cette phrase:

Nous savons que pour lui, voué avec passion au soin des âmes, il était difficile de quitter son office, et justement en un moment où l'Église a besoin de pasteurs qui savent résister à la dictature de l'esprit du temps et vivre et penser avec décision en conformité avec leur foi.

La première partie de la phrase n’est pas moins éloquente que la seconde: il est difficile de ne pas y voir une réponse à François qui, dans une homélie à Sainte Marthe, le 30 mai dernier, s’en était pris aux pasteurs qui ne savent pas prendre congé (cf. Le vrai pasteur sait prendre congé )

* * *

Un point qui mérite être souligné, car il confirme que les passages cités sont bel et bien dérangeants, c’est que « La voix de Sainte-Marthe », alias Il Sismografo, qui ne peut évidemment pas faire autrement que rendre compte du message de Benoît XVI, les censure purement et simplement. Le premier est carrément passé sous silence, et le second se limite à une allusion à la «joie intérieure [du cardinal Meisner] et sa confiance dans le Seigneur qui, disait-il, n’abandonnerait jamais son Eglise, même dans les heures les plus difficiles »

Le message de Benoît XVI

En cette heure, alors que les fidèles de l'Eglise de Cologne, et bien au-delà, font leurs adieux au cardinal Joachim Meisner, mon cœur et mes pensées sont avec vous et je suis heureux d'envoyer, à la demande du cardinal Wölki, quelques mots en souvenir.

Quand, mercredi dernier, j'ai appris par un appel téléphonique la mort du cardinal Meisner, tout d'abord je n'ai pas pu le croire. La veille nous avions parlé au téléphone. Sa voix était pleine de gratitude parce qu'il était désormais en vacances, après que le dimanche précédent il eût participé, à Vilnius, à la béatification de l'évêque Teofilius Matulionis. Il a toujours été caractérisé par l'amour des Églises des pays voisins d'Europe de l'Est, qui ont subi la persécution communiste, et par la gratitude pour le courage avec lequel elles ont enduré ces épreuves à l'époque. Ce n'est donc pas une coïncidence si la dernière visite de sa vie a été consacrée à un témoignage de foi dans ces terres.

Ce qui m'a particulièrement frappé dans les récentes conversations avec le défunt cardinal, c'est la sérénité, la joie intérieure et la confiance qu'il avait acquises. Nous savons que pour lui, voué avec passion au soin des âmes, il était difficile de quitter son office, et justement en un moment où l'Église a besoin de pasteurs qui savent résister à la dictature de l'esprit du temps ("Zeitgeistes"), et vivre et penser avec décision en conformité avec leur foi.

Mais j'ai été encore plus ému par le fait que, dans la dernière période de sa vie, il ait appris à prendre les choses plus sereinement et qu'il vive de plus en plus dans la conviction profonde que le Seigneur n'abandonne jamais son Eglise, même si parfois la barque s'est remplie presque au point de chavirer.

Deux choses l'ont rendu de plus en plus heureux et confiant dans la dernière période de sa vie: d'une part, il m'a répété combien cela le remplissait d'une joie profonde de voir des jeunes, surtout de jeunes hommes, faire l'expérience de la grâce du pardon dans le sacrement de la confession - le don d'avoir trouvé cette vie que seul Dieu peut leur donner.

L'autre chose qui le touchait toujours à nouveau et lui donnait une grande joie, c'est la diffusion silencieuse de l'Adoration Eucharistique. Aux Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne, sa principale préoccupation était l'Adoration Eucharistique, un moment où seul le Seigneur parle au cœur. Plusieurs experts en travail pastoral et en liturgie pensaient qu'un tel moment de contemplation du Seigneur ne pouvait pas être réalisé avec un si grand nombre de personnes. Certains considéraient même l'adoration eucharistique en tant que telle comme obsolète, parce que le Seigneur veut être reçu dans le Pain Eucharistique et non pas contemplé.

Mais le fait que ce pain ne puisse pas être mangé comme un aliment ordinaire, et que « recevoir » le sacrement de l'Eucharistie implique toutes les dimensions de notre existence - que le recevoir doit être l'adorer - est devenu de plus en plus clair.

Ainsi, le moment de l'adoration eucharistique au cours des Journées mondiales de la jeunesse est devenu une expérience intérieure qui est restée inoubliable, et pas seulement pour le cardinal. Cet évènement est resté pour toujours présent en lui, comme une grande lumière.

Quand, le dernier matin, le cardinal Meisner n'a pas paru pour la messe, il a été retrouvé mort dans sa chambre. Le bréviaire avait glissé de ses mains. Il est mort en priant, les yeux tournés vers le Seigneur, dans le dialogue avec lui. La mort qui lui a été accordée, nous montre une fois encore comment il a vécu: en présence du Seigneur et en conversation avec lui.

Remettons donc avec confiance son âme à la bonté de Dieu. Seigneur, nous Te remercions pour le témoignage de Ton serviteur Joachim. Puisse-t-il intercéder pour l'Eglise à Cologne et dans le monde entier.
Requiescat in pace.

Mise à jour

Melloni: Il existe un proto-Ratzinger, un deutero-Ratzinger et à présent aussi un pseudo-Ratzinger, qui fait allusion négativement au pape régnant.
Faggioli: Ce serait bien de savoir qui a écrit le message de Benoît XVI aux funérailles du cardinal Meisner.

Marco Tosatti met en lien les tweets dépités de "deux éminents hommes d'Eglise et de pensée" - lire: bergogliens de fer -, assortis (en substance) de ce commentaire ironique, en réponse à la question posée par Massimo Faggioli:

Je l'avoue. C'est moi qui ait écrit le message de Benoît XVI, lu durant les obsèques du cardinal Meisner, à Cologne.
Et en particulier, elles sont de moi, les phrases où quiconque a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre peut lire:
1.
Une constatation désespérante sur l'état de l'Eglise
2. Une critique voilée, mais pas tant que ça, à de nombreux pasteurs d'aujourd'hui, à commencer par le pasteur en chef, qui semblent vouloir brosser dans le sens du poil la culture dominante

Seconde mise à jour


(*) J'ajoute: "ma traduction de seconde main, et avec ses maladresses"...
Il y en a, ou en aura certainement de meilleures (voir ici celle de Jeanne Smits, directement d'après le texte original) ou au moins de plus élégantes, mais il m'a semblé important de montrer qu'en une occasion aussi rare qu'une intervention du Pape émérite, beaucoup de sites hors du circuit mainstream, dans différentes langues - français, italien, espagnol, anglais ici, et , en plus de Teresa -, ont témoigné leur intérêt au point d'y consacrer le temps d'une traduction, aussi bref soit le texte.