Barros: le Pape reconnaît ses erreurs (?)

C'est un bon début... et si c'est un début, c'est un vaste chantier. Mais il faut y regarder d'un peu plus près (13/4/2018)

>>> A propos de l'affaire Barros, voir aussi:
Le lobby gay a infiltré l'Eglise

François et l'évêque Barros

Ne ne réjouissons pas trop vite: cela ne concerne pas les errements doctrinaux, le refus de répondre aux dubbia, les Franciscains de l'Immaculée, ou l'affaire plus récente évoquée hier de la Fraternité des Saints Apôtres, mais l'affaire Barros, qui avait été la première vraie fracture avec ses puissants soutiens laïcs et médiatiques. D'où le danger. C'est donc une démarche de pure opportunisme, imposée par les circonstances (François était dans une impasse, Barros devenait indéfendable et l'attitude de déni, au final, contre-productive), et peut-être sous la pression de membres de son entourage, plus prompts à défendre les victimes de prêtres pédophiles (une cause certes noble, mais ils auraient pu y penser avant) qu'empressés à annoncer l'Evangile, qui est après tout leur première mission.

J'ai repris pour l'information l'article de Lorenzo Bertocchi sur La Bussola, tout en me distanciant partiellement du contenu. Il est difficile de croire, comme cela est suggéré, que le Pape est "victime" de ses informateurs. Les informateurs du Pape, c'est lui qui les choisit en toute liberté et en toute connaissance de cause. Et c'est lui qui décide, en dernier ressort. Rappelons qu'il a choisi de résider à Sainte Marthe justement pour s'informer directement à partir de ses propres sources et pour rompre le présumé isolement du Pape, en échappant au filtre de l'information pré-digérée inhérent (du moins le croyait-il) à la résidence dans le palais Apostolique.
S'était-il trompé, là aussi?

Les excuses du Pape ouvrent un front: qui sont ses informateurs.


Lorenzo Bertocchi
www.lanuovabq.it
13 avril 2018
Ma traduction

* * *

«Je demande pardon à tous ceux que j'ai offensés et j'espère pouvoir le faire personnellement». Le Pape intervient sur l'affaire Barros et promet d'y remédier, tout en admettant qu'il a été mal informé. Un geste sans équivoque qui ouvre un front très chaud: celui de ses informateurs. Du dossier de la pédophilie au licenciement des ufficiali de Müller, jusqu'à ceux qui soufflent des conseils sur les bons et les méchants.

« En ce qui me concerne, je reconnais et je veux que vous le transmettiez fidèlement, que j’ai commis de graves erreurs dans l’évaluation et la perception de la situation, notamment en raison d’un manque d’informations véridiques et équilibrées. Et dès à présent, je demande pardon à tous ceux que j’ai offensés; et j’espère pouvoir le faire personnellement, dans les semaines à venir, dans les réunions que j’aurai avec les représentants des personnes interrogées».

Par ce passage sans équivoque, le Pape François s'excuse et admet avoir commis des erreurs dans le cas épineux de l'évêque chilien Juan Barros d'Osorno.

Les polémiques avaient été vives lors du voyage apostolique au Chili en janvier dernier, lorsque François avait clairement défendu Barros des accusations répétées d'avoir couvert et même participé d'une certaine manière à des épisodes d'abus sur mineurs attribués au Père Fernando Karadima, aujourd'hui âgé de plus de 80 ans. Les faits reprochés au vieux prêtre remontent aux années 80 et 90 du siècle dernier, et en 2011, il a été reconnu coupable par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, condamné à se retirer dans une vie de prière et de pénitence, avec une interdiction publique de tout exercice du ministère. Mais les victimes ont toujours accusé d'autres prélats qui étaient très proches de Karadima, en plus de Barros, les évêques Andrés Artega, auxiliaire de Santiago, Tomislav Koljatic, évêque de Linares, et Horacio Valenzuaela de Talca.

Mais «....il n'y a pas une seule preuve. C'est de la calomnie. Est-ce que c'est clair?» répondait François a à un journaliste en marge de la messe célébrée à l'extérieur de la ville d'Iquique lors de son voyage apostolique au Chili. Une défense répétée du Pape qui, en 2015, déjà en pleine contestation, avait nommé Barros comme évêque d'Osorno. Par ailleurs, le Vatican, à travers la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, avait mené une enquête sur Barros et les autres évêques proches de Karadima, ce qui avait conduit à la décision de les décharger de leurs fonctions. Mais avec une lettre signée par le Pape en janvier 2015 et envoyée aux évêques chiliens, cette demande fut de facto bloquée.

A présent, après avoir lu l'impressionnant dossier établi par l'évêque maltais Charles Scicluna, le Pape présente ses excuses et convoque d'une manière inhabituelle et extraordinaire les évêques chiliens au Vatican en mai prochain. Les plus de 2000 pages du dossier compilé par l'envoyé spécial du Pape, en écoutant 64 témoignages, ont évidemment fait réfléchir François; et si pour l'instant aucune décision n'a été prise, on peut s'attendre à ce que des têtes tombent. A commencer par celle de l'évêque d'Osorno.

«Après une lecture méditée des actes de cette mission spéciale», écrit François dans la lettre diffusée mercredi soir, «je crois pouvoir affirmer que tous les témoignages recueillis parlent d'une manière sobre et sans édulcoration de nombreuses vies crucifiées et je vous confesse que cela me cause douleur et honte». C'est précisément pour la défense des victimes que le Cardinal Sean O'Malley, lors de la visite du Pape au Chili, s'est exprimé dans une lettre très forte, ouvrant une sorte de conflit entre le Cardinal lui-même, Président de la Commission Pontificale pour la Protection des Mineurs, et François.

Quelqu'un a donc dû mal informer le Pape, en lui donnant des nouvelles ni véridiques ni équilibrées pour reprendre les mots mêmes du Pape dans la dernière lettre. Les principaux suspects sont le cardinal Javier Errázuriz, 84 ans, véritable patron de l'église chilienne depuis des décennies, et l'archevêque actuel de Santiago, le cardinal Ricardo Ezzati. Le premier surtout, aujourd'hui émérite, est un cardinal de confiance de François, au point de l'appeler à faire partie du groupe de neuf cardinaux qui l'assiste dans le gouvernement de l'Église et pour cette raison représenterait le énième cas d'un proche collaborateur du pontife qui ne s'avère pas si fiable.

La récente démission de Don Dario Edoardo Viganò comme super secrétaire des communications du Vatican, en raison d'un colossal misunderstanding (en anglais dans le texte) non pas avec un, mais avec deux papes, n'est que la plus éclatante d'une série d'affaires mettant en évidence les informations fausses qui tournent autour de François. Au début du pontificat, il y a eu le cas de Mgr Battista Ricca qui, en juin 2013, a été nommé par le Pape prélat de l'IOR, alors que quelques jours plus tard, arrivaient des informations sur le passé peu clair du monsignore durant son séjour à la nonciature en Uruguay.
Mais avant sa nomination, le Pape avait lu le dossier sur Ricca et l'avait trouvé immaculé: où avaient fini les rapports de Montevideo rédigés par le nonce de l'époque, et qui étaient arrivés à Rome? [ndt: ne pas oublier que c'est pour défendre le douteux monsignore que le pape avait prononcé sa fameuse phrase «qui suis-je pour juger?»]

Puis il y a le cas des trois prêtres ufficiali de la Doctrine de la Foi qui furent licenciés sur le champ en décembre 2016 alors que le préfet était encore le cardinal Gerhard Müller, et pour lesquels Müller lui-même déclara dans plusieurs interviews que «nous ne devons licencier les personnes que si elles font des erreurs». Laissant ainsi entendre que quelqu'un devait avoir informé le Pape d'erreurs présumées qui, de l'avis du Cardinal, ne correspondaient pas du tout à la vérité.

Le problème de savoir qui informe François, et comment, semble être une réalité. Il a toujours déclaré qu'il ne lit pas les journaux, à l'exception de La Repubblica dix minutes le matin, comme il l'a dit dans une interview en 2015, et qu'il ne regarde pas la télévision. Le web ne semble pas non plus être une source d'information, même si, dans cet espace, il y en a qui le font pour lui. Spécialement quand il s'agit des sites «de la soi-disant résistance», comme il l'a dit dans une conversation avec ses confrères jésuites lors de son voyage au Chili, «s'il y a quelque chose de très grave, ils m'informent pour que je sache». Il serait intéressant de savoir qui est celui qui informe le Pape sur les bons et les méchants qui animent le web parce que, au vu des cas plus ou moins récents, on doit espérer qu'ils sont fiables et impartiaux.

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.