Le Rhin se jette-t-il dans l'Amazone?

Edward Pentin apporte quelques précisions à propos de la rencontre de prélats de l'aire germanophone qui vient de se dérouler à Rome et dont nous avons parlé hier (26/6/2019)

>>> Le train pour l'Amazonie passe par L'Allemagne (25/6/2019)

 

Rencontre d'étude de pré-Synode amazonien à Rome


Edward Pentin
ncregister.com
26 juin 2019
Ma traduction

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Un certain nombre de dirigeants clés de l'Église allemande, dont le cardinal Walter Kasper, étaient présents à la réunion du 25 juin.


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Une rencontre privée s'est tenue mardi à Rome pour discuter du prochain synode amazonien, avec la participation de prélats et d'experts en grande partie germanophones.
Selon le porte-parole du Saint-Siège, Alessandro Gisotti, cette rencontre était une «réunion d'étude» du Réseau ecclésial panamazonien (REPAM).
Plus tôt dans la journée, un fonctionnaire du Synode des évêques, interrogé à ce sujet, a démenti avoir eu connaissance de la réunion.

Le Réseau ecclésial pan-amazonien a été créé en 2014 par les neuf Églises de la région amazonienne, en Bolivie, au Brésil, en Colombie, en Équateur, en Guyane française, en Guyane, au Pérou, au Surinam et au Vénézuela, pour «attirer l'attention du monde sur la situation fragile des peuples autochtones d'Amazonie et sur l'importance cruciale du biome amazonien pour la planète, notre foyer commun».
Gisotti a déclaré au Register que la rencontre de mardi avait lieu avec «les autorités ecclésiales, les experts et les représentants du territoire en vue du Synode sur l'Amazonie».
Mais il a dit qu'il n'était pas en mesure de donner des détails sur les participants. «C'est une réunion d'étude, pas pour le public», a-t-il dit, ajoutant: «Il y en aura d'autres avant le synode.»
Des sources, cependant, ont dit au Register que les participants invités à la réunion d'étude, qui a eu lieu dans un couvent et centre de retraite de la banlieue de Rome dirigé par la Congrégation Ancelle di Cristo Re, comprenaient le cardinal brésilien Claudio Hummes, rapporteur général du synode et président du REPAM.
Parmi les autres, le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, et le cardinal Walter Kasper, proche conseiller théologique du pape François.
Egalement présent, l'évêque autrichien Erwin Kräutler, émérite de la Prélature territoriale de Xingu au Brésil, que le pape François a nommé expert consultant auprès du synode. Kräutler a plaidé pour l'ordination d'hommes mariés en Amazonie et a exprimé son soutien aux femmes prêtres. On pense qu'il a contribué à la rédaction du document de travail controversé sur le synode publié la semaine dernière.

"POINT DE NON-RETOUR"
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Parmi les autres participants, Franz-Josef Overbeck, évêque d'Essen (Allemagne), à la tête de la Commission épiscopale allemande pour l'Amérique latine, qui, par l'intermédiaire de son organisation Adveniat, apporte un soutien financier et pastoral important à l'Amérique latine.
Le mois dernier, Overbeck a dit que le synode conduirait l'Église à un «point de non-retour» et qu'ensuite, «rien ne sera plus comme avant».
Le cardinal Christoph Schönborn, archevêque de Vienne, a été invité à la réunion, mais n'a pas pu y assister en raison d'une chirurgie du cancer de la prostate, a dit au Register son porte-parole, Michael Prüller,.
Intitulé «L'Amazonie, nouveaux chemins pour l'Église et pour une écologie intégrale», le synode du 6 au 27 octobre sera un temps de «réflexion pastorale, ouvert à la reconnaissance de la diversité» et «à l'écoute de la réalité amazonienne avec toutes ses facettes culturelles et ecclésiales», a déclaré le cardinal Baldisseri aux journalistes la semaine dernière.
Il s'exprimait lors de la présentation de l'instrumentum laboris controversé du synode, qui portait sur des thèmes tels que l'inculturation, la «conversion écologique» et la synodalité.
Mais le document de travail a été critiqué pour ce que certains considèrent comme un accent excessif sur l'écoute des cultures amazoniennes et la «conversion écologique». Il est au service d'un agenda païen, ont dit ses détracteurs, au lieu de prendre comme point de départ la Révélation, la Parole de Dieu et la conversion au Christ.
Egalement controversées, des propositions telles que l'étude de l'ordination d'anciens (éventuellement des hommes mariés) chergés de famille pour aider à apporter les sacrements dans des régions amazoniennes éloignées, un «ministère officiel» pour les femmes, et un appel aux conférences épiscopales pour une «saine décentralisation» afin d'«adapter le rituel eucharistique à leur culture».
Selon le biographe papal Austen Ivereigh, l'un des objectifs de la réunion de mardi était de préparer pour le synode «un briefing sur les implications théologiques de l'ordination des anciens mariés».

Aucun de ceux figurant sur la liste des participants à la réunion n'est réputé pour son orthodoxie. Parmi eux, le père Hubert Wolf, théologien et historien de l'Église, dont une source informée a dit qu'il était «en théorie et en pratique contre le célibat clérical». Ancien élève de l'Université de Tubingen, il a été ordonné prêtre dans son diocèse natal de Rottenburg-Stuttgart dans les années 1990 lorsque le cardinal Kasper était évêque diocésain.
Considéré comme un théologien modéré sous le pontificat du Pape Benoît XVI, il est réputé pour être devenu beaucoup plus hétérodoxe sous le pape François et enseigne à l'Université de Münster, la cinquième université d'Allemagne, l'un des principaux centres de la vie intellectuelle allemande, et qu'une source proche de l'Eglise allemande décrit au Register comme un «foyer d'hétérodoxie».

LE RHIN SE JETTE-T-IL DANS L'AMAZONE?
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Un autre participant est Josef Sayer. Bien connu dans les cercles humanitaires catholiques, Sayer a été, de 1997 à 2012, directeur général de l'organisation catholique allemande d'assistance Misereor, l'une des organisations caritatives catholiques les plus influentes dans le monde.
Sayer, 77 ans, «a tissé de vastes réseaux d'influence et a promu les projets qu'il souhaitait», a dit au Register une source proche de l'Église en Allemagne. Il est connu comme un ardent combattant des droits de l'homme et de la lutte contre l'injustice, la pauvreté et le changement climatique, et selon une source informée du Vatican, il était un fervent défenseur de la théologie amazonienne indienne, qui figure en bonne place dans le document de travail du synode et que certains détracteurs qualifient de «recyclage culturel de la théologie de libération».
Egalement présente, Myriam Wijlens, théologienne, professeur à l'Université d'Erfurt (Allemagne) et membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs.

La source proche de l'Eglise en Allemagne a dit que le prochain synode n'a pas pour but de «repenser les choses» comme certains ont voulu le décrire, mais que les théologiens allemands «activent le vieux matériel». Les organisateurs, a-t-il dit, «sortent les vieux classeurs de l'armoire et essaient de mettre en œuvre la pensée des années 1970 qu'ils contiennent».
Et bien que le document de travail mette fortement l'accent sur l'écoute de la «voix de l'Amazonie», le fait significatif et le dénominateur commun de cette rencontre, c'est le grand nombre de prélats et de théologiens européens et en particulier allemands, et le faible nombre, voire l'absence des voix amazoniennes.
La forte contribution de prélats et des théologiens germanophones a conduit les observateurs inquiets à croire que le synode est un moyen pour eux d'imposer et de mettre en œuvre leur propre programme idéologique - particulièrement déroutant pour certains, étant donné l'état moins que robuste de l'Église catholique dans les pays germanophones et dans les autres Églises en Europe.
Rendant compte du Concile Vatican II, le prêtre américain Ralph Witgen a écrit le célèbre livre “The Rhine Flows into the Tiber” (traduit en français: Le Rhin se jette dans le Tibre), qui relate l'influence de l'Eglise allemande sur cette assemblée.
Interrogé le 21 juin par le Register pour savoir si le Rhin coule désormais en Amazonie, le Cardinal allemand Gerhard Müller, préfet émérite de la Congrégation pour la doctrine de la foi a répondu: «Nous voyons que ce n'est pas une bonne influence parce que l'Église est en train de s'effondrer en Allemagne... Ils [les dirigeants de l'Eglise allemande] ne sont pas conscients des vrais problèmes [dans l'Eglise aujourd'hui] et ils parlent de morale sexuelle, de célibat et de femmes prêtres, mais ils ne parlent pas de Dieu, de Jésus Christ, de la grâce, des sacrements, de la foi, de l'espérance et de l'amour, des vertus théologales».

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