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Du mensonge en politique

La Bussola Quotidiana nous fait le cadeau d'une réflexion sur le mensonge politique, datant de 1957, écrite par un prêtre italien, et qui n'a pas pris une ride. Occasion de réfléchir sur les révélations de "mensonges" qui agitent ces jours-ci les classes politiques et médiatiques en France et en Italie. (17/2/2011)

Ces-jours-ci, en France, les medias nous rebattent les oreilles des "mensonges" de Madame Alliot Marie, "révélés" par Le Canard Enchaîné!!.
En Italie, ce sont les "mensonges" de Silvio Berlusconi, accusé de relations avec une prostituée mineure (!!) qui font la une de la presse.

Mensonges privés, s'entend, misérables parades contre des attaques tout aussi misérables (même si personnellemnt, je ne mets pas les deux sur le même plan: il sera difficile de m'expliquer ce que "MAM" a fait de bien pour son pays, la réalité est plus complexe pour le Cavaliere!).
Une façon, pour les medias, de détourner l'attention des gens de mensonges autrement plus graves, qu'eux mêmes répandent avec délectation, et qui à la longue, détruisent le tissu social.
Le paradigme du mensonge politique tel qu'il est détaillé ci-dessous, c'est tout ce qui entoure la construction politique de l'Europe. Tout y est. Mais les exemples abondent, et ils sont quotidiens (immigration, environnement, chômage, retraites, bio-éthique, "avancées" sociétales, etc..)

Et Michèle Alliot Marie, ne ment-elle pas de toutes les façons, et pas seulement à titre privé?
Regardons, tout récemment, sa pitoyable prestation, liée à l'affaire Florence Cassez, hier, au Sénat, qui a conduit l'ambassadeur du Mexique à quitter l'hémicycle.
Florence Cassez est-elle vraiment innocente? La question devrait au moins être posée.
On lira à ce sujet le dossier très convaincant d'Hugues Kéraly, sur le site Sed Contra.
MAM ment sans aucun doute (mais pourquoi?), et elle ne peut l'ignorer!
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Sur le thème du mensonge politique, la Bussola Quotidiana nous a fait le cadeau d'une réflexion datant de 1957, écrite par un prêtre italien, don Luigi Sturzo (1871-1959) qui a eu en son temps un engagement politique, et dont le procès en béatification est en cours: sa réflexion n'a pas pris une ride.
Un texte coriace, dont la traduction m'a causé quelque difficulté, mais qui vaut la peine d'être lu attentivement.

Voici comment don Sturzo fustigeait les politiciens menteurs
La BQ, 16-02-2011

La revue d'actualité et de culture "Studi Cattolici" franchit ce mois-ci, le cap des 600 numéros. Pour l'occasion la Bussola a ressorti un article de Don Luigi Sturzo paru dans le premier numéro de la revue en Juin 1957.
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Afin de préciser le problème en cause, il convient d'exclure le mensonge utilisé par les politiciens pour leur propre bénéfice, celui-ci tombant dans la catégorie des mensonges usuels et communs. Nous entendons par mensonge politique celui d'une personne investie de l'autorité civile - qu'elle soit chef d'Etat, maire ou préfet, - utilisé aux fins du bien, pour le bénéfice, réel ou supposé tel, de la nation, du gouvernement ou de groupes sociaux.

Ce mensonge, comme moyen illicite pour atteindre une bonne fin, tombe sous la condamnation de la thèse selon laquelle "la fin justifie les moyens". Malheureusement, si en théorie, une telle thèse est condamnée par la morale, dans la pratique le mensonge, comme un moyen pour une fin, que l'on croit bonne, à caractère politique ou assimilé, me semble être utilisé sans scrupules de conscience.

Le fait rentre dans le cadre de la diffusion de l'usage quotidien du mensonge, y compris dans la famille et à l'école, comme s'il fallait défendre sa propre individualité d'ingérence indiscrète, dissimuler son comportement à ceux qui pourraient avoir un motif valable de le connaître. Ainsi se répand un sentiment de méfiance réciproque, d'intolérance de la vérité, comme un besoin maladif de montrer des sentiments différents de ceux que l'on ressent.

Pour les adultes, le phénomène peut être lié au long assujettissement à un régime de suspicion et de "compression", dans lequel la libre communication réciproque a été limitée, voire paralysée, par la peur d'avoir affaire à une personne qui pourrait abuser des confidences, ou souligner imprudemment des attitudes peu conformes à la politiques de l'époque. Cette réalité du passé italien peut avoir plus d'intensité dans les pays sous la dictature communiste.

Alors que le mensonge défensif se développe dans les régimes totalitaires et les dictatures, le mensonge démagogique se développe dans les régimes libres, et populistes. Dans ces deux environnements, on peut dire que le mensonge est une évidence a priori. Le fait est d'autant plus grave que la résistance au mensonge est atténuée par l'éducation familiale et civile; l'affirmation de la vérité est difficile, parce qu'il ne se trouve pas de gens prêts à surmonter le conformisme dans le premier cas, et à affronter l'impopularité dans le second. Par conséquent, le mensonge politique se développe de plus en plus.

Il ne peut y avoir de coexistence humaine sans la vérité dans son triple sens de réalité (des principes et des faits), de conviction (partagée ou individuelle), de communication (privée ou publique). Plus efficace dans le cas d'une personne investie de l'autorité, le mensonge déforme la réalité, trahit ses propres convictions et rompt la communication avec le corps social que la personne préside, ou dont elle est membre ou représentant, et, soit à titre individuel, soit avec d'autres, elle en est responsable. La modification ou la négation de la vérité faite au moyen de mensonges, blesse la société dans son essence, à la fois dans les rapports individuels ou d'organisation, quelles qu'en soient les finalités spécifiques. Il est de coutume de prendre comme prétexte le fait que la vérité peut aussi produire une fracture sociale, selon l'antique adage: veritas odium parit (La franchise fait des ennemis).

Faisons une distinction entre la vérité des faits et celle des principes.
Ceux-ci sont toujours à affirmer et à défendre, alors que la vérité d'un fait qui mérite la confidentialité ne doit pas toujours être communiquée à tous, et de manière indue (ndt: là, nous abordons le thème tellement actuel de la "transparence"): il y a des cas où il sera préférable qu'un fait ne soit pas divulgué, surtout s'il doit susciter des effets indésirables, même s'ils sont injustifiés. Pour cela, il n'est pas non plus nécessaire d'utiliser certaines restrictions mentales qui diffèrent peu du mensonge. On peut se garder des importuns en répondant aux journalistes par la phrase en anglais: "no comment" indiquant le caractère inapproprié de la demande et le sens de responsabilité qui a le pouvoir de ne pas révéler ce qui n'est pas nécessaire, ni de répondre en faussant la vérité.

Le mensonge est toujours intentionnel; le mensonge politique a presque toujours pour but de détourner les enquêtes, d'entraîner vers des voies différentes, de combattre les oppositions, de prévenir les offensives, de poser les prémisses d'une action que l'on croit utile, etc. C'est donc, en un mot, une arme politique. La bonne fin ne justifie pas le mensonge; la mauvaise fin, ou celle reliée à de mauvais moyens, rend encore plus grave l'usage du mensonge.

Nous avons dit que le mensonge, par sa nature, indépendamment de celui qui le profère, altère et brise les liens de la co-existence, et est donc un mal en soi.
La preuve en est donnée par le fait que, dans n'importe quel type de guerre, quand la rupture entre les parties est consommée, le mensonge est une arme de guerre, au même titre que les antiques hallebardes, les fusils d'autrefois, les chars, et les bombes atomiques d'aujourd'hui. Par conséquent, de la même manière qu'il serait perfide, pendant l'armistice, de reprendre les armes sans déclaration préalable, l'utilisation, dans le même temps, du mensonge délibéré, serait un acte de traîtrise.

Dans les conflits politiques et civils des régimes où la coexistence est maintenue sous une forme organique, qu'il s'agisse de conflits devant la magistrature, ou de débats parlementaires, ou de luttes électorales, le mensonge n'est moralement pas acceptable comme moyen de défense et d'attaque, s'agissant de l'exercice de droits et de l'accomplissemnt d'obligations, pour lesquels la règle éthique est suprême et doit être respectée par les parties. Comment pourrait-on dans le même temps vouloir la cohabitation dans la société sous tous ses aspects, et accepter comme légitime, voire tolérable, le moyen qui en lui-même, entraîne une rupture des relations, parce qu'il viole la vérité objective, détruit la confiance mutuelle et conduit aux pires événements, tels que la présentation inexacte des faits, la tromperie, la fraude, qui ont à leur base le mensonge?

Certains disent qu'aux politiciens devraient s'appliquer les pratiques en usage chez les commerçants, lesquels poussent à l'achat en vantant la qualité de leurs marchandises. Comme il est bien connu que les adjectifs utilisés dans le commerce sont des exagérations, même si ce sont des mensonges, ils ne sont pas crus sans vérifier la marchandises; à l'acheteur de se méfier. À cet égard, le vendeur ne rompt pas les relations sociales, puisque les rompre serait à ses risques et périls. C'est une opinion répandue que, quand l'interlocuteur sait à quoi s'en tenir, il ne s'agit pas de mensonge. Cela vaut autant pour les fanfaronnades du concessionnaire, que pour celles du camelot qui exagère, amplifie, exalte hors de mesure, ou tend à minimiser et à dévaluer, selon le but du discours.
Des considérations similaires valent plus ou moins pour les mensonges "pour rire".
Que cela puisse s'appliquer à l'activité politique doit être totalement exclu; il ne s'agit pas de plaisanterie, ni se vanter des produits, ni d'amplifiier les propos. Il s'agit de choses sérieuses, d'intérêt public, de relations entre les autorités et les citoyens ou des autorités entre elles; le mensonge ne peut jamais être licite, puisqu'il éloigne, obscurcit, dévalue la vérité, et finalement attire dans un piège.

Il est d'usage d'être plutôt indulgents avec ceux qui, dans les polémiques exta-parlementaires, dans les assemblées publiques et ou les réunions privées, cherchent à convertir les autres à leurs opinions, présentant les problèmes de façon incomplète, ou sous des aspects marginaux, passant sous silence les éléments dont la connaissance pourrait faire changer d'avis. Même si, formellement, il ne s'agit pas de mensonges, la partialité de l'exposition et l'inexactitude de la lumière apportée aux faits peut constituer un travestissement de la vérité, au point de la rendre méconnaissable. Si tout cela est fait par habitude mentale, par incapacité de synthèse, par évaluation erronée des facteurs, sans aucune intention de modifier la vérité, on peut objectivement trouver des circonstances atténuantes. Mais en principe, on ne peut excuser moralement quiconque a fait un exposé incomplet, ou déformé la réalité d'un fait ou le contenu d'un document, se fondant sur les éléments choisis ad hoc et interprétés de façon erronée.

Il faut souligner que la plupart du temps , en matière politique et administrative, c'est une minorité qui a la maîtrise des données, tandis que la majorité manque de préparation adéquate et souvent n'est pas en mesure de détecter le caractère tendancieux des relateurs qui, étant bien préparés, ont tendance à atteindre des objectifs qui peuvent parfois être bons, sans être conformes aux éléments qui sont objets d'étude.

Si par la suite, de la discussion entre membres d'un corps sélectionné, on passe à l'exposition orale devant un auditoire non spécialisé, la facilité de détourner l'opinion publique, mettant l'accent sur certains aspects, et d'autres hors de la lumière, il ne fait aucun doute que dans un tel cas, il s'agit d'altération de la vérité. La communication de la vérité partielle, unilatérale, équivoque conduit à la tromperie, à travers le mensonge, même dilué dans une mer de mots. Le mensonge ne consiste pas seulement à dire oui quand c'est non, et à dire non quand c'est oui.

Tous propagande démagogique est faite de demi-vérités qui en viennent au mensonge, et de demi-mensonges qui voilent la vérité. Dans ce cas, la vérité n'est ni l'objet ni le but de la communication entre les individus; il s'agit de faire du prosélytisme à tout prix, d'appliquer la tendanciosité à des fins politiques, autrement dit d'atteindre, dans le meilleur des cas, à partir d'une fin retenue bonne pour la communauté dont on a, seul ou avec d'autres, la responsabilité ou le gouvernement, une fin qu'on craint de ne pouvoir atteindre en exposant clairement la vérité.

Ici, nous en arrivons au punctum saliens , à savoir l'utilisation du mensonge pour atteindre un but utile pour la communauté, c'est-à-dire pour éviter un dommage redouté. Pour s'en tenir à la ligne de l'évaluation politique, indépendamment de l'impératif éthique, on peut se demander qui est en mesure de prédire avec certitude que le mensonge peut être utile pour atteindre l'objectif qu'on désire? Ou pour éviter le dommage qu'on redoute?
Avant tout, il convient d'écarter l'idée qu'un homme d'Etat, même expérimenté puisse, sur le terrain politique, prédire les effets réels de son action, laquelle dépend davantage de la vérité réalisée que du mensonge par lequel il cherche à la cacher. Dans le second cas, une prudente réserve suffit pour éviter qu'on connaisse la vérité qui, à un moment donné, pourrait produire une réaction inattendue et donc constituer un péril pour la collectivité.

En dehors de ce que la prudence et la prévoyance suggèrent, il convient de noter que dans la vie politique, le recours au mensonge est toujours lié à l'utilisation systématique du mensonge et, même, de la tromperie et de l'arrogance. L'ensemble négatif d'une politique qui ne se fonde pas sur la moralité conduit à l'utilisation de moyens immoraux. Il ne s'agit pas de mensonges (ou de petits mensonges) isolés, occasionnels, pour éviter les ennuis et obtenir des avantages immédiat; il s'agit d'un ensemble de moyens illicites, et d'activités non conformes aux fins de la bonne gouvernance et des intérêts du pays.
Il faut partir de la conviction que le mensonge ne sert à rien et fait toujours du mal; et aussi, que la fin ne justifie pas les moyens; concluant que la meilleure politique est celle qui ne porte pas atteinte à la moralité.

Du point de vue du moraliste catholique, tout en s'en tenant fermement aux principes, on pourra, dans certains cas, trouver des circonstances atténuantes à la culpabilité du mensonge politique, comme à tout péché commis par quelqu'un qui demande pardon à Dieu et promet de ne pas retomber. Mais les circonstances atténuantes ne touchent pas le ferme principe du caractère illicite du mensonge, et à plus forte raison, du mensonge politique

Le président Medvedev chez le Pape (II) Une interviewe du cardinal Turkson