Strauss-Kahn et Cie
Un prêtre espagnol parle de la morale en politique et du "seuil de tolérance". Article sur le site Religion en Libertad. Traduction de Carlota. Et tentative de réponse aux objections (22/5/2011)
-> Original du texte ici.
Strauss-Kahn et Cie
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Même si l’échéance électorale (élections locales en Espagne) et la préoccupante occupation des places publiques (cf. La révolution des poulets sans tête) - dans la mesure où elles pourraient être le mouvement préalable à « l’argentinisation » définitive de l’Espagne (Ndt: dans le sens de la terrible crise économique, politique et sociale subie par l’Argentine entre 1997 et 2003, et où l’action du FMI n’a pas été pour tous les experts la plus en adéquation avec la situation du pays) - peuvent avoir fait taire dans l’opinion publique espagnole le cas de M. Strauss-Kahn, je veux lui consacrer une petite réflexion, car ce cas n’est pas peu symptomatique d’une époque.
Une compréhension déterminée de la liberté a amené à faire comprendre que ce qui est uniquement répréhensible chez un politique ou une personne avec des responsabilités publiques, ce sont les choses qui sont pénalement illicites, et dans une moindre mesure, sur le plan civil et administratif. Mais il n’en est pas toujours ainsi : la corruption, par exemple, a des degrés sociaux de tolérance, dans bien des cas complètement intolérables.
Mais qui nous gouverne ? Qui exerce les charges sociales? Simplement une personne. Ce qui veut dire quelqu’un qui n’est pas séparé de sa configuration morale. Ni même d’un de ses aspects que l’on appelle la vie privée. Est-il indifférent qu’une personne ayant une charge publique soit, par exemple, infidèle à son épouse ? Sur le plan pénal, indubitablement. Mais nous les citoyens, nous ne sommes pas des juges d’affaires délictueuses. Si quelqu’un est infidèle à sa femme ou à son mari, au père ou à la mère de ses enfants, à la personne qu’il voit et avec qui il a les relations les plus proches, pourquoi vais-je croire qu’il va être fidèle aux promesses qu’il aura faites à des électeurs qui auront voté pour lui et avec qui il ne sera presque jamais en contact? Il se peut qu’il soit un bon gestionnaire, mais est-ce suffisant?
S’agit-il de trouver des héros moraux?
Certainement pas, mais le seuil de la tolérance, peut-être devrions-nous le fixer en pensant avec quel type de personnes nous aimerions traiter? À quelles personnes voudrions-nous ouvrir la porte de notre maison, et confier des affaires importantes de notre vie ? Qu’est ce que nous demanderions à un collègue ou à un chef, à la veille d’une entreprise difficile ? Et surtout prendre en compte qu’un responsable d’une charge publique a toujours un rôle d’exemple social.
Les personnes publiques, dans la mesure où elles ont une importance sociale, indiquent et invitent à suivre des formes de comportement déterminées, elles sont un facteur important dans la configuration d’une société. Elles ne sont pas un élément de plus dans la mécanique d’un État mais elles exercent aussi un modèle d’entraînement social, de « leadership ». Mais les responsables sociaux sont aussi le reflet d’une société, ils expriment ce que cette société vit. La société fabrique ses responsables et vice-versa.
Mais ces cercles vicieux sont rompus par les décisions des personnes qui ne se résignent pas à l’inertie du pire et sont déterminées à aller avec d’autres cercles en changeant les choses.
Alfonso G. Nuño (*)
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(*) Alfonso G. Nuño est un prêtre diocésain, mais aussi un théologien qui a exercé des fonctions d’enseignement et a été notamment secrétaire général de l’Université Catholique d’Ávila.
Note
Il est évident qu'en lisant ce texte, on peut avoir à l'esprit la vie privée désordonnée de Silvio Berlusconi - dont j'ai déjà pris la défense ici, au nom de la sympathie que j'ai cru voir le Saint-Père lui témoigner - et penser: 'voilà un témoignage du "deux poids deux mesures" qu'on dénonce chez les autres'.
Soyons clairs.
A ce sujet, je crois utile de revenir sur les positions d'un représentant éminent de l'Eglise (je n'ai pas dit: les positions de l'Eglise): Mgr Gianpaolo Crepaldi, nommé par Benoît XVI archevêque de Trieste en juillet 2009, était auparavant secrétaire du Conseil Pontifical Justice et Paix.
Il a écrit un livre, préfacé par le Cardinal Bagnasco, "Cattolico in politica" (2010) dont le thème est: L'engagement des catholiques en politique.
Il en a été question sur mon site et sur La Bussola - je ne suis donc pas en mauvaise compagnie.
[En ce qui concerne DSK, indépendamment de sa vie "privée (devenue publique!) et contrairement à Silvio Berlusconi, il avait de toutes façons la note "0" sur les valeurs non négociables!]
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Extrait du livre de Mgr Crepaldi
Il peut y avoir des cas où aucun parti ne répond aux besoins de base - les valeurs non négociables - des catholiques dans la vie politique. (...)
Devra-t-il abandonner l'engagement politique? Dans ce cas, il faut procéder avec un discernement attentif.
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Entre un parti qui a prévu dans son programme, la défense de la famille fondée sur le mariage et dont le secrétaire vit séparé de sa femme, et un parti qui inclut dans le programme de reconnaissance des unions civiles et dont le secrétaire est régulièrement marié, la préférence doit aller au premier parti . La présence de principes non acceptables est en effet plus grave dans le programme que dans la pratique de certains militants, en ce que le programme est stratégique et a une valeur précise de changement politique de la réalité, davantage que des incohérences personnelles. Dans le cas où tous les partis seraient de droit contraires aux principes non négociable du politique catholique, il ne resterait plus qu'à fonder un autre parti.