Le coeur parle au coeur
21 septembre 2010: la petite communauté anglaise de CL a suivi le pape pendant son voyage. Brève chronique de quatre jours qui ont changé le cœur de beaucoup (extrait de la revue "Traces", septembre 2010) (30/6/2011)
-> Tous les articles sur le voyage du Saint-Père au Royaume-Uni: http://benoit-et-moi.fr/ete2010/..
Recherchant des informations sur le cardinal Scola (il n'y a aucun doute, la recherche "au hasard" offre les meilleurs opportunités de trouver des trésors), je suis tombée sur le site français de Communion et Libération (http://www.clonline.org/fr/traces.html ). Et donc, sur leur revue "Traces", dont les derniers numéros sont téléchargeables sur le site au format PDF.
Le numéro de septembre 2010 contenait cet article, que le logiciel d'OCR m'a permis de remettre au format texte sans trop de travail. 9 mois après, à un mois des JMJ de Madrid, et un peu plus de deux du voyage en Allemagne, il est bon de se rappeler comment, à chaque fois, un désastre annoncé se transforme en un vrai triomphe populaire, et une occasion pour certains, de retrouver le chemin vers la foi! Par la grâce de Dieu, mais aussi d'un homme.
Nous, devant un père
Traces, septembre 2010, pages 16-18
21 septembre 2010: la petite communauté anglaise de CL a suivi le pape pendant son voyage. Brève chronique de quatre jours qui ont changé le cœur de beaucoup.
par Roger Sylvester
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Le Pape salue la foule le premier jour de sa visite. « J'attends avec un vrai plaisir mon voyage au Royaume Uni », avait dit le pape lors
de l'audience générale du 8 septembre, mais on avait clairement l'impression que l'enthousiasme du Saint-Père n'était pas partagé par le peuple anglais, au moins par les médias. Des groupes athées soutenaient la demande d'arrestation du pape pour « crimes contre l'humanité », et il y avait des signes de protestations massives d'opposants à l'enseignement de l'Église.
En cette période de difficultés économiques, le coût de la visite pour les contribuables était présenté comme une objection (même si personne auparavant ne semble avoir eu le même type de préoccupations lors de la visite d'autres leaders mondiaux). Jusqu'à l'intérieur de l'Église où il y avait des gens pour critiquer le fait qu'il avait été demandé aux paroisses de contribuer aux dépenses pour un hôte qui n'avait pas été invité.
Assurément les médias ont joué leur rôle pour donner une image d'une ambiance hostile : Channel 4 a choisi un célèbre activiste pour les droits des homosexuels pour réaliser un « documentaire » qui présentait l'Église comme une force maligne dans le monde. Et des articles fortement négatifs ont été publiés dans les grands journaux. Mais toutefois, avec l'approche de la date de la visite, des signes positifs commencèrent à se montrer : l'Alliance évangélique, un groupe protestant, a appelé les chrétiens de toute confession à soutenir la visite du pape, alors que le grand rabbin a écrit que « le pape actuel est bien plus que le leader de la plus grande communauté religieuse du monde ; il est aussi un intellectuel de haut niveau avec un sens fort de l'histoire », et a invité le pays à l'écouter avec attention.
Le Daily Mail du 11 septembre en est arrivé à écrire que « ce sont les vrais bigots qui s'opposent à la visite du pape ». Un réalisateur de la BBC a déclaré que le fait de tourner un documentaire sur le pape l'avait obligé à changer d'opinion, à abandonner les stéréotypes pour avoir une réelle estime pour Benoît XVI.
Un autre phénomène né à l'occasion de cette visite, a été la formation des « Catholic Voices » (« les Voix catholiques », ndt), groupe de catholiques disponibles pour intervenir à la radio et à la télévision pour faire connaître la position de 1'Église. Chris, de la communauté CL de Londres, est un de ces volontaires : « Ce fut un appel à prendre ma foi plus au sérieux, et à me rendre compte quel don elle est. Notre société a véritablement besoin de l'Église ».
Un nouveau tartan ad hoc
Il y eut aussi des signes positifs au niveau culturel. Le Victoria & Albert Museum et les Musées du Vatican ont réalisé ensemble, pour la première fois, une exposition des tapisseries pour la Chapelle Sixtine aux côtés des cartons préparatoires (propriétés de la Couronne anglaise depuis le début du XVIle siècle).
En Ecosse, un nouveau tartan a été dessiné avec des couleurs choisies pour leur valeur symbolique (dont le jaune du Vatican, le rouge pour le cardinal Newman et le blanc-bleu pour l'£cosse), et tous les membres du Parlement écossais ont reçu soit une cravate, soit un foulard avec le nouveau dessin.
Mais nous sommes pourtant toujours dans la société anglaise et conditionnés par l'atmosphère générale qui concerne aussi des aspects plus pratiques. La visite s'est déroulée avec un service de sécurité rigide au point que pour se rendre à la messe de béatification, il fallait voyager dans une voiture officielle tout en ayant donné très en avance son nom aux autorités pour les contrôles de sécurité et il fallait avoir son passeport sur soi.
Patrizia explique : « En tant que catholique en Angleterre, tu sens que tu fais partie d'une minorité toujours en état de siège ; et ces mesures de sécurité te font sentir en état de siège même maintenant. Nous sommes tous allés à Rome en 2007, et là tout semblait beaucoup plus facile. Voir le pape à Rome est une chose absolument naturelle ; le voir ici à Birmingham est vraiment extraordinaire, et l'opportunité de le voir en Angleterre est une expérience privilégiée ».
Ce fut une visite d'État - le pape Benoît XVI a été formellement invité par la Reine. C'est pour cela que la visite a débuté en £cosse, où Elisabeth il réside en cette saison. À son arrivée à Edimbourg, le pape a été chaleureusement accueilli par la Reine qui, dans son discours, a souligné « notre héritage chrétien commun » et le rôle important joué par l'Église dans la société anglaise. Le climat d'hostilité s'est peu à peu effrité, grâce aussi à l'évidente humanité du Saint-Père et à son affection envers les gens alors qu'il traversait la ville dans la papamobile ou quand il s'arrêtait pour embrasser ou bénir les enfants.
Mots « Pour » ou « Contre » ?
En soirée, le pape est arrivé à Londres à la nonciature où il devait séjourner pour toute la durée de la visite. Quelques uns d'entre nous se sont unis à la foule qui stationnait devant l'édifice. Lorsque nous avons déroulé la banderole « Communion and Liberation », un officier de police est venu nous demander : « Ces mots sont pour ou contre le pape ? ».
Nous lui avons expliqué que CL est un mouvement ecclésial et il est alors allé demander aux organisateurs si cela leur convenait que la banderole soit déployée. La réponse fut : « Absolument ok ! ». Des personnes, que nous n'avions jamais rencontrées avant, se sont avancées d'au milieu de la foule pour nous aider à tenir la banderole ; ce fut l'opportunité de leur raconter qui nous étions. Puis le cortège est arrivé, le pape est descendu de la voiture en traversant la foule chaleureuse et est entré dans l'édifice.
Un peu plus tard, il est apparu à la fenêtre pour remercier la foule. « Nous ne l'avons vu que quelques secondes, raconte Francesco, mais ça en valait la peine. Il y avait des gens de différents milieux, mais lui était clairement un point d'unité pour nous tous ». Dominic, du Yorkshire, a dit « J'ai été frappé par la manière dont nous étions ensemble. Nous sommes allés à la messe ensemble, puis nous avons fait l'école de communauté. Tout le monde voulait parler du pape et de ce qui l'avait touché. Notre prêtre était vraiment heureux ; il était clair pour lui qu’il avait conscience d'être en présence de Pierre, et donc du Christ. Malgré les difficultés manifestes et la fatigue (outre le froid et l'humidité) auxquels nous nous attendions, nous ne voulions être nulle part ailleurs si ce n'est à Cofton Park, dimanche, pour être quelques heures avec Pierre. Et si ma grand-mère de 87 ans peut venir consciente des raisons pour lesquelles elle vient, j'espère pouvoir avoir et conserver une miette de cette même conscience ».
C'est une rencontre sur l'éducation qui a ouvert le deuxième jour, sous la forme d'une assemblée où près de 3 000 étudiants catholiques ont rencontré le pape alors que toutes les écoles catholiques du pays étaient reliées en direct par vidéo. Inévitablement, la rencontre a impliqué des familles de la communauté, avec nos enfants vêtus de blanc et jaune pour un jour d'école très spécial. Les paroles par lesquelles le pape s'est adressé aux enfants ont été très simples mais elles ont fait entrer dans ma maison son affection pour nous, et la grandeur du message qu'il porte à notre pays.
« L'espérance est quelque chose que nous voulons tous, mais [...] beaucoup ne la trouvent jamais car ils la cherchent aux mauvais endroits [...]. Le vrai bonheur se trouve en Dieu [...] Lui seul peut satisfaire les exigences les plus profondes de notre cœur ». Ce fut un moment vraiment très spécial pour une des familles car leur enfant est né précisément ce jour là. « Nous l'appellerons Benedetta Josepha » disait le sms qui annonçait sa naissance.
Le samedi a eu lieu une veillée à Hyde Park, à Londres, avec des dizaines de milliers de jeunes. La foule était vraiment enthousiaste et a explosé dans une extraordinaire acclamation quand le pape l'a invitée aux JMJ à Madrid. Mais cette clameur s'est transformée immédiatement en profond silence quand le pape nous a demandé de nous unir à lui en prière devant le Saint-Sacrement. Comme le raconte Amos, « il était clair que le pape n'était pas là pour attirer l'attention sur lui-même, mais sur le Christ ».
« Le cœur parle au cœur »
Le moment central de la visite du pape a été la béatification du cardinal Newman, le grand théologien anglais du XIXe, converti de l'anglicanisme. Les œuvres de Newman ont eu une grande influente sur le jeune Joseph qui s'approcha de lui en tant qu'étudiant. Le mot d'ordre de la visite était «Le cœur parle au cœur », traduction de la devise même de Newman, « Cor ad cor loquitur ».
Arrivant sur le lieu de la messe en extérieur, nous nous sommes unis à l'immense foule des pèlerins et nous nous sommes retrouvés à peu de distance du passage de la papamobile. Quand le pape s'est approché de nous, nous avons levé encore plus haut la banderole. Surprise! La papamobile s'arrête devant nous et le pape a embrassé et béni le petit Florian, de huit semaines. Son père Derek raconte
« Ce fut une décision difficile que celle de venir assister à la messe de béatification, devant amener cinq enfants dont le plus grand a sept ans. Non seulement Gisèle et moi étions apeurés par cette rencontre intime avec un homme aussi saint et incroyable, mais nous comprenions que cet événement était une grâce spéciale et une expérience que toute la famille aurait dans le cœur pour toujours ».
L'homélie de la messe a concerné certains thèmes que le pape a affrontés au cours de la visite. Comme Amos l'explique : « Au cours de tous ces jours-ci, le pape a continué à parler de la relation entre foi et raison et de l'éducation, et a montré Newman comme une source pour aller au fond de ces thèmes. L'harmonie avec notre expérience est une grande provocation pour redécouvrir Newman comme une aide pour nous permettre de vivre plus pleinement le charisme de don Giussani en Angleterre ».
La sérénité joyeuse du pape et la certitude en Celui qu'il annonce nous ont profondément émus pendant ces quatre jours, et cela a été la même chose pour beaucoup de nos compatriotes qui ne connaissaient que les caricatures des médias. Oui vraiment «Le cœur parle au cœur ».