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Union sacrée autour des valeurs non négociables

Quatre intellectuels italiens proches du PD (gauche) réclament à leur parti de mettre au centre de leur politique l'"urgence anthropologique" représentée par les principes non négociables de Benoît XVI. Article sur le blog personnel de Sandro Magister, Settimo Cielo (18/10/2011).



Sur son blog personnel, Settimo Cielo, souvent très original et bien informé, Sandro Magister reproduit le "manifeste" (originellemnt prévu pour Il Corriere, qui s'est défilé, il a finalement été publié par L'Avvenire) de quatre intellectuels marxisants, qui appellent à une union sacrée... avec l'Eglise, sur les valeurs non négociables, invoquant une "urgence anthropologique"!

Certes, il peut y avoir là-dedans de l'opportunisme électoraliste, et le CV des signataires m'inspire une sympathie mitigée. Il y a aussi le contexte particulier de la vie potitique italienne, et la place qu'y occupe encore l'Eglise. Il n'empêche: l'appel soulève des vraies questions, pour le moment impensables chez nous, surtout quand le débat politique est entièrement monopolisée par une gauche à 100% anti-vie.
Nous avons bien eu une gauche "souverainiste", pourquoi n'aurions-nous pas une gauche "pour la vie"? Sans complexe, je lance le défi, même si je n'y crois pas trop.
Quoi qu'il en soit, l'existence même du manifeste témoigne du succès de Benoît XVI dans sa démarche de rapprochement avec les hommes de bonne volonté de tous bords.

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Pour comprendre l'article:
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1. Lundi 17 octobre se tenait à Todi, en Ombrie, le Forum des Associations catholiques, présidé par le cardinal Bagnasco. Le titre choisi était: «La buona politica per il bene comune: i cattolici protagonisti della politica italiana».

2. Pour faire court, le PD est l'équivalent italien de "notre" parti socialiste

De Marx à Benoît XVI, le manifeste qui fait trembler le PD, et pas seulement.
Source (ma traduction)
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«La manipulation de la vie, issue des développements technologiques et la violence inhérente au processus de mondialisation en l'absence d'un nouvel ordre international, nous place devant un désastre anthropologique sans précédent. Elle nous semble la manifestation la plus grave et en même temps la racine la plus profonde de la crise de la démocratie ».

Tel est l'introduction fulgurante d'un document de politique signée par quatre chercheurs et intellectuels de formation marxiste et dans le milieu du Parti démocratique, rendu public le 16 Octobre à la veille de la rencontre des sociétés catholiques à Todi.

Un document avec un exorde de ce type - et un développement en parfaite cohérence avec lui, intégralement reproduit ci-dessous - aurait aujourd'hui difficilement pu être produit - et souscrit - avec élan par les associations catholiques réunies dans la ville ombrienne (cf. plus haut). Il y a là une adhésion explicite aux thèses de Benoît XVI et du cardinal Angelo Bagnasco qui dans le milieu catholique ne jouissent pas vraiment d'une exégèse favorable, ni d'une application pratique subséquente convaincue.

Que les «principes non négociables», par exemple, soient le fondement d'une bonne politique qui couvre tous les autres aspects de la société, dans la mesure où ils tracent les lignes du concept même d'homme, ce n'est pas une thèse pacifiquement partagée par tous les catholiques réunis à Todi. C'est en revanche ce que soutiennent les quatre auteurs du document.

Ce sont Giuseppe Vacca, Pietro Barcelona, Mario Tronti et Paolo Sorbi. Seul le dernier, un sociologue, est catholique. Vacca, historien et politologue, est président de l'Institut Gramsci depuis de nombreuses années et il est l'un des intellectuels les plus influents actifs dans le Parti démocrate. Barcelona est philosophe, lui aussi proche du PD, il s'est orienté depuis quelques années dans une nouvelle réflexion sur l'homme avec une grande attention à la position de l'Eglise. Tronti, fondateur des «Cahiers rouges» est le théoricien de l'opéraïsme et de l'autonomie du politique, actuellement président du Centre de Réforme de l'Etat, d'inspiration ingraienne (ndt: du nom de l'homme politique italien communiste Pietro Ingrao, né en 1915, et qui à 96 ans a écrit un livre en réponse à Stéphane Hessel "Indignarsi non basta"), s'est récemment consacrée à la critique de la démocratie.

Leur rapport est un appel au PD et à la gauche en général.

Sa sortie, prévue dans le "Corriere della Sera", a inopinément été annulée, et a finalement eu lieu le dimanche 16 Octobre dans le journal de la Conférence des évêques italiens "l'Avvenire", qui lui a donné beaucoup de relief, avec un rappel sur la première page.

Voici le texte intégral du document.

Urgence anthropologique: pour une nouvelle alliance
Pietro Barcellona, Paolo Sorbi, Mario Tronti, Giuseppe Vacca
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La manipulation de la vie, issue des développements technologiques et la violence inhérente au processus de mondialisation en l'absence d'un nouvel ordre international, nous place devant un désastre anthropologique sans précédent. Elle nous semble la manifestation la plus grave et en même temps la racine la plus profonde de la crise de la démocratie. Germent ainsi des défis qui exigent une nouvelle alliance entre hommes et femmes, croyants et non croyants, religions et politique. C'est pourquoi nous croyons dignes d'attention et dignes d'espoir les nouveautés qui s'annoncent dans notre pays dans les domaines civil et religieux.

Nous pensons que ces dernières années - une période de l'histoire qui a commencé avec la crise financière de 2007 et en Italie avec le crépuscule de la «Deuxième République» - tandis que l'Eglise italienne s'employait de plus en plus à redéfinir sa fonction nationale, un parti comme le Parti Démocrate en est venu à définir sa pysionomie originelle en se définissant comme le «parti des croyants et des non croyants». Il s'agit de nouveautés significatives élargissant l'éventail des forces qui, en travaillant de manière responsable, peuvent aider à envisager des solutions efficaces à la crise actuelle.

Le terrain commun est la définition de la nouvelle laïcité, qui dans les mots du secrétaire général du Parti Démocrate (PD), est mue par la reconnaissance publique de l'importance des croyances religieuses, et dans le Magistère de l'Église, par une vision positive de la modernité, basée sur l'alliance de la foi et la raison.

Dans son livre-interviewe «Pour une bonne raison», Pier Luigi Bersani (ndt: homme politique italien dit de centre-gauche, ex-ministre, ex-président de la région Emilie-Romagne), affirme que «la confrontation avec la doctrine sociale de l'Eglise» est une caractéristique de l'inspiration réformiste du Parti Démocrate, et que la présence en Italie de «la plus haute autorité spirituelle catholique» peut aider à surmonter le bipolarisme éthique qui, dans des étapes cruciales de la vie du pays, a conditionné négativement la politique démocratique. Réitérant, enfin, la «responsabilité individuelle de la politique», Bersani exprime une option décicive pour une vision qui «refusant de renoncer à des convictions éthiques et religieuses exigeantes, confie à la responsabilité des laïcs la médiation des choix concrets des décisions politiques».

Quant à l'Eglise catholique il y a deux points dans le rapport du cardinal Bagnasco à la réunion du Conseil permanent des évêques du 26 au 29 Septembre 2011 qui méritent une attention particulière.

Le premier concerne la critique de la «culture radicale»: elle s'adresse à ces positions qui, «partant d'une d'une conception individualiste», enferment «la personne dans le triste isolement de sa liberté absolue, détachéee de la vérité du bien et de toute relation sociale».

Le second est la proposition d'une nouvelle modalité de l'engagement commun des catholiques pour contrer ce qu'en une précédente occasion, il avait appelé «la catastrophe anthropologique»: «La possibilité d'un sujet culturel et social de débat avec la politique». Et sa justification historique n'est pas moins significative: « Ce qui donne une conscience aux catholiques d'aujourd'hui, ce n'est pas en premier lieu une appartenance extérieure, mais les valeurs de l'humanisme [qui] attirent aussi de plus en plus l'intérêt de ceux qui ne se sentent pas explicitement catholiques» . En d'autres termes, la «possibilité« de ce nouveau sujet origine de la vie sociale et culturelle des laïcs, dans lequel les catholiques sont «plus unis qu'on ne pourrait le penser» grâce à la boussole qui les guide: la construction d'un humanisme partagé.

La définition d'une nouvelle laïcité, et le fait de la part de l'Eglise d'assumer une responsabilité plus avertie envers le sort de l'Italie exigent un développement de l'initiative politique et culturelle vouée non seulement à discuter avec le monde catholique, mais aussi à rechercher de nouvelles formes de collaboration avec l'Eglise, dans l'intérêt du pays. À cette fin, apparaît dirimante (i.e. constitue un obstacle susceptible d'annuler) la confrontation avec deux thèmes clés du magistère de Benoît XVI qui dans l'interprétation dominante ont généré une confusion et une distorsion existant encore dans le discours public: le rejet du «relativisme moral» et le concept de «valeurs non négociables».

Pour ceux qui consacrent l'attention nécessaire à la pensée de Benoît XVI, il ne devrait y avoir aucun malentendu à ce sujet. La condamnation du «relativisme éthique» ne renverse pas le pluralisme culturel, il ne concerne que les visions nihilistes de la modernité qui, bien que pratiquées par des minorités non négligeables d'intellectuels, ne se retrouvent à la base de l'agir démocratique dans aucun type de communauté: local, national et supranational . En revanche, le «relativisme éthique» imprègne, profondément les processus de sécularisation, dans la mesure où ils sont dominés par la marchandisation. Mais on ne peut manquer de voir combien la lutte contre cette dérive de la modernité constitue la hantise fondamentale de la politique démocratique, quelle que soit la façon dont on en décline les principes, croyants ou non-croyants.

D'autre part, il devrait y avoir aucun équivoque non plus sur le concept de «valeurs non négociables» si on le considére dans sa formulation précise. Un concept qui ne discrimine pas les croyants et les non croyants, et rappelle la responsabilité de la cohérence entre les comportements et les principes idéaux qui les inspirent. Un concept qui se rapporte justement à la sphère des valeurs, c'est-à-dire des critères qui devraient guider l'agir personnel et collectif, mais sans nier l'autonomie de la médiation politique. On ne peut donc attribuer à ce concept la responsabilité de décisions dans lesquelles, parce que la médiation laïque a failli, ou pour des raisons d'opportunisme sans noblesse, la liberté et la dignité de la personne humaine dès sa conception se trouvent offensées.

Quoi qu'il en soit, si dans l'approche des nouveaux défis de la bio-politique, il y a eu et il y a encore des malentendus et des chutes de ce genre, non seulement dans les choix opportunistes du centre-droit, mais aussi dans le déterminisme scientiste du centre-gauche, la réaffirmation de la valeur de la médiation laïque qui semble inspirer «la possibilité d'un sujet culturel et social de dialogue avec la politique» éclaircit le terrain de la confrontation entre croyants et non croyants. Ainsi, il dépendra de l'initiative culturelle et politique des forces en présence, que cette «possibilité» acquière ou non un signe progressif dans l'histoire italienne.

À cette fin, nous pensons que le PD doit promouvoir un débat public avec l'Eglise catholique et les autres confessions religieuses opérant en Italie au-delà des questions dites «éthiquement sensibles», sur cellesqui touchent de plus près aux risques actuels de la nation italienne : la tenue de son unité, la «substance éthique» du régime démocratique.

L'histoire de l'Italie unifiée démontre que la fonction nationale accomplie ou manquée par le catholicisme politique a été et sera décisive pour l'avenir

La démocratie et les principes non négociables. Assise: pélerinage plus que prière ensemble