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Assise: un moindre mal?

Mais quoi qu'il en soit, en aucun cas la démarche d'un pape réduit au silence ou pris en otage par on ne sait quel lobby (Abbé de Taouärn). Faisons lui confiance (25/10/2011)

Rappel:
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Un congrès s'était tenu à Rome, le 1er octobre dernier, pour préparer la rencontre d'après-demain. Un passage d'une lettre personnelle de Benoît XVI à un ami luthérien avait été rendu public (une "fuite" calculée?), et Carlota l'avait traduite (cf. Pélerins de la vérité vers Assise).

Cette lettre (je ne sais pas si c'est la version reproduite sur mon site, mais c'est fort possible) a beaucoup circulé dans ce qu'il est convenu d'appeler la blogosphère catholique. Et j'avoue avoir été surprise de lire dans un blog "ami":

Une correspondance privée hallucinante circule actuellement sur le net. Il s’agit d’un échange épistolaire entre Benoît XVI et le pasteur luthérien Peter Beyerhaus qui lui exprime ses réserves sur la réunion inter-religieuse d’Assise prévue le 27 octobre de cette année. Benoît XVI lui répond en reconnaissant tout simplement qu’il n’est pas à l’initiative de la réunion d’Assise, qu’il suit par conséquent un mouvement initié par on ne sait qui et qu’il espère pouvoir en infléchir le sens dans une interprétation non syncrétique.

On savait l’Eglise devenue largement ingouvernable, on savait que certaines congrégations à Rome s’arrogent des compétences qu’elles n’ont pas, s’affranchissant de l’autorité du pape, on savait que la Secrétairerie d’Etat décidait parfois d’oublier de transmettre certaines directives du pape, mais on n’imaginait pas que pour un événement de cette envergure le pape lui-même subissait des décisions qui lui était imposées ( par qui ?).

Voici la confidence que Benoît XVI fait au pasteur luthérien Peter Beyerhaus, son ami et ancien collègue à Tübingen :

« Je comprends très bien votre préoccupation concernant ma participation à la rencontre d’Assise. Mais cette commémoration doit être célébrée de toute façon et, après tout, il m’a semblé que le mieux était d’y aller personnellement pour pouvoir essayer de cette manière d’en déterminer le sens. Cependant je ferai tout pour que soit impossible une interprétation syncrétique de l’événement et pour qu’il reste assuré que toujours je croirai et confesserai ce que j’avais rappelé à l’attention de l’Eglise dans la déclaration Dominus Jesus. »

Personnellement j’en tombe des nues. Est-ce l’aveu qu’une sorte de lobby occulte au sein de l’Eglise impose son agenda au pape, qu’il en est l’otage ?

Je n'ai vraiment pas lu la "confidence" du pape selon la même clé de lecture que mon ami virtuel, et surtout, je n'avais absolument pas pensé en la publiant que le Saint-Père s'était vu dicter sa conduite par qui que ce soit. Tout au plus me suis-je dit que sa principale préoccupation est toujours que "la tunique sans couture du Christ ne se déchire pas davantage" (discours au évêques français à Lourdes en septembre 2008) et dès lors qu'une frange du catholicisme "libéral" souhaitait commémorer le geste de Jean Paul II, il a pensé plus "sûr" de s'en porter garant en prenant tout sous sa grande aile.

A ce propos, l'Abbé de Taouärn utilise un mot savant, pour répondre à un "zoïle" (du nom d'un grammairien qui avait critiqué Homère à travers calomnies et sacrilèges ) qui l'a attaqué personnellement à cause de son attitude jugée "ultra-ratzingérienne" à propos d'Assise (j'ignore de qui il s'agit, et mon but ici n'est absolument pas d'engager une polémique).

Je me permets de citer un long passage de son billet, qui résume ma pensée bien mieux que je n'aurais pu le faire ...
(Texte en entier ici).

(...) Si je l'ai bien décrypté... notre zoïle, tout au long de son texte, tend à affirmer la chose suivante : Benoît XVI est "obligé" d'aller à Assise pour les 25 ans d'Assise I. Il y va à reculons. Et nous, en soutenant cette démarche que foncièrement il ne veut pas faire, nous lui plantons un poignard dans le dos.
(...)

Je le dis tout net : cette position sur le pape condamné au silence et que l'on fait parler est non seulement dénuée de fondement mais nuisible. Entre faire parler le pape et se prendre pour lui... il n'y a malheureusement souvent qu'un pas comme une actualité pas si ancienne peut nous en donner des exemples. Il me semble que nous sommes revenus, avec de tels raisonnements sur des "actes du pape qui seraient plutôt subi que voulus", à la grande époque où certains traditionalistes, trouvant aux yeux de Paul VI des reflets changeants, avaient imaginé d'abord qu'il était interdit de parole, puis qu'il était prisonnier au Vatican (est-il mort ?) et enfin remplacé par un sosie. Quand on commence à penser que le pape, Vicaire de Jésus Christ, ne dit pas ce qu'il devrait dire parce qu'il en est empêché, comment le respecter comme pape ? Comment ne pas le rendre pour l'ombre de lui-même ? Un sosie ou un ersatz ?

Nous ne pouvons pas admettre la thèse complotiste du pape réduit au silence et dont quelque happy few sur un blog exprimerait "les justes explications".

Mais il faut en venir au fond de l'affaire : l'auteur ... utilise jusqu'à la gauche un courrier privé du pape à l'un de ses amis pasteur luthérien. C'est au nom de ce texte que le zoïle s'estime, lui, plus libre que le pape. Ce texte, je l'ai cité déjà ailleurs, mais je vous le redonne ici :

[Ici, le texte cité plus haut]

Ce texte donne-t-il l'impression d'un pape dont "les actes sont plutôt subis que voulus".
Réponse : non. Au contraire : "Je ferai tout... " dit le pape qui juge en son âme et conscience et fait partager ce jugement à son ami luthérien : "Il me semblait que le mieux était d'y aller personnellement..."

Nous sommes typiquement, d'après cette lettre privée dont il ne faut pas majorer l'importance non plus, dans la perspective du moindre mal que les gouvernants connaissent bien. Je ne résiste pas à vous donner, en latin, l'avis sur ce point de saint Thomas lui-même : "Cum autem inter duo, ex quorum utroque periculum imminet, eligere oportet, illud potissimum eligendum est ex quo sequitur minus malum". Lorsqu'il faut choisir entre deux situations, alors que de l'une et de l'autre on attend du danger, ce qu'il faut choisir de préférence c'est la situation d'où suit un moindre mal" (De Regno éd. Marietti c. 6 in init.)

Choisir la solution qui implique un moindre mal, ce n'est pas faire preuve de faiblesse, ce n'est pas se laisser "contraindre", ce n'est pas "subir", bien au contraire ! C'est faire acte de gouvernant sage et prudent.

Mais continuons avec saint Thomas et sa magistrale précision de langage pour comprendre Benoît XVI et son modus operandi. Saint Thomas ne dit pas qu'il est licite de choisir le moindre mal. Cela n'est jamais licite. Il ne faut jamais choisir un mal pour qu'arrive un bien. Dans les périodes troubles, on sait combien d'atrocités ont été justifiées par là.
Le pape, prenant à son compte Assise III, ne se résout pas à faire le mal... Il connaît trop bien sa théologie morale pour cela. Il prend Assise dans les eaux théologiquement troubles du dialogue interreligieux et il change l'eau du bain, puisqu'il en charge le cardinal Turkson, responsable du Dicastère sur la paix dans le monde. Nous ne sommes pas là dans je ne sais quelle figure glauque d'un pape empêché, empêtré ou lâche. Nous sommes dans une transposition de l'événement qui permet à Benoît XVI de "déterminer la direction de tout" pour reprendre le texte même sur lequel se fonde notre zoïle. Et ce n'est pas être un "ratzingerien de gauche", ce n'est pas doubler le pape sur sa gauche que de souligner son extraordinaire travail théologique. Comme le voleur chinois, petit à petit, le matin venu, le pape a emporté le morceau "Assise"... à la droite du Père, en l'immunisant contre tout "syncrétisme".

Au lieu de mettre le pape en discorde avec lui-même, en lui prêtant des attitudes qui ne sont pas les siennes et une lâcheté qui ne lui appartient pas, je crois que les théologiens doivent travailler dans le même sens que lui et montrer à quelles conditions, sans aucun syncrétisme, le dialogue interreligieux, débarrassé de sa gangue pseudo-doctrinale issue du Concile, apparaît non seulement comme possible, mais comme souhaitable. Il ne s'agit pas de répéter l'optimisme béat de Nostra aetate sur "ce qui nous unit" qui serait "plus important" que "ce qui nous divise". Ce discours au sucre n'intéresse plus personne, qu'un quarteron de plus en plus réduit de nostalgiques de Vatican II.

Mais, dans la mondialisation morale et mentale que nous vivons bon gré mal gré, nous ne pouvons pas faire comme si les autres religions n'existaient pas ou comme si, en tant que catholiques, nous n'avions rien à leur dire. Il faut donc un discours. "Vatican II a ouvert des pistes" disait joliment Benoît XVI dans son dialogue avec Paolo d'Araïs. Le grand mérite du Concile est d'avoir ouvert les dossiers : de nous montrer le travail à fournir. Mais ce travail, il reste à faire...
(...)

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