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Le Saint-Siège pour un "gouvernement mondial"?

Le document du Conseil pontifical pour la justice et la paix publié le 24 octobre dernier contredit l'Encyclique "Caritas in Veritate", affirme un économiste italien cité par Sandro Magister (30/10/2011)

Voir aussi:
Le Pape, aumônier des "Occupy Wall Street"?
Le Pape peut-il sauver le monde...

Décidément, le document du Conseil pontifical pour la justice et de paix publié le 24 octobre dernier (ici en italien, pas encore traduit en français, à ma connaissance), n'a pas été unanimement apprécié.
Dans l'article où je traduisais la réaction de George Weigel (cf. Le Pape, aumônier des "Occupy Wall Street"?), je citais le titre de Sandro Magister, sur son site multilingue www.chiesa:

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"Occuper Wall Street". Le Vatican sur les barricades
À la veille du G20, le Saint-Siège appelle de ses vœux une autorité politique universelle qui gouvernerait l'économie. Pour commencer, il demande l'introduction d'une taxe sur les transactions financières.
* * *

Mea Culpa, nobody's perfect, je n'avais pas perçu qu'il s'agissait d'humour.... voire de persiflage.
Sandro Magister nous l'explique lui-même sur son blog personnel Settimo Cielo.
Pour situer son commentaire, il convient de dire que Sandro Magister n'aime pas le Cardinal Bertone (c'est donc lui qui est visé ici, et pas le Conseil Justice et paix, cible de Weigel). On pourrait parler d'intrigues vaticanes. Mais s'agissant d'un journaliste de son envergure et de son influence, on pourrait aussi dire qu'il mène un combat à armes égales avec un prélat dont on a l'impression qu'il aimerait bien se payer la tête (dont je retiens, contre lui, que le Saint-Père lui garde sa confiance et son amitié, comme il les lui a déjà souvent témoignées).

Je traduis ce texte (même si mes compétences sont modestes dans le domaine de l'économie) pour offrir des arguments - peut-être inédits en France - à un éventuel débat. Mais surtout parce que voir le Saint-Père associé à une défense d'un gouvernement mondial (hypothèse qui lui vaut déjà les foudres de certains) me semble être une caricature de sa pensée et un facteur supplémentaire de division entre catholiques.
L'économiste italien balaie cette hypothèse, en reprenant les termes mêmes de Caritas in Veritate.

Ce que dit S. Magister


Le professeur Forte rejette le texte
(ndt: le mot utilisé est "temino", je ne le trouve nulle part tel quel, et je traduis dans le contexte de façon neutre... à moins qu'il ne s'agisse d'un "petit" thème ainsi que l'indiquerait le suffixe diminutif "ino") estampillé Bertone
Sandro Magister, 26 octobre 2011
magister.blogautore.espresso.repubblica.it...
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Le document du 24 Octobre du Conseil pontifical pour la justice et la paix « pour une autorité publique à compétence universelle» dans le domaine financier, a heureusement glissé sans trop de bruit.

Sur www.chiesa, il a été liquidé avec un raprochement ironique, dès le titre, avec les indignés de «Occupy Wall Street».

D'autres ont souligné que parmi les causes de la crise économique mondiale le document ne mentionne même pas la chute de la natalité. Curieuse omission dans un texte de matrice "bertonienne" (Mgr Mario Toso, secrétaire du bureau du Vatican dont il émane, est un salésien proche du cardinal Tarcisio Bertone), après qu'un autre "Bertonien" comme l'économiste Ettore Gotti Tedeschi (fermement voulu à la présidence de l'IOR par le cardinal secrétaire d'Etat) rebatte depuis longtemps et sans relâche la thèse selon laquelle la crise provient de l'effondrement démographique des pays riches (ndt: cf. La dénatalité à la bases de la crise économique, benoit-et-moi.fr/2010-II/).

D'autres encore ont souligné la contradiction entre l'autorité d'un gouvernement universel prônée par le document, et au contraire la «gouvernance» fondée sur les principes de subsidiarité et de polyarchie invoquée par l'encyclique de Benoît XVI « Caritas in Veritate» (cf. Le Pape peut-il sauver le monde, Caritas in Veritate, §67).

Cette contradiction - ainsi que la dérive anti-libérale du document - n'a pas échappé à un économiste de premier plan, le Professeur Francesco Forte, qui occupe à l'Université de Turin la chaire qui fut celle de Luigi Einaudi (ndt: 1874-1961, universitaire, économiste, journaliste et homme politique italien. Titulaire de la chaire de science financière à l'université de Turin, principal représentant de l'École libérale italienne puis gouverneur de la Banque d'Italie entre 1945 et 1948, il fut par la suite élu président de la République de 1948 à 1955)..

Voici ce qu'il a écrit sur «Il Foglio» du mercredi 26 Octobre.

Les censures vaticanes du libéralisme contredisent aussi "Caritas in veritate"
Francesco Forte
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Le document publié il y a deux jours par le Conseil pontifical pour la justice et la paix me semble inacceptable, du point de vue de la pensée libérale à orientation sociale, telle qu'elle émerge au contraire sur ces questions, dans l'encyclique «Caritas in Veritate», un texte profond et complexe sur lequel je suis encore à réfléchir.

Dans l'encyclique, pour la «gouvernance» (et non pas le «gouvernement») de la mondialisation, le principe directeur est la subsidiarité, comme «aide personnelle à travers l'autonomie des corps intermédiaires». Et une telle aide «favorise la liberté et la participation en tant que responsabilisation». (ndt: §57)

Donc pas un gouvernement mondial, à travers une autorité publique de compétence universelle, autrement dit un Léviathan (ndt: au sens de monstre) technocratique à qui incomberaient la fiscalité, le gouvernement des monnaies et des banques et la participation à leur capital, devenant une sorte d'IRI bancaire mondial (ndt: Istituto per la Ricostruzione Industriale, établissement public italien créé en 1933 par la volonté du gouvernement fasciste pour sauver de la faillite les principales banques italiennes).
Le mot «liberté» n'est utilisé qu'une seule fois dans le document de la Commission pontificale, le terme «famille» uniquement dans le sens collectif de la «famille humaine». Il y a une odeur de néo marxisme dans la polémique contre le libéralisme réduit à un pantin, comme si la liberté économique (encore partielle) n'avait pas fait sortir des milliards de personnes du tiers monde de la pauvreté comme de la famine, alors que des milliards de dollars d'aide ont échoué. Mais Luigi Einaudi lui-même était très critique du libéralisme sans règles, qui conduit au monopole, avec la complaisance des gouvernements.

Dans «Caritas in veritate», le gouvernement mondial d'une méga-autorité publique est exclu:
«Pour ne pas engendrer un dangereux pouvoir universel de type monocratique, la « gouvernance » de la mondialisation doit être de nature subsidiaire, articulée à de multiples niveaux et sur divers plans qui collaborent entre eux. La mondialisation réclame certainement une autorité, puisque est en jeu le problème du bien commun qu’il faut poursuivre ensemble; cependant cette autorité devra être exercée de manière subsidiaire et polyarchique pour, d’une part, ne pas porter atteinte à la liberté et, d’autre part, être concrètement efficace» (§57).

Le mot «gouvernement» du texte italien de l'encyclique se prête à une lecture ambiguë, qui disparaît dans l'original latin, qui utilise le terme «moderari», ou «régulation». Et en effet, dans le texte anglais il y a «governance», qui ne saisit pas complètement la notion de «moderari». Cela nous amène au néo-libéralisme, autrement dit le libéralisme des règles, c'est-à-dire à l'économie de marché de concurrence, avec des règles du jeu qui garantissent les droits de propriété et de contrats, la stabilité monétaire et la protection de l'épargne et du libre échange, et empêchent les abus de monopole.

C'est aussi la théorie de l'ordo-libéralisme et de l'école du «Public choice» avec des règles constitutionnelles. Nous avons besoin de règles internationales sur les banques et les autres intermédiaires financiers, afin d'empêcher qu'ils n'abusent du pouvoir monétaire, les dotant de normes comptables appropriées, et de transparence. Pour les monnaies principales, émises par les banques centrales des grandes zones, une coordination est nécessaire en vue d'établir non pas un monopole de la monnaie - dans ce domaine, la concurrence est importante - mais une «gouvernance» des équilibres monétaires en collaboration avec le Fonds monétaire international, selon le principe du «moderare» sur plusieurs niveaux.

Ceci avec la modestie qui sied à nous, êtres imparfaits, à la rationalité limitée, qui n'avons pas, nous, une idéologie superbe a priori (ndt: en français, on pourrait dire "la science infuse") - qu'elle soit libérale ou dirigiste, ou hypersolidariste - mais qui pensons, sur la base du raisonnement analytique, des modèles mathématiques et de l'observation statistique, économétrique et historique que le marché est le meilleur des systèmes, s'il est corrigé par des règles, pour éviter les abus des concentrations de pouvoirs bancaires «too big to fail», c'est-à-dire trop gros pour faire faillite. Mais la faillite, comme sanction du marché, contrairement à l'avis du récent document pontifical, est essentiel aussi pour les «too big to fail» qui se trompent.

Sur le concept de visage du Christ Une interviewe du card. Ratzinger à TSR, en 1988