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L'espérance vient de l'Afrique

Massimo Introvigne a fait une synthèse (magistrale) des discours du Saint-Père au Bénin (23/11/2011)

Comme cela a été dit (par exemple ici: Bénin: fin du voyage ), les médias ont massivement ignoré le voyage du Pape au Bénin.
GM Vian (Bénin: l'édito de Giovanni Maria Vian), le directeur de l'OR a cru identifier comme raison majeure l'absence de polémiques sur les préservatifs et les affaires de pédophilie. Peut-être. Ou peut-être est-ce aussi une manière de le punir, pour ne pas accepter les diktats qu'ils prétendent lui imposer sur les sujets que l'on sait.
Peut importe la raison: le résultat est qu'il a dit des choses très importantes, sur l'Afrique mais aussi sur nous, et que presque personne ne les aura entendues, sauf les happy few qui vont chercher l'information ailleurs que dans la grosse presse. On a juste entendu dire que le Pape, en raison de son très grand âge, a juste fait une très brève "tournée" en Afrique (mais quel dirigeant en fait autant?), où on lui a présenté des villages "Potemkine". Pas un mot sur la chaleur étouffante qu'il a supporté, la tendresse avec les enfants, la sollicitude du père qui a pris avec force la défense de ses enfants devant les autorités du continent, la clairvoyance de l'intellectuel qui n'a pas craint de mettre le doigt sur les plaies de l'Afrique, mais aussi su lui insuffler l'énergie et l'espérance pour aller de l'avant.
Et l'on pourra continuer à lire sur les forums de discussion que l'Eglise ignore les pauvres, ignore l'Afrique, ignore les malades du sida, voire est responsable de la maladie.

Massimo Introvigne s'est livré avec brio au difficile exercice de rassembler tous les discours, c'est -à-dire des fragments éparpillés (en réalité avec une profonde unité), d'en trouver le fil (ou les fils) conducteur(s) et d'en faire une synthèse.
Le mieux, c'est de lire l'article, en cherchant à chaque fois la source dans les discours du Pape: www.vatican.va/...benin_fr.htm

Article ici: http://www.labussolaquotidiana.it
Ma traduction (j'ai rajouté les sous-titres).

BÉNIN, L'ESPÉRANCE VIENT DE L'AFRIQUE
Massimo Introvigne
21/11/2011
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Du 18 au 20 Novembre 2011, Benoît XVI a visité la République du Bénin - le pays africain connu jusqu'en 1975 comme la République du Dahomey - pour un voyage apostolique qui a eu pour premier but, comme l'a dit le Pape à son arrivée, de «délivrer à la terre africaine l'Exhortation apostolique post-synodale Africae munus », datée du 19 Novembre 2011, et consécutive à la IIe Assemblée Spéciale pour l'Afrique du Synode des évêques, réunie à Rome du 4 au 25 Octobre 2009.
Dans le voyage au Bénin, Benoît XVI a affirmé vouloir souligner trois aspects en particulier.

Le premier, dans l'esprit de cette même exhortation Africae munus, est relatif à ce que, dans un discours prononcé au Palais présidentiel à Cotonou le 19 Novembre, le Pape a appelé «la vie sociopolitique et économique du Continent», dont il a proposé un bilan à la lumière de la doctrine sociale de l'Église.
Le deuxième aspect se réfère non pas à la vie politique, mais à la vie religieuse de l'Afrique, et en particulier « au dialogue interreligieux».
Le troisième, à la notion de l'Afrique comme continent de l'espérance, dans le souvenir ému de cet homme de l'espérance que fut le cardinal du Bénin, Bernardin Gantin (1922-2008), prédécesseur du cardinal Joseph Ratzinger en tant que doyen du Sacré Collège des Cardinaux, et grand ami du Pontife, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises au cours du voyage.

I. Vie socio politique et économique
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Au premier point - la situation sociopolitique et socio-économique - est également consacrée en grande partie l'exhortation Africae Munus. Ce document, a expliqué le Pape, doit être lu en continuité à la fois avec l'Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa, du Bienheureux Jean-Paul II (1920-2005), du 14 Septembre 1995 - consécutive à la Première Assemblée Spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques, en 1994, et dont Benoît XVI a voulu souligner l'insistance particulière sur la centralité de la famille et de l'Église comme famille de Dieu - et aussi avec l'Instrumentum laboris de la IIe Assemblée spéciale pour l'Afrique du Synode des Évêques, épais document que le Pape est allé présenter au Cameroun et en Angola dans son voyage du 17 au 23 Mars 2009 et qui, bien que presque ignoré par les médias européens, constitue une authentique encyclopédie des problèmes de l'Afrique et a été reçue avec un grand intérêt dans le continent auquel il se rapporte.

L'exhortation Africae munus - le Pape l'a rappelé à plusieurs reprises au Bénin - s'articule autour de trois mots clés: réconciliation, justice et paix. Les trois concepts sont liés. «La paix des hommes obtenue sans la justice est illusoire et éphémère. La justice des hommes qui ne trouve pas sa source dans la réconciliation à travers la vérité dans la charité (cf. Ep 4,15) reste inachevée; ce n'est pas une justice authentique». Et «une charité qui ne respecte pas la justice et le droit de tous est erronée».
L'Afrique, dit le document, « vit un choc culturel qui menace les fondements millénaires de la vie sociale et rend parfois difficile la rencontre avec la modernité», une authentique «crise anthropologique».

1. La réconciliation, « réalité pré-politique», répond à cette crise, s'opposant - cela a été un thème central de l'Instrumentum laboris de 2009 - à la corruption et aux crimes de matrice tribale, dans lesquels de nombreux gouvernements africains sont impliqués.
Mais elle ne doit pas être confondue avec le "buonisme". «Pour devenir effective, cette réconciliation doit être accompagné par un acte courageux et honnête: la recherche des responsables de ces conflits, de ceux qui ont financé les crimes et qui se consacrent à toutes sortes de trafics, et l'évaluation de leurs responsabilités. Les victimes ont le droit à la vérité et à la justice».
Aux catholiques, l'Église offre ensuite le sacrement de la Réconciliation, si important - et exposé à des risques, en Afrique, dès lors que certaines communautés pratiquent des «rites traditionnels de réconciliation» qui, bien que pas toujours à rejeter «ne peuvent sous aucun prétexte, remplacer le sacrement - que Benoît XVI suggère aux Eglises africaines d'établir une Année spéciale de la réconciliation pour relancer partout la pratique régulière de ce sacrement.

2. Quant à la justice, certes «la construction d'un ordre social juste, revient sans aucun doute à la sphère politique», et «la mission de l'Eglise n'est pas d'ordre politique», de même qu'aux prêtres, le Pape recommande de ne pas «céder à la tentation de vous transformer en guides politiques ou en travailleurs sociaux. Ce serait trahir votre mission sacerdotale». Mais «l'une des tâches de l'Eglise en Afrique consiste à former des consciences droites et réceptives aux besoins de la justice, afin que mûrissent des hommes et des femmes diligents et en mesure de réaliser cet ordre social juste», que l'Eglise indique «selon sa doctrine sociale», et selon la loi naturelle, rappelant le lien constitutif entre justice et vérité. La fête du Christ Roi est tombée pendant le voyage au Bénin, et - comme il l'avait fait lors de la dernière audience le mercredi 16 Novembre - dans l'homélie dominicale à Cotonou, le Pape a rappelé que la royauté du Christ s'étend «sur l'ensemble de la terre», à la société et à l'histoire. «Son royaume peut être menacé dans nos cœurs. Là, Dieu rencontre notre liberté. Nous - et nous seuls - nous pouvons l'empêcher de régner sur nous et, par conséquent, rendre difficile sa seigneurie sur la famille, la société et l'histoire », rejetant la vérité.

Ce rappel à la vérité doit nécessairement impliquer, répète l'Exhortation apostolique, ce que la doctrine sociale naturelle et chrétienne enseigne au sujet de la famille. «En raison de son importance capitale et des menaces qui pèsent sur cette institution - la distorsion de la notion de mariage ainsi que de famille, la dévaluation de la maternité et la banalisation de l'avortement, la facilitation du divorce et le relativisme d'une 'nouvelle éthique'-, la famille a besoin d'être protégés et défendue». En Afrique, ceci implique de «lutter contre certaines pratiques traditionnelles qui sont contraires à l'Evangile et qui oppriment surtout les femmes», et le Synode s'est exprimé contre la polygamie, l'excision, les mariages forcés. De même, face à des «aspects discutables de certains documents des organisations internationales», qui voudraient imposer aux Africains des loi pro-avortement, l'exhortation rappelle que «la position de l'Église ne souffre d'aucune ambiguïté envers l'avortement» et que, comme le fléau du SIDA, particulièrement répandu en Afrique, toute intervention ou toute pédagogie doit être fondée certes sur la compassion pour les victimes, mais aussi sur «une anthropologie ancrée dans le droit naturel et illuminée par la Parole de Dieu et l'enseignement de l'Eglise».

3. Enfin, en matière de paix, l'Église nous rappelle que «la paix authentique vient du Christ (cf. Jn 14,27). Elle n'est donc pas comparable à celle de ce monde. Ce n'est pas le résultat de négociations et d'accords diplomatiques basés sur des intérêts. Elle est la paix de l'humanité réconciliée avec elle-même en Dieu». Et la paix se construit autour de la loi naturelle: «Seule une vérité qui transcende la mesure humaine, conditionnée par des limites, pacifient les personnes et réconcilie les sociétés entre elles».
Au contraire, ne sont pas propices à la paix l'attitude de certains technocrates de l'économie internationale qui finissent d'ailleurs «avec la complicité de ceux qui exercent le pouvoir en Afrique», par établir «un ordre injuste qui, sous prétexte de réduire la pauvreté, a souvent contribué l'aggraver», et une étouffante «pensée unique sur la vie, la culture, la politique, l'économie».

Contre cette pensée unique, l'Eglise offre ses écoles et ses universités catholiques, de diffusion croissante en Afrique, mais dont le Pape demande qu'elle «conserve leur caractère catholique, assumant toujours des orientations fidèles au Magistère de l'Église» - en fait, il est également «indispensable de proposer aux étudiants une formation à la doctrine sociale de l'Église» - tout comme il est nécessaire que «les institutions sanitaires catholiques soient administrés en conformité avec les règles éthiques de l'Eglise, offrant des services en conformité avec son enseignement et exclusivement en faveur de la vie», et que la presse catholique soit vraiment catholique et n'héberge pas des thèses opposées au Magistère.

Dans les discours prononcés au Bénin, Benoît XVI a appliqué ces principes aux derniers développements de la vie politique africaine après la proclamation, le 9 Juillet 2011, de l'indépendance de la République du Sud-Soudan, un pays à majorité chrétienne qui s'est ainsi séparé du Soudan musulman, et après les dits printemps arabes. La lecture des événements politiques en Afrique, a dit le Pape dans le palais présidentiel à Cotonou, est souvent inspirée par des grilles réductrices, appliquant «le ton sentencieux du moralisateur ou de l'expert», l'analyse «à la manière d'un ethnologue curieux», ou, pire, n'envisagent l'Afrique que comme «une énorme réserve énergétique, minérale, agricole et humaine facilement exploitable pour des intérêts souvent peu nobles. Ces visions sont réductrices et irrespectueuses, elles conduisent à une chosification peu digne de l'Afrique et ses habitants».

Si au contraire on essaye d'échapper au réductionnisme , alors on se rend compte qu'en fait en Afrique «dans les derniers mois, beaucoup de peuples ont exprimé leur désir de liberté, leur besoin de sécurité matérielle, et leur volonté de vivre en harmonie», sur la base de simples requêtes de dignité économique, humaine et politique. Nous nous sommes trouvés confrontés à «une revendication légitime», même si elle est «parfois violente». «L'Eglise ne propose pas de solution technique et n'impose aucune solution politique», mais rappelle - sur la base de sa doctrine sociale - que nous ne devons pas attendre la réalisation de la liberté et de la justice comme issue automatique d'un certain type de régime, fût-il démocrate: «Aucun système politique n'est idéal», et, à l'arrivée à Cotonou, le Pape a exhorté à ne pas oublier «les chefs traditionnels» qui «par leur sagesse et leurs connaissances des coutumes» ne peuvent pas ne pas continuer à jouer un rôle en Afrique: ils peuvent contribuer très positivement à la bonne gouvernance», comme indiqué par l'exhortation Africae Munus .

II. Vie religieuse
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Le Pape ne s'est toutefois pas occupé seulement de la situation sociopolitique en Afrique , mais aussi religieuse. En Afrique, il a d'abord remarqué un phénomène qui est depuis longtemps à l'attention des sociologues: l'explosion de communautés chrétiennes pentecôtistes, de nouvelles formes de christianisme autochtone - ce qu'on nomme les AIC, sigle à la fois pour African Independent Churches et African Initiated Churches, et de mouvements syncrétistes qui rassemblent des éléments chrétiens et d'autres orientaux ou dérivées de la religiosité africaine traditionnelle.

1. Les nouvelles formes de christianisme

L'exhortation Africae munus cherche à distinguer entre ces trois catégories, bien consciente que les limites ne sont pas toujours faciles à tracer. Si des communautés AIC et pentecôtistes, le document affirme qu'elles ont désormais «fait leur apparition dans le paysage œcuménique» - même si elles présentent de nombreux aspects problématiques - des «mouvements syncrétiques et des sectes», l'exhortation fait une critique sévère, disant que «parfois, il est difficile de discerner si elles sont d'inspiration authentiquement chrétienne, ou bien simplement le résultat d'un engouement pour un leader qui prétend avoir des dons exceptionnels. Leurs dénominations et leur vocabulaire portent facilement à la confusion et trompent les fidèles de bonne foi. Profitant de structures étatiques en construction, de l'affaiblissement de la solidarité familiale traditionnelle et d'une catéchèse inadéquate, ces nombreuses sectes exploitent la crédulité et offrent une couverture religieuse à des croyances multiformes et hétérodoxes non-chrétiennes. Elles détruisent la paix des couples et des familles en raison de fausses prophéties et de visions. Elles séduisent même des responsables politiques».

Si lors de la rencontre avec les prêtres à Ouidah , le Pape a renouvelé la condamnation des «syncrétismes qui trompent», en conversant avec les journalistes dans l'avion le menant au Bénin, il a également cherché à discerner quelle leçon de la réussite de ce triple, immense phénomène africain - communautés pentecôtistes, AIC et mouvements syncrétique - pouvait tirer l'Eglise catholique. «Ces communautés - a dit Benoît XVI - sont un phénomène mondial, dans tous les continents, en particulier, elles sont très présentes sous différentes formes en Amérique latine et en Afrique. Je dirais que les traits caractéristiques sont peu d'institutionnalité, peu d'institutions, un poids léger d'instruction, un message facile, simple, compréhensible, apparemment concret, et puis [...] une liturgie participative avec l'expression de ses propres sentiments, de sa propre culture et aussi des combinaisons syncrétiques entre les religions. Tout cela assure d'un côté, le succès, mais implique aussi peu de stabilité».

Nous, les catholiques, «nous ne devons pas imiter ces communautés», mais par une réflexion sur leur succès, nous devons « nous demander ce que nous pouvons faire nous pour donner une nouvelle vitalité à la foi catholique. Et je dirais qu’un premier point est certainement un message simple, profond, compréhensible ; il est important que le christianisme n’apparaisse pas comme un système difficile, européen, que quelqu’un d’autre ne peut pas comprendre et réaliser, mais comme un message universel que Dieu existe, que Dieu nous concerne, que Dieu nous connaît et nous aime et que la religion concrète provoque collaboration et fraternité. Donc un message simple et concret est très important. Ensuite, il est toujours très important que l’institution ne soit pas trop lourde, que, disons, l’initiative de la communauté et de la personne soit dominante. Et je dirais aussi une liturgie participative, mais non sentimentale : elle ne doit pas être fondée seulement sur l’expression des sentiments, mais caractérisée par la présence du mystère dans laquelle nous entrons, par laquelle nous nous laissons façonner».

Deux autres présences importantes en Afrique sont celles des religions traditionnelles et de l'Islam.

2. Les religions traditionnelles
L'exhortation Africae munus rappelle que «l'Église vit tous les jours avec les disciples de religions traditionnelles africaines», lesquels ont une relation vivante avec les ancêtres et offrent «une forme de médiation entre l'homme et l'immanence». Le dialogue et l'étude de ces religions ne peuvent pas, cependant, ne pas avoir parmi leurs objectifs «l'identification des véritables points de rupture» par rapport au christianisme et la dénonciation des «éléments magiques, cause de rupture et de ruine pour les familles et les sociétés». Nous ne pouvons pas oublier non plus que «la sorcellerie [qui] connaît de nos jours une certaine recrudescence» «s'appuie sur les religions traditionnelles», est un tragique «fléau» et suscite «des craintes qui créent des liens de suggestion paralysants». Par conséquent, «le problème de la "double appartenance" au christianisme et aux religions traditionnelles africaines reste un défi».
Aux prêtres à Ouidah, le Pape a rappelé dans ce contexte, que l'amour pour Dieu «libère de l'occultisme et vainc les esprits maléfiques».

3. Quant à l'Islam, l'exhortation Africae munus note la présence de situations très différentes et «la complexité de la communauté musulmane dans le continent africain. Dans certains pays, il règne une bonne entente entre chrétiens et musulmans; dans d'autres, les chrétiens locaux n'ont qu'une citoyenneté de seconde classe et les catholiques étrangers, religieuses ou laïques, ont des problèmes d'obtention de visas ou permis de séjour; dans d'autres, les éléments religieux et politiques ne sont pas encore suffisamment distincts, et dans d'autres encore il existe de l'agressivité». De cette «agressivité», le Pape a parlé aux autorités politiques et religieuses dans le palais présidentiel à Cotonou, en réaffirmant qu'«aucune religion, aucune culture ne peut justifier l'appel ou le recours à la violence et à l'intolérance. L'agression est une forme relationnelle plutôt archaïque qui fait appel aux instincts faciles et peu nobles. Utiliser les mots de la révélation, l'Ecriture Sainte, ou le nom de Dieu pour justifier nos intérêts, nos politiques si facilement accommodantes, ou nos violences est une très grave erreur».

4. Face à tous ces problèmes, l'Église propose le dialogue interreligieux. Mais attention, a dit le Pape dans le même discours, «le dialogue interreligieux n'est pas facile» et «le dialogue interreligieux mal compris mène à la confusion ou au syncrétisme. Ce n'est pas cela, le dialogue que l'on cherche». Le fondement du dialogue interreligieux, a ajouté le Pape, est le récit biblique de la Tour de Babel. Grâce au dialogue, «l'Église tente donc de remédier à la confusion des langues et à la dispersion des cœurs nées du péché de Babel (cf. Gn 11». Revenant à un thème qui lui est cher, Benoît XVI a également précisé que, parfois, il faut conclure que le dialogue théologique n'est pas possible, mais «cela ne signifie pas du tout une défaite» parce qu'il reste un chemin ouvert au dialogue «dans les domaines social et culturel» sur la base de la raison et de la recherche de règles communes qui garantissent «le respect des droits de chacun».

5. Croissance de l'Eglise au Bénin, et nouvelle évangélisation

Enfin, le Pape n'a pas manqué de rendre grâce à Dieu pour la grande croissance quantitative de l'Eglise catholique en Afrique, qui doit devenir aussi de plus en plus une croissance qualitative. Sensible à l'évènement, le Pape a voulu que sa visite coïncide avec le cent cinquantième anniversaire de la première évangélisation du Bénin, dont il a parlé avec les évêques locaux, affirmant qu'il n'est pas possible de se «limiter à une pastorale de 'statu quo', d'autant plus que - comme cela a été mentionné lors de la messe de Cotonou - en Afrique aussi, nombreux sont ceux qui n'ont pas encore entendu le message du salut du Christ»: la mission ad gentes n'est pas terminée. Mais dans le même temps la croissance de l'Église en Afrique a été voulu par la Providence, y compris en fonction de la nouvelle évangélisation des pays d'ancienne tradition chrétienne, où de nombreux prêtres africains viennent désormais apporter leur l'aide, et compenser la pénurie de prêtres, en quelque sorte rendant le don reçu à d'autres époques par les missionnaires, dont Benoît XVI a une fois encore défendu face aux dénigrements faciles et répandus.

Mais aujourd'hui, affirme l'exhortation Africae munus , «l'Église qui chemine en Afrique est appelée à contribuer à la nouvelle évangélisation aussi dans les pays sécularisés, d'où provenaient dans le passé de nombreux missionnaires, et qui aujourd'hui, malheureusement, manquent de vocations au sacerdoce et à la vie consacrée ». Les évêques africains, parfois perplexes, «doit accepter avec générosité la demande de leurs frères des pays qui manquent de vocations, et venir en aide aux fidèles sans prêtres».


III. L'Afrique, continent de l'espoir
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Le troisième thème que le Pape a souligné comme crucial dans son voyage au Bénin est la célébration de l'Afrique comme continent de l'espérance, dans le souvenir du cardinal Gantin. Les problèmes politiques, économiques et religieux en Afrique sont immenses et Benoît XVI, comme nous l'avons vu, n'a pas manqué d'en faire l'inventaire. Mais il a voulu - et même avec des expressions plus fortes que lors du précédent voyage au Cameroun et en Angola en 2009 - souligner aussi les aspects positifs de l'esprit africain: un esprit jeune, qui n'est pas seulement un problème mais aussi une grande ressource pour une humanité fatigué et vieillie. Aux journalistes, sur le vol qui le menait en Afrique, le Pape a fait remarquer que «cette fraîcheur du oui à la vie qu'il y a en Afrique, cette jeunesse qui existe, qui est pleine d'enthousiasme et d'espoir, d'humour et de joie, nous montre qu'il y a une réserve humaine, il y a encore une fraîcheur du sentiment religieux et de l'espérance, il y a encore une perception de la réalité métaphysique, de la réalité dans son intégralité avec Dieu, non pas cette réduction au positivisme, qui restreint nos vies et la rend un peu aride, et qui éteint aussi l'espérance. Je dirais donc, un humanisme frais qui se trouve dans la jeune âme de l'Afrique, malgré tous les problèmes qui existent et existeront, montre qu'il y a là encore un réservoir de vie et de vitalité pour l'avenir sur lequel nous pouvons compter».

Les aspects positifs de la conception africaine de la vie sont ainsi décrits dans l'exhortation Africae munus: «Dans la vision africaine du monde, la vie est perçue comme une réalité qui englobe et inclut les ancêtres, les vivants et les enfants à naître, toute la création et tous les êtres : ceux qui parlent et ceux qui sont muets, ceux qui pensent et ceux qui n’ont point de pensée. L’univers visible et invisible y est considéré comme un espace de vie des hommes, mais aussi comme un espace de communion où des générations passées côtoient invisiblement les générations présentes, elles-mêmes mères des générations à venir. Cette ample ouverture du cœur et de l’esprit de la tradition africaine vous prédispose, chers frères et sœurs, à entendre et à recevoir le message du Christ et comprendre le mystère de l’Église». (§69)

«Quand je dis que l'Afrique est le continent de l'espoir - a précisé le Pape dans le palais présidentiel à Cotonou - je ne fais pas de la rhétorique facile, mais j'exprime très simplement une opinion personnelle, qui est aussi celle de l'Église. Trop souvent notre esprit s'arrête à des préjugés ou des images qui donnent une image négative de la réalité africaine, fruit d'une analyse pessimiste». Ayant rappelé que «selon les Saintes Écritures, trois symboles décrivent l’espérance pour le chrétien : le casque, car il protège du découragement (cf. 1 Th 5, 8), l’ancre sûre et solide qui fixe en Dieu (cf. Hb 6, 19), et la lampe qui permet d’attendre l’aurore d’un jour nouveau (cf. Lc 12, 35-36)», le Pape a noté que dans le sens communautaire et choral qui imprègne la vie africaine, on retrouve quelque chose de ces symboles . Du reste, «le désespoir est individualiste. L'espérance est communion.»

Si la communion fait partie de la tradition africaine, celle-ci ne se réalise pleinement que dans la rencontre avec Jésus-Christ sous le regard aimant de Marie, Notre Dame d'Afrique, «la Mère de l'Espérance», comme le Pape l'a rappelé lors de l'Angelus au Stade de l'Amitié de Cotonou.
Dans l'émouvante rencontre avec les enfants de Cotonou , le Pape - après avoir avoué que «le jour de ma première communion a été l'un des plus beaux jours de ma vie» -, leur a montré un chapelet: «Regardez! Je sors un chapelet de ma poche. Le chapelet est comme un instrument qui peut être utilisé pour prier. Il est facile de prier le chapelet. Peut-être le savez vous déjà, ou bien demandez à vos parents de vous l'apprendre. D’ailleurs, à la fin de notre rencontre, chacun de vous recevra un chapelet. Quand vous l'aurez dans votre main, vous pourrez prier pour le Pape - je vous demande de le faire - pour l'Église et pour toutes les intentions importantes ».

L'Afrique, a dit le Pape en visitant la Basilique de l'Immaculée Conception de Ouidah, peut vraiment être «la terre d'une nouvelle Pentecôte». Et l'exhortation Africae munus parle de l'Afrique comme d'«un immense 'poumon' spirituel pour l'humanité qui semble dans une crise de foi et d'espérance».
Prenant congé du Bénin, lors de la cérémonie à l'aéroport de Cotonou qui porte le nom du cardinal Gantin, Benoît XVI a répété sa «conviction profonde que [l'Afrique] est une terre d'espérance. J'en ai déjà parlé plusieurs fois, du reste. D'authentiques valeurs, capable d'enseigner au monde sont ici, et ne demandent qu'à s'épanouir avec l'aide de Dieu et la détermination des Africains».

Nous avons certainement quelque chose à enseigner à l’Afrique, qui a de nombreux problèmes. Mais nous pouvons et nous devons aussi apprendre de l'Afrique.

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