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Russie: la catastrophe démographique.

Au lendemain des élections à la Douma, le commentaire de Massimo Introvigne, qui est ces jours-ci à Vilnius. Les journaux nous parlent des "fraudes électorales massives" et des guerriers de facebook qui croient pouvoir refaire le monde sur le clavier de leur ordinateur (comme si les leçons égyptiennes et tunisiennes n'avaient pas suffi!) Et si le vrai problème était très loin de tout cela? (8/12/2011)

(Image ci-contre: ici . Cliquez)

Article en italien: La Bussola.
Ma traduction.

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Russie, le problème est la démographie

Massimo Introvigne
07/12/2011
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Je me trouvais à Moscou la semaine dernière, dernière semaine de la campagne électorale, et je participe ces jours-ci à Vilnius, en raison de ma charge institutionnelle à l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe), à la rencontre des ministres des Affaires étrangères des 56 pays de cette même OSCE, qui a parmi ses thèmes les plus chauds le jugement des observateurs de cette organisation internationale - dont une des principales compétences est la vérification de la régularité des élections dans les pays participants - sur la présence d'irrégularités dans les élections à la Douma en Russie la semaine dernière.

A Vilnius, Hillary Clinton a dénoncé ces irrégularités, contre lesquelles protestent plusieurs blogs et sites Internet russes, dont certains ont été «perturbés» ou fermés par le gouvernement. Naturellement, la question est en grande partie politique et concerne la compétition pour le leadership mondial, entre les Etats-Unis gravement affaiblis par la crise économique et les pays économiquement forts comme la Russie, qui profitent de cette crise nord-américaine et européenne pour reproposer un rôle international plus important pour eux.
Il faut tenir compte de ce scénario, quand on examine les critiques contre les élections russes.

L'OSCE a en effet constaté des irrégularités qui doivent être signalées, mais a déclaré que d'une façon générale, «les électeurs ont pu faire entendre leur voix».
Et qu'a dit cette voix? Le parti de Vladimir Poutine «Russie unie», garde la majorité absolue des sièges au Parlement, mais ses votes ont chuté de 64% à 50%, avec comme conséquence la perte de la «majorité constitutionnelle» des deux tiers qui permettait à ce parti à lui seul d'adopter des amendements à la Constitution. Le résultat le plus significatif - que certains, en Russie, ont même qualifié d'«apocalyptique» - est la croissance du Parti communiste nostalgique de l'Union soviétique, qui détient environ 20% des voix. Dix ans après avoir été libérés du communisme, il semble qu'un Russe sur cinq le regrette. Pourtant, la Russie, malgré de nombreux problèmes, gère d'une façon qui n'est pas indigne la crise économique internationale, et avec Poutine, elle a retrouvé un rôle politique international important, bien que - comme l'a souligné à Vilnius son Ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov - elle ait vécu comme un piège ce qu'elle considère comme un abus, la résolution de l'ONU sur la Libye, à laquelle elle ne s'était pas opposée, mais qui a ensuite été utilisée non pas seulement pour protéger les civils, mais pour renverser le régime libyen.

Qu'est-ce qui se passe? Comment expliquer l'échec (relatif) de Poutine et l'incroyable succès des communistes? Il y a certainement une demande de liberté et une dénonciation de la corruption, mais les partis qui souhaiteraient une démocratie russe plus semblable à celles occidentales et qui s'inspire au libéralisme européen, ont réalisé dans leur ensemble un score inférieur à 4%. En plus des communistes et de «Russie juste», une émanation de la gauche qui a rompu avec «Russie unie» de Vladimir Poutine, les bénéficiaires du tremblement de terre électoral sont plutôt les nationalistes du Parti Libéral-Démocratique - selon ses détracteurs, ni libéral, ni démocratique, mais plutôt xénophobe - de Vladimir Jirinovski, monté à un respectable 12%. Comme ailleurs, les opinions du «peuple de Facebook» qui semble aspirer à une Russie plus semblable à l'Occident, frappent les journalistes étrangers mais ensuite, elles ne sont plus majoritaires dans les urnes.

Qu'est-ce qui dérange les électeurs Russes? Sans oublier d'autres facteurs, quand il s'agit de la politique et de la société russe, on ne devrait jamais oublier la vraie apocalypse, qui, comme l'a rappelé Poutine lui-même, constitue la menace la plus sérieuse pour l'avenir de la Russie. C'est l'apocalypse démographique. A la chute du communisme les habitants de la Fédération de Russie approchaient les 150 millions. Aujourd'hui, il y en a moins de 140, avec un taux de natalité en baisse constante - lanterne rouge de l'Europe et désormais du monde avec l'Italie - au point que l'on prévoit une réduction à 128 millions en 2025 et 109 en 2050. Chaque année disparaissent - selon les chiffres officiels, et aussi à cause d'un nombre impressionnant d'avortements - 700 mille personnes, mais pour d'autres, les chiffres sont "pondérés" pour éviter de créer une alarme excessive et la baisse annuelle de la population est en réalité autour d'un million de personnes.

Les conséquences sont celles habituelles des catastrophes démographiques. Augmentation de l'immigration, toutefois pas suffisante pour couvrir l'effondrement de la natalité en Russie, car ceux qui émigrent depuis l'Afrique ou la Chine préfèrent d'autres destinations. Augmentation du pourcentage de musulmans, parce que parmi les minorités ethniques, pas seulement en Tchétchénie, il n'y a pas de déclin démographique, ou presque pas. Le vieillissement de la population engendre des coûts de pension qui absorbent beaucoup des pourtant vastes ressources de pétrole et de gaz. Réaction en chaîne, l'ensemble de l'économie en souffre. Comme le nombre de jeunes est en baisse, on voit diminuer la base de recrutement, non seulement pour le sport - les équipes de football russes prospèrent, mais elles sont pleines de Brésiliens - mais aussi et surtout pour l'armée et les carrières intellectuelles.

Le nombre de producteurs et de consommateurs est en chute. Les campagnes - en raison d'une urbanisation insensée, mais aussi de la démographie - sont dépeuplées: et, si les fermes sont abandonnées, la vigilance contre les risques d'incendie diminue, comme on l'a vu les lors de la catastrophe d'août 2010, un des plus grands incendies dans l'histoire de l'humanité.
Où avons-nous déjà vu ce scénario? Dans les lucides prévisions de l'Eglise sur le suicide démographique des pays sans jeunes: dans les discours du bienheureux Jean-Paul II sur le «suicide démographique de l'Europe», dans l'encyclique de Benoît XVI Caritas in veritate et dans les études de l'économiste et directeur de la Banque du Vatican(IOR) Ettore Gotti Tedeschi. Il est étrange qu'il y en a encore qui contestent ces études alors que justement de Moscou en arrive une confirmation spectaculaire.

La situation de la Russie, en proie à des convulsions politiques, mais aussi, oui, à la pire crise démographique de son histoire, confirme en effet de manière évidente les analyses de Gotti Tedeschi et du Pape. Les incitations en faveur des familles et la tentative de limiter l'avortement par l'actuel gouvernement russe sont probablement trop faibles et trop tardives, mais montrent au moins que Poutine a commencé à comprendre d'où vient le problème.

La solution ne peut pas être seulement économique: et même, de l'argent en Russie, il n'en tourne que trop. La nostalgie du communisme, qui paradoxalement - certes pas pour des raisons morales, mais parce que, comme tous les régimes totalitaires, celui soviétique considérait le nombre d'habitants comme garantie de pouvoir - limitait le nombre d'avortements et favorisait la maternité, n'a pas de perspectives politiques authentiques.
En réalité, seul un retour à l'espérance et aux valeurs, au sens de la famille de la vieille «Sainte Russie», pendant trop longtemps superficiellement tournée en dérision, peut sauver ce grand pays dont le monde ne peut se passer.
Discrètement, en essayant de ne pas offenser les vieilles sensibilités et de poursuivre le dialogue œcuménique, l'Eglise catholique offre son aide, consciente que - dans des temps que seul Dieu connaît - une relation retrouvée avec Rome offrira à la Russie ce renouveau spirituel auquel beaucoup disent aspirer mais que personne ne parvient vraiment à entrevoir à l'horizon.





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