La lettre du petit Joseph à l'Enfant Jésus

Une adorable lettre de Noël de 1934 (comme on est loin du Père Noël d'aujourd'hui!) conservée dans la maison-musée de Pentling, et exposée en ce moment à Münich, a été publiée par Bild. Le reportage d'Angela Ambrogetti, et d'autres anecdotes (18/12/2012)

     

En septembre dernier, la maison de Pentling, que le professeur Ratzinger avait fait construire dans la banlieue de Ratisbonne au début des années 70 pour y habiter avec sa soeur Maria, était inaugurée comme centre de rencontres culturelles dédié au théologien et Pape, et Mgr Müller, juste avant de passer la main à son successeur à la tête du diocèse de Ratisbonne, l'avait bénie, en présence de don Georg.
Marie-Anne avait traduit pour nous le reportage du site de l'évêché (cf. Inauguration du centre de rencontre de Pentling). Qui nous apprenait, entre autre:

Cette maison présente aux visiteurs non seulement l’éminent théologien mais aussi l’homme Joseph Aloys Ratzinger.
Il est déjà là tout entier dans la lettre que les enfants Ratzinger avaient adressée à l’Enfant Jésus qui allait naître à Noël 1934. C’est le premier document écrit par Joseph. Il montre déjà dans quelle direction se déroulera sa vie : Il demande au petit Jésus un Missel ! (bilingue, édité par des frères Schott)


Hier, le quotidien allemand Bild (un tabloïd, mais grand soutien du Pape, on se rappelle de la "Une" mémorable du 19 avril 2005 "Wir sind Papst!") a publié le texte de l'adorable petite lettre.
Le voici en allemand (en attendant d'avoir le fac-similé):

„Liebes Christkind!
Du schwebst bald auf die Erde hernieder. Du willst den Kindern Freude bereiten. Auch mir willst Du Freude bereiten. Ich wünsche mir den Volks-Schott, ein grünes Messkleid und ein Herz Jesu. Ich will immer brav sein.
Schönen Gruß von Joseph Ratzinger.“

     

Angela Ambrogetti en fait le sujet de son dernier article.
(
Korazym.org, ma traduction)

* * *

Cher enfant Jésus, la petite lettre de Joseph Ratzinger
Angela Ambrogetti
18 Décembre 2012

«Cher enfant Jésus, bientôt tu descendras sur terre. Tu apporteras de la joie aux enfants. A moi aussi tu apporteras de la joie».
C'est le texte typique d'une petite lettre de Noël. Les enfants de tous les temps la laissent devant la crèche et attendent la nuit de Noël. Mais ce qui la rend spéciale, c'est qu'elle est signée Joseph Ratzinger et est datée de 1934.
Que désirait le petit Joseph de tout juste sept ans?

«Je voudrais le Volks-Schott, un habit vert pour la messe et un Cœur de Jésus. Je serai toujours sage. Sincères salutations de Joseph Ratzinger».


Cette lettre a été retrouvée lors des travaux de restucturation de la maison de Joseph Ratzinger à Pentling en Bavière, aujourd'hui transformée en un petit musée dédié au pape. Sa sœur Maria avait gardé la lettre vraiment inhabituelle pour un enfant de 7 ans. Le petit Joseph ne demandait pas de jouets ou de bonbons, qui étaient pourtant toujours devant la crèche de la famille Ratzinger pour les trois frères et soeur. Joseph demandait trois choses très spéciales.

Le Schott (1) est l'un des premiers livres de prières, avec le missel en langue allemande et le texte en latin en vis-à-vis. A l'époque, en Allemagne, il y avait deux éditions, une pour adultes et une pour enfants. Et le petit Joseph, justement à travers ce petit livre, commença à aimer la liturgie, qui rythmait la vie de la famille. «Les livres que je recevais de temps en temps, écrit Benoît XVI dans sa biographie -étaient quelque chose de précieux, comme je ne pouvais en rêver de plus beau»

Dans la lettre, il y avait trois requêtes. L'une en particulir nous laisse tout surpris: le petit Joseph demande un parement pour célébrer la messe.
En fait, les frères Ratzinger jouaient souvent à un jeu, le «jeu du prêtre», pour lequel leur maman leur préparait des vêtements. Son frère Georg l'a raconté il y a quelques années dans une interview pour "Inside the Vatican" (traduction http://benoit-et-moi.fr/2011-I):

«On célébrait la messe et on avait de petites chasubles faites par la couturière de maman juste pour nous. Et à tour de rôle, nous étions le célébrant ou le servant de messe».

Et puis un «Cœur de Jésus», une image du Sacré-Cœur auquel toute la famille portait une grande dévotion. Et le tout devant la crèche qui chaque année «augmentait de quelque figurine, et était toujours une grande joie. Nous allions avec papa dans les bois pour ramasser de la mousse de genévrier et des brindilles de sapin».

Aujourd'hui, la touchante petite lettre - comme le rapporte Bild - est exposée pour la première fois dans la maison natale du pape à Marktl am Inn en Bavière. Dans l'écriture cursive caractéristique de l'époque appelée Sütterlinschrift, l'écolier, qui fréquentait la deuxième année (donc, CE1) expose les désirs de son cœur à l'Enfant Jésus. Il y a aussi les autres petites lettres des enfants. Georg, qui avait dix ans, voulait la partition d'une chanson et une chasuble blanche, tandis que Maria, qui était âgé de treize ans rêvait d'un livre plein d'images. Les lettres étaient toutes sur une seule feuille, parce que la famille Ratizinger n'était pas riche. La famille Ratzinger à l'époque, en 1934, vivait dans le cadre idyllique d'Aschau am Inn.

«Le pape a été très heureux de découvrir la lettre et son contenu l'a fait sourire», a raconté son secrétaire Georg Gaenswein quand il a inauguré le petit musée à la fin de l'été: «Pour lui, l'odeur de mousse appartient toujours à Noël».
Les lettres sont exposées pour la période de Noël à Munich.

     

Note

(1) Ma vie, Souvenirs ; ed. Fayard, 1998 (pages 22-23):

... je ne peux imaginer célébration plus impressionnante de la Résurrection du Seigneur. Le mouvement liturgique, qui atteignait alors son point culminant, toucha même notre village. Le curé se mit à organiser des messes communautaires pour les jeunes en âge scolaire, au cours desquelles on lisait des textes du missel «Schot » et où l'on priait ensemble les répons.

Qu'était le Schott ? À la fin du XIXe siècle, le bénédictin Anselme Schott, de l'abbaye de Beuron, avait transcrit le missel de l'Église en allemand. Il existait des versions uniquement en langue allemande, certaines où une partie des textes était imprimée en latin et allemand, et d'autres où figuraient côte à côte le texte latin intégral et le texte allemand. Un curé ouvert avait offert le Schott à mes parents le jour de leur mariage en 1920, de sorte que notre famille fut une des premières à posséder le « paroissien ». Tôt, nos parents nous ont aidés à entrer dans la liturgie il existait un paroissien pour enfants correspondant au missel, où l'on pouvait suivre l'action liturgique en images ; chaque illustration était commentée par une courte prière, reprenant l'essentiel de chaque séquence liturgique et accessible à la prière d'un enfant. On me donna ensuite un Schott pour les enfants, où figuraient déjà les principaux textes liturgiques ; puis ce fut le Schott des dimanches, qui comportait la liturgie complète des dimanches et jours de fête ; et, enfin, le missel quotidien complet. Chaque nouvelle étape liturgique était pour moi un grand événement. Chaque nouveau livre était un trésor comme je n'en pouvais rêver de plus beau : c'était une aventure passionnante de pénétrer lentement dans le monde mystérieux de la liturgie, qui se déroulait là, devant nous et pour nous, à l'autel. Je réalisais de plus en plus clairement que j'abordais une réalité que jamais personne n'avait imaginée, ni autorité ni grande personnalité. Cette trame mystérieuse de textes et d'actions s'était développée au long des siècles à partir de la foi de l'Église ; elle portait le poids de toute l'Histoire, tout en étant bien plus que le produit de l'Histoire des hommes. Chaque siècle avait laissé sa marque : les introductions nous montraient ce qui provenait de l'Église primitive, du Moyen Age ou de l'époque moderne. Tout n'était pas logique, c'était parfois un véritable dédale et il n'était certes pas toujours facile de s'y retrouver. Mais c'est précisément ce qui rendait cet édifice magnifique et en faisait une patrie. Bien sûr, ma conscience d'enfant n'a pas saisi cela dans le détail, mais mon cheminement dans la liturgie fut cependant l'approche progressive d'une immense Réalité qui surpassait tous les individus et toutes les générations, et fut l'occasion de découvertes et d'étonnements toujours nouveaux. La réalité inépuisable de la liturgie catholique m'a accompagné à toutes les étapes de la vie. Il ne cessera donc d'en être question.