Réflexions inédites sur un massacre

Après la tuerie du Connecticut, et ses 27 victimes, dont 20 enfants, les medias ont comme d'habitude posé les mauvaises questions et proposé les mauvais remèdes. Ces deux articles de la presse italienne, fournissent des éléments de réflexion inédits. On n'a pas parlé de la folie. Et on a peu parlé du second amendement, sinon pour dire qu'il fallait le supprimer d'urgence. Et-ce seulement pensable? (18/12/2012)

Pas de récupération, c'est le slogan comminatoire que brandissent à leur profit toujours les mêmes contre ceux qui ne partagent pas leurs idées, à chaque fois qu'il se produit un évènement dramatique.
Les cadavres des petites victimes du massacre de Newtown étaient encore chauds, que les adversaires de la législation américaine sur le port d'armes (adversaires en grande partie non américains) avaient l'indécence de crier leurs exigences, et enjoignaient au Président (qui leur doit sans doute beaucoup) de légiférer sur le coup de l'émotion, menaces à l'appui (cf. le dossier sur Huffington Post.fr , en particulier la "colère" d'Anne Sinclair ! ).
Vu le matraquage auquel nous sommes soumis depuis le drame, on soupçonne évidemment que leurs motivations sont plus troubles que les intentions compassionnelles qu'ils affichent noblement. On s'interroge aussi sur les autres causes du massacre: quelle société malade peut engendrer de telles abominations? Une société sans Dieu, bien sûr, celle dont le pape ne cesse de dénoncer les risques (une grande surprise a pourtant été de voir que la première choses que les gens ont faite, a été de se rassembler dans les églises...).

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Voici d'abord une réflexion très politiquement incorrecte, donc très à contre-courant, que j'ai lue sur le site Corrispondenza Romana. Elle lève un coin de voile sur une autre - bien réelle - cause du drame, elle est tabou; et aussi sur les vraies motivations des paladins anti-port d'armes, des motivations rarement évoquées en général, et bien entendue jamais par les grands medias qui nous abreuvent tous dans le même sens.

Ensuite, une leçon d'histoire, par Marco Respinti, le spécialiste des Etats-Unis de la Bussola: il nous explique - ou nous rappelle - à quel point, aux Etats-Unis, la liberté de posséder une arme à feu à des racines profondes. Il est tout simplement impensable, sauf à faire un coup d'Etat, de toucher aux 10 premiers amendements de la Constitution américaine, qui sont consubstantiels à la conception de la démocratie par les américains

     

I. Lu sur Corrispondenza Romana

Port d'armes, folie meurtrière et liberté personnelle
Massimo Viglione
www.corrispondenzaromana.it/porto-darmi-follia-assassina-e-liberta-personale/
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L'immense tragédie qui s'est produite dans le Connecticut suscite, comme il est évident et naturel, les réflexions de beaucoup de personnes sur le mystère du Mal chez l'homme. Mais ensuite, dans la plupart des cas, on se limite à s'arrêter - pour diverses raisons - sur le problème du port d'armes à feu, comme si c'était le cœur de l'histoire, l'explication du problème.

Le cœur de l'histoire se situe au contraire sur un plan absolument supérieur, il est tout entier de nature politique et spirituelle: c'est le mal de la société moderne, qui a renié la perfection du Créateur et l'action de l'Eglise fondée par lui, et a voulu se fonder elle-même sur l'imperfection de la créature, faisant même un dieu ce celle-ci, créant ainsi une société à son image et à sa ressemblance.

Mais ce n'est pas de cela que je veux parler, c'est un discours trop élevé, long et profond pour être traité en quelques lignes.
Je voudrais plutôt faire descendre mon discours au niveau de ceux qui croient réellement ou font semblant de croire que le problème est le port d'armes.

Même en descendant à ce niveau ... nous n'y sommes pas du tout. Des millions de personnes aujourd'hui ont un port d'armes, parmi elles, un nombre incalculable sont les hommes qui, en tout temps et en tous lieux ont porté des armes avec eux chaque jour de leur vie. Pourtant, ces tragédies ne s'étaient jamais vues, sauf en de rares occasions dûes à la folie.

Nous voici là au cœur du problème de «niveau inférieur». La folie.
Tout le monde se plaint du port d'armes, je n'entends personne se plaindre que le meurtrier était atteint de troubles mentaux, en somme, que c'était une sorte de fou. C'était un fou criminel en liberté. Comme sont en liberté depuis des décennies tous des gens comme lui, en Occident, depuis qu'à cause des idéologies libertaires et radicales, on a fermé le «asiles», les hôpitaux psychiatriques, restituant aux malheureuses familles des personnes - puisqu'il s'agit de personnes - qui, sans aucune faute de leur part sont victimes de maladies mentales qui font qu'ils ne sont plus maîtres de leur propre jugement, de leur volonté; et qui, par conséquent, n'ayant plus la pleine capacité de l'exercice de leur libre arbitre, devraient à plus forte raison vivre enfermés dans les maisons de soins, sous surveillance étroite, soignés avec amour et abnégation, pour les protéger et protéger les autres.

Depuis que - au nom de l'hypocrite, faux et subversif concept moderne de «progrès» - les asiles se sont vidés, il y a eu quantité de cas comme celui-ci, et on peut être sûrs qu'ils vont continuer à se produire, puisque la folie en liberté est totalement imprévisible et incontrôlable. Mais même sans aller jusqu'à ces extrêmes, nous ne devons pas oublier que beaucoup de familles (des gens ordinaires qui doivent travailler tous les jours, qui doivent élever leur enfants, qui ont leur vie propre, qui peuvent avoir des difficultés financières) vivent la douleur (si ce n'est le «cauchemar) d'un parent malade mental abandonné dans leurs mains au nom du «progrès »de la civilisation moderne.

Toute la douleur indicible qui depuis des décennies ruine la vie de familles entières, toute l'immense douleur des victimes des fous, et surtout, la responsabilité de la mort de l'innocent, incombent à ceux qui, dans tous les pays d'Occident ont voulu et ont obtenu la fermeture des asiles (et non pas, éventuellement ,leur réforme importante et nécessaire): en Italie, principalement, la gauche, comme toujours.

Le premier responsable du massacre du Connecticut devrait être recherché (avant même de montrer du doigt le port d'armes) chez le législateur américain, qui, cédant à l'idéologie soixantuitarde, a fait comme si la folie est un état de normalité et en tant que tel ne devait pas être traitée au niveau social et, ce faisant, a ouvert l'enfer sur terre pour de nombreuses personnes sans défense.

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Je termine avec une dernière réflexion, et c'est évidemment sur le port d'armes. C'est une toute autre question qui mérite beaucoup plus d'espace et d'approfondissement. Mais je veux dire une chose, même si je suis conscient du fait que d'une part, beaucoup ne partageront pas ce que j'ai à dire, d'autre part que, sans aucun doute, le port d'armes libre présente des risques graves pour la coexistence pacifique dans la société et que la situation est beaucoup plus complexe que ce qui peut être dit en quelques lignes.
Mais peut-être faut-il commencer par fournir quelque point de réflexion inhabituel, étant donné l'époque dans laquelle nous vivons.

Le désarmement, obligatoire et passible de poursuite, des citoyens d'un peuple souverain, est le premier pas vers la toute-puissance du pouvoir exécutif et judiciaire: c'est la principale motivation du fait qu'aux États-Unis, le droit à la légitime défense est protégé par la Constitution elle-même.

Si, aujourd'hui, en Italie, en Europe, il se passe tout ce qui se passe dans les domaines politique, économique, financier; si, aujourd'hui, notre Etat-nation disparaît et nous sommes commandés par des hommes jamais élus par qui que ce soit et qui trament contre nous dans des institutions supranationales; si, aujourd'hui, notre système bancaire est tout proche de la faillite et esclave de la finance internationale; si aujourd'hui nous sommes au seuil de la misère, une misère causée non pas par nous, mais par de sombres pouvoirs synarchiques et mondialistes; en somme, si aujourd'hui, nous sommes - pour ces raisons et bien d'autres - au bord de l'abîme; si chaque semaine des gens ordinaires sont attaqués dans leurs maisons pendant la nuit par des bandes, brutalement battus et parfois tués; si les bijoutiers et les commerçants sont volés et tués dans leurs magasins; si on vit dans la peur dans nos rues et si les femmes doivent toujours vivre dans la crainte du pire; s'ils peuvent tout nous faire en toute impunité, car ils savent bien que 1) nous ne pouvons pas nous défendre, et 2) si nous défendons, les juges mettront en prison celui qui s'est défendu et pas celui qui a agressé; eh bien, tout cela arrive aussi parce que nous sommes tous désarmés.
Désarmés devant le Léviathan qui avance, désarmés devant l'État, désarmés devant ceux qui nous envahissent, nous tuent, nous humilient, nous envoient dans la pauvreté.

Un peuple armé est plus difficile à contrôler et à asservir. Un peuple armé fait peur. Un peuple armé risque certes d'être violent, mais aussi d'être quelque chose qu'aucun peuple, aujourd'hui, dans le triomphe du postmodernisme et du mondialisme financier, ne devrait plus être en aucune façon: il risque d'être libre.

Libre de dire non. Il risque d'être fort. Fort pour arrêter les pouvoirs qui le veulent esclave et content.

Au-delà de toutes les autres considérations opposée qui méritent certainement l'attention et la réflexion (ce que personne ne nie ici), j'invite chacun à réfléchir sur le fait que, pour des problèmes graves comme ceux-ci, les solutions faciles émotionnelles, ne servent à rien. Et pas seulement: elles font le jeu de ceux qui manigancent et rejettent ensuite la faute sur le «peuple bœuf». Pas seulement: chaque solution dans cette vie est toujours relative, dans le sens où elle ne sera jamais totalement parfaite dans le bien, ni absolument négative; mais on ne peut nier que le fait de nous avoir ôté le droit sacré de l'homme (un vrai droit, celui-là) à l'auto-défense, face à ceux qui nous gouvernent (à l'intérieur et hors de l'Italie, élus et non élus, connus ou inconnus, financiers ou politiques), est un excellent instrument de contrôle politique et civile de la population. Et c'est sans aucun doute une excellente raison pour que les citoyens soient tous désarmés.

     

Lu sur La Nuova Bussola Quotidiana

Armes aux États-Unis, une question de liberté
Marco Respinti
18.12.2012
www.lanuovabq.it/it/articoli-armi-negli-usa-una-questione-di-libert-5420.htm
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La tragédie qui a eu lieu samedi à Newtown, dans l'Etat américain du Connecticut, où un fou a ouvert le feu dans une école élémentaire provoquant 27 victimes, dont 20 enfants, a rouvert aux Etats-Unis le débat sur les armes qui, comme on sait, jouissent de la libre circulation. Ce n'est pas la première fois que le débat sur cette question se réactive au lendemain de tragédies comme celle de Newtown, mais personne jusqu'ici n'a pu introduire de nouvelles réglementations.
Dans cet article, nous cherchons à comprendre pourquoi aux États-Unis, la liberté de posséder une arme à feu a des racines profondes.

A nous, il semble que la possession personnelle d'armes est incompatible avec une démocratie moderne, mais pour les Américains, c'est au contraire le sceau d'une démocratie accomplie, la leur.
Le droit des citoyens américains de posséder des armes est en effet un droit constitutionnel, consacré en toutes lettres dans le deuxième amendement de la Constitution fédérale, là où en premier est établie la liberté fondamentale parmi toutes les libertés américaines, celle religieuse. Du reste, parler dans ce cas d'«amendement» est philologiquement correcte mais peut être culturellement trompeur. Les dix premiers amendements de la Constitution fédérale, approuvés en bloc en 1791, soit deux ans après l'entrée en vigueur de la Constitution elle-même, furent en effet approuvés comme Déclaration des droits (Bill or Rigths): c'est-à-dire un document unitaire, dans le but et dans l'esprit, qui porte le même, antique nom que l'énumération des libertés personnelles dont jouissent les citoyens anglais (et plus tard, britanniques), dont les racines se trouvent dans la résistance contre le pouvoir de l'État, dont est tissée la Magna Carta Libertatum de 1215. Dans le Décalogue de la Déclaration des droits des États-Unis, le droit à la possession d'armes n'est précédé hiérarchiquement que par le tribut dû à Dieu, et contre eux l'État ne peut rien faire. S'il le faisait, cela se transformerait en une usurpation tyrannique.

La Déclaration des droits est beaucoup plus qu'un ensemble d'amendements constitutionnels: c'est une déclaration de souveraineté des personnes par rapport à l'Etat, qui fut approuvée après que le long débat sur l'opportunité de ratifier ou non le texte constitutionnel fédéral proposé aux anciennes colonies britanniques de l'Amérique du Nord n'eût en rien dissipé tous les doutes sur les risques du centralisme et de l'étatisme. Le concept de gouvernement limité, si cher à la science politique et au peuple américain, est en somme déjà tout entier contenu dans ce dialogue vertueux entre les pouvoirs que les citoyens concèdent au gouvernement central à travers la Constitution fédérale, et les prérogatives réservées par nature aux citoyens des Etats de l'Union, énumérées par le Bill of Rights, étant entendu que ce dernier, dès le moment de son approbation, est conçu comme partie intégrante et inaliénable de la première. À bien des égards, la Déclaration des droits est donc le lieu juridique où la déclaration d'indépendance en 1776, se fait Constitution. Du reste, les Etats-Unis ne seraient jamais nés si ses habitants n'avaient pas ressenti le besoin d'affirmer la primauté de la personne et sa liberté inviolable face au despotisme étatiste.

Quant aux origines historiques du Deuxième amendement, elles remontent à l'époque où le territoire américain était une colonie de l'Empire britannique, et la possession d'armes la seule façon que les colons avaient pour la défense d'eux-mêmes, de leurs familles et de leurs territoires. Les conditions particulières de l'Amérique du Nord rendaient du reste nécessaire la possession personnelle d'armes depuis les temps reculés des premières installations européennes, quand, en plus des sujets de la Couronne britannique, circulaient aussi sous ces latitudes des espagnols, des français et des hollandais. La lutte pour la suprématie commerciale entre les différentes compagnies d'origine européenne (et les prolongements en Amérique du Nord des guerres entre Etats européens) rendaient souvent peu sûrs les échanges et les propriétés, mais c'était surtout l'immensité des nouveaux territoires encore en grande part inexplorés, habités par une faune inconnue et souvent féroce, et par des populations pacifiques seulement dans certains cas, qui ont justifié la possession privée d'armes.

La longue histoire de la colonisation européenne de l'Amérique du Nord, resterait cependant incompréhensible si l'on fait abstraction du fait que, dans de nombreux cas, il s'agissait d'un entreprise entièrement privée (encore qu'encouragée par les Etats d'Europe), en particulier celle en provenance des îles britanniques, qui lentement, a pris la forme d'un autogouvernement de fait, mais non moins réel. Ce fut quand l'autonomie gouvernementale, qui avait longtemps été positivement admise par la mère-patrie britannique, et pas seulement tolérée par elle, fut d'abord mise en doute, puis par la suite paralysée par le tournant étatiste de Londres, que les colonies décidèrent de réagir (y compris militairement si nécessaire) et in extrema ratio, de se séparer institutionnellement de la couronne afin de poursuivre librement le chemin juridico-institutionnel de toujours.

En d'autres termes, les Américains du Nord sont les fils d'une tradition de libertés politiques longtemps garanties par la structure impériale britannique ; une tradition qu'ils n'ont pas abandonnée, même quand c'est la Grande-Bretagne qui la menaçait, puisque le faire aurait signifié renoncer à ce droit naturel, qui est la source de droits inaliénables de l'homme: la liberté de religion, la propriété et la défense d'eux-mêmes, de leurs familles et de leurs biens contre le despotisme. Ceux-là mêmes que justement pour cette raison, les Américains ont voulu établir en toutes lettres dans la loi fondamentale de leur pays, afin de les protéger contre tous les ennemis, internes et externes, privés et publics.

En se rebellant contre le nouvel ordre britannique afin de pouvoir continuer l'ancien, les Américains ont en somme décidé d'obéir à Dieu et non à César. Mais César, pensent encore aujourd'hui les Américains, n'est jamais vaincu une fois pour toutes, et donc les libre citoyens-soldats qui, comme Cincinnatus, prêtent leur bras à la patrie, mais ensuite rentrent à la maison pour s'occuper des champs, sont toujours de garde: «le prix de la liberté est la vigilance constante», dit un proverbe, attribué à de nombreux Pères, que les Américains connaissent et répètent comme une prière quotidienne. L'idée, alors, que l'usage des armes ne soit concédée qu'à César est, pour les Cincinnatus Américains tellement inconcevable qu'elle est explicitement exclue par la loi fondamentale du pays.

Les américains pensent que la seule raison pour laquelle cela aurait un sens de céder à l'État une petite partie de leur souveraineté d'hommes libres, serait de mieux garantir aux personnes l'exercice de leur propre liberté. Autrement dit, l'État sert la personne et non l'inverse. Mais parce qu'ils pensent que chaque création humaine est passible de déraillement, que le pouvoir intoxique et que plus le pouvoir est absolu, plus il intoxique, les Américains cherchent à se doter des outils qu'ils jugent les plus appropriés pour ne pas finir esclaves.

Le fait que les gouvernements totalitaires commencent tous en interdisant la possession personnelle d'armes, en imposant aux citoyens le service militaire obligatoire, en occupant l'éducation et en étatisant l'économie, les convainc chaque jour davantage de la bonté de leur deuxième amendement à la Constitution. Pourquoi, en effet, disent les Américains, l'usage des armes devrait-il être réservé seulement à l'Etat qui se place au-dessus de la loi et aux criminels qui se placent hors de la loi?