Le meilleur sur Internet

et un site à découvrir: Magistro (24/8/2012)

>>> Sur ce sujet, voir aussi:
¤ Questions posées aux blogueurs hors-système
¤ Et un article très ancien de ce site sur "La nouvelle information" (beatriceweb.eu/Blog06) [1]

Internet, c'est le pire (en gros 99%) et le meilleur. Et ce meilleur nous permet d'échapper à la litanie des informations grossières déversées avec régularité et unanimité par les 99%. A condition de prendre le temps.
Il s'agit bel et bien d'une révolution, qui a rendu définitivement ringards les Monde, Libération, et autres Figaro.

Evidemment, on n'accède pas à ce meilleur en une fois. Il faut savoir le dénicher, car encore évidemment, il n'est jamais en haut des moteurs de recherche, et des années de patient apprivoisement peuvent être nécessaires pour le découvrir, au hasard d'une recherche (même d'images), d'une actualité particulière, ou d'un simple lien dans un blog ami (il y a des sites qui sont de véritables "agrégateurs" de meilleurs). Etant entendu que la grande majorité de ses titre échapperont définitivement à notre vigilance.
Bref le meilleur se mérite. D'autant plus qu'il y a de nombreux leurres qui, tout en ne faisant pas partie des media mainstream, n'en sont pas moins les échos dociles [1].

Dans l'article de Julien Gunzinger que je citais ici, (son blog Eschaton fait certainement partie du 1%, même si je ne suis pas d'accord avec tout), il écrivait :

Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, jour après jour, je suis toujours davantage convaincu que nous vivons l’une des périodes les plus folles de l’histoire de l’humanité dans une sorte d’anesthésie générale. Générale mais non pas totale, car la Providence a veillé pour qu’il nous soit possible de nous informer en dehors des canaux traditionnels avec internet. Résultat, nous sommes certainement plus nombreux qu’il y a 10 ans à ne plus nous satisfaire de la version officielle de l’histoire et de l’actualité.
Mais internet est un tel foutoir, une telle jungle qu’il ne peut jouer un rôle décisif de contre-feu à la propagande des médias et des intellectuels dominants. Déjouer les pièges qui y sont tendus nécessite de disposer d’une culture de base et d’un bon sens acquis en dehors d’internet. Internet ne sera donc jamais qu’une force d’appoint. Pour accéder au meilleur d’internet il faudra toujours avoir fait ses « classes » en dehors d’internet, s’être forgé un solide bon sens et des connaissances là où palpite la vraie vie : dans le partage de l’amitié, dans la fréquentation de vrais maîtres et dans la lecture des grands livres. Internet peut jouer un rôle d’accélérateur de prise de conscience, mais qu’à la condition que nous ayons été préalablement immunisés contre sa face sombre, ce sordide reflet du visage défiguré de l’homme moderne.

Second point qui doit être souligné: le meilleur ne connaît pas les frontières. Il vaut donc mieux lire une ou plusieurs langues étrangères. J'ai la chance de me débrouiller en italien (où le meilleur du meilleur était représenté par le père Scalese, lui-même, en plus, "agrégateur de meilleurs", qui a cessé de publier mais qui nous a laissé quelques perles) et grâce à Carlota, nous avons accès à d'excellents sites espagnols. Mais ceci reste évidemment extrêmement fragmentaire, et même si je lis un peu l'anglais, et que des amis ou des proches traduisent pour moi quelques textes en allemand, les sphères anglo-saxonnes et germaniques, certainement très riches, me restent largement "terra incognita" faute de temps et surtout de compétences linguistiques.

Une autre particularité est qu'il faut toujours prendre du recul par rapport au meilleur. On est rarement bon en tout. Le "meilleur" est spécialisé. Tel site qui fait partie du meilleur sur un sujet précis (par exemple, les faits de société, ou la politique) n'est pas du tout satisfaisant sur d'autres (par exemple la religion, ou le Pape), soit qu'il n'y fasse allusion que de façon épisodique, soit qu'il n'en parle pas, ou mal (pour ma part, j'ai tendance à exclure de la catégorie tout site qui parle en mal du Pape, même s'il est excellent par ailleurs: c'est une "mauvaise foi" revendiquée et assumée).
Enfin, les centres d'intérêt font que les meilleurs sites se focalisent sur des sujets qui ne me (le pronom personnel a ici un sens générique) motivent pas forcément. Il y a d'excellents sites, malheureusement à "idées fixes", au moins pour moi.

Le lecteur (j'imagine très, très rare!) qui aura eu la patience de me suivre jusqu'ici va comprendre enfin où je veux en venir.
Grâce à Polemia (qui fait lui aussi partie des meilleurs, et dont je conseille vivement la lecture) je suis arrivée sur la page d'accuel du site Magistro, auquel collabore Roland Hureau, auteur de l'excellent article sur la Syrie cité ici: Syrie, désinformation et puissance dominante .

La présentation-profession de foi du site par lui-même laisse bien augurer de la suite (il se place sous l'aile tutélaire de Tocqueville, ce qui, en passant, nous permet d'admirer le caractère incroyablement prophétique de propos écrits il y a près de deux siècles!!) :

"Sous le gouvernement absolu d'un seul, le despotisme, pour arriver à l'âme, frappait grossièrement les corps ; et l'âme, échappant à ces coups, s'élevait glorieuse au-dessus de lui ; mais dans les républiques démocratiques, ce n'est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit à l'âme. Le maître n'y dit plus : Vous penserez comme moi, ou vous mourrez ; il dit : Vous êtes libres de ne point penser comme moi ; votre vie, vos biens, tout vous reste ; mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous deviendront inutiles (…). Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur … Allez en paix, je vous laisse la vie mais je vous la laisse pire que la mort. Les monarchies absolues avaient déshonoré le despotisme ; prenons garde que les républiques démocratiques ne le réhabilitent, et qu'en le rendant plus lourd pour quelques-uns, elles ne lui ôtent, aux yeux du plus grand nombre, son aspect odieux et son caractère avilissant." Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859) De la démocratie en Amérique - T1 - Deuxième partie, chap. VII, Tyrannie de la majorité
...........
"Il semble que, si le despotisme venait à s'établir chez les nations démocratiques de nos jours, ... il serait plus étendu et plus doux, et il dégraderait les hommes sans les tourmenter. (...) Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme. (...) Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. (...) Il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur ; mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre. Il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages. Que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? (...) C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l'emploi du libre arbitre (...) Après avoir pris ainsi tour à tour dans ses puissantes mains chaque individu, et l'avoir pétri à sa guise, le souverain étend ses bras sur la société toute entière ; il en couvre la surface d'un réseau de petites règles compliquées, minutieuses et uniformes (...) et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. (...) Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859) De la démocratie en Amérique - T2 - Quatrième partie, chap. VI, Quelle espèce de despotisme les nations démocratiques ont à craindre

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MAGISTRO Pourquoi ?
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Dans un monde qui se déstructure, confus et brouillé, gavé d'informations ("toujours plus d'infos" !) mais frappé d'amnésie (sélective), simplifié par des clichés et des slogans, déformé par l'effet de zoom des médias, façonné par les images du "20 heures" (au demeurant identiques, avec les mêmes mots sur toutes les chaînes), ... nous sommes domestiqués doucement pour ne plus devenir sûrement que des consommateurs, des supporters téléguidés, infantilisés, idolâtres, sans attaches, ... contraints par la pression croissante de la pensée unique, de la norme, de la mode, du correct !
Dans une démocratie "médiatique" (médiacratie ?), qui privilégie le peuple masse au détriment du peuple citoyen, volontiers manichéenne, dogmatique, impudique voire vulgaire, sensible par nature à la manipulation et à la rumeur et par facilité au fait divers pour créer une affaire d'Etat, alors que la fonction politique - confisquée le plus souvent par une oligarchie platement complaisante devant les grands médias, à leur vision d'un monde conformé selon leurs vues - cède à la langue de bois, à la loi marchande de l’offre et de la demande, s'abaisse au niveau des ambitions personnelles, se mêle au monde du spectacle et parfois du "n'importe quoi" pour privilégier l'immédiat, l'image avec ses pièges, l'émotion, les sondages, les "petites phrases", la "pub", le "scoop", le "buzz", le 'tweet', ...

... Vive l'esprit critique pour expliquer et comprendre, retrouver son autonomie de penser et de croire librement, rechercher les vraies causes, discerner l’accessoire et l'important, l'immédiat et le plus long terme, ... montrer combien notre avenir se décide aujourd'hui autour d'une vraie ligne de fracture que constituent quelques fondamentaux authentiques et avérés - véritable enjeu de civilisation - par-delà les modèles souvent vides de sens portés par les médias dominants - véhicules privilégiés d'une pensée aussi unique qu'intolérante à l'égard de quiconque ne les rejoint pas - et les querelles médiocres et les jeux de rôles des politiciens, dits de droite, dits de gauche ou d'ailleurs.

Magistro fait certainement partie du meilleur, même si dans la liste des auteurs, quelques (rares) noms me laissent un peu perplexe.

Cet article signé Michel Segal, et intitulé "Pussy Riott, un procès exemplaire à Moscou" est un échantillon du meilleur
C'est une des meilleures analyses que j'ai pu lire sur le sujet à ce jour:

(...)
Cet épisode n’aura été qu’une occasion pour de grands journaux de dire non seulement leur haine de Poutine, mais aussi leur mépris du peuple russe. Et lorsqu’on leur fait remarquer leur russophobie, leur réponse ne varie pas : il ne faut pas confondre la Russie de Poutine avec la Russie, ni l’Eglise orthodoxe avec la Russie, ni la xénophobie russe, réelle, avec la Russie, ni l’homophobie russe, réelle également, avec la Russie, ni le nationalisme russe avec la Russie. Ce qu’aiment ces journalistes, c’est une Russie qui n’existe pas, c’est celle d’un champion du monde d’échecs converti à la politique et qui fait moins de un pour cent aux élections. La vraie Russie, c’est celle qui a le courage d’interdire la gay pride devant le monde occidental, c’est celle qui a le courage de déférer en justice trois jeunes femmes élevées en martyre dans les capitales européennes parce qu’elles ont choisi de piétiner les symboles religieux pour mieux vendre leurs disques. Prendre de telles décisions, c’est ce dont les Russes ont toujours été capables dans les moments les plus importants de l’Histoire : l’héroïsme. La voilà, la vraie Russie.
(...)

Note

[1] "La nouvelle information" (beatriceweb.eu/Blog06)
A l'époque, je citais Patrice de Plunkett !! C'est la preuve qu'il faut vraiment beaucoup de temps pour s'y retrouver, sur Internet! A moins qu'il n'ait beaucoup changé. En lisant son billet d'alors, on peut le penser.

Je citais aussi, moins flatteusement, Dominique Wolton, et ces propos incroyables tenus sur Europe 1 (à propos d'une vétille) en août 2005:
"Sur Internet il n'y a aucun filtre... La grandeur de la démocratie, c'est quand l'information est contôlée par les journalistes.... si Internet se substitue à la presse, il n'y a plus aucun contre-pouvoir au discours des acteurs qui s'expriment habituellement..."