Liban: qui distille des rumeurs d'incertitude?

Elles ont été démenties par les sources officielles, à la fois du Saint-Siège, et sur place. Article d'Andrea Tornielli (24/8/2012)

Illustration ci-contre: chrétiens à Beyrouth (Vatican Insider)

Il y a bel et bien des gens qui ne veulent pas de la visite de Benoît XVI au Liban, qui ne veulent à aucun prix de son message de paix. C'est du moins mon point de vue. Je suis personnellement convaincue que les manifestations anti-Benoît XVI, systématiques lors des voyages en Occident, inexistantes ici pour des raisons techniques, sont remplacées par des menaces sur sa sécurité - mais aussi, et c'est plus insidieux, sur celles des gens qui viendront l'écouter - [1], et surtout des rumeurs sciemment distillées d'annulation du voyage. (cf. Le Pape ira bien au Liban ).
Or, rien n'est plus étranger à la mentalité de Benoît XVI, qui a déjà maintes fois donné des preuves de son courage, de se dérober à ce qu'il pense être son devoir.
Mgr Kamil Zeidan, président du Comité central chargé de préparer la visite du Pape, interrogé par Radio Vatican disait hier:
La visite du Pape au Liban se fera malgré les difficultés politiques dans le Pays et dans la région, difficultés qui ont renforcé l'insistance du pontife à effectuer ce voyage, dans l'espoir d'aider le Liban et la région à trouver la paix et la sécurité. (Source: Raffa)

Voici le dernier article d'Andrea Tornielli (vaticaninsider.lastampa.it), qui croit lui aussi que le voyage aura lieu.
Ma traduction.

Liban, incertitudes et espoirs du voyage de Benoît
À l'heure actuelle, aucune hypothèse de report: le Pape veut être proche des chrétiens du Moyen-Orient. Toutes les forces sur le terrain, du Hezbollah, ont intérêt à ce que la visite se déroule sans problème
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En dépit des affrontements et des troubles de ces derniers jours à Tripoli, dans le nord-ouest du pays, la préparation de la visite de Benoît XVI au Liban continue à plein rythme: le Pape et ses collaborateurs travaillent sur les discours qui seront prononcés, et sur le texte de l'exhortation post-synodale, fruit des travaux du Synode sur le Moyen-Orient de 2010, qui sera signé et remis aux Églises Moyen-Orient au Pays des cèdres.

Un pays, le Liban, qui peut être à plein titre inclus dans la Terre Sainte: dans la région de Tyr et de Sidon, en effet, l'évangéliste Matthieu situe le voyage de Jésus et de ses disciples, et il cite l'épisode de la femme cananéenne, qui demande la guérison de sa fille possédée. Un pays où la présence chrétienne séculaire a été un facteur déterminant.

Ces derniers jours, plusieurs journaux ont rapporté des rumeurs alarmantes sur la sécurité formulant l'hypothèse que le pèlerinage du pape pourrait être, à la dernière minute, reporté. Hypothèse que le porte-parole du Vatican le père Federico Lombard, a promptement démentie, informant même que la «papamobile» de Benoît XVI est déjà arrivée à Beyrouth. Hier, quelqu'un d'autre a parlé des risques de la visite, le père Paolo Oglio, le jésuite qui a dû quitter le monastère de Mar Musa en Syrie après trente ans d'engagement dans le dialogue entre chrétiens et musulmans. Selon le Père Oglio, le danger serait représenté par la proximité du gouvernement libanais avec le régime syrien de Bachar al-Assad (ndt: voir ici l'article publié par Belgicatho [1]).

Il est vrai que des sources diplomatiques laissent ouverte la possibilité d'un report, dans le cas où la situation en Syrie s'aggraverait encore, rappelant ce qui s'était passé en 1994, lorsque Jean-Paul II avait été contraint d'annuler le voyage déjà organisé à Beyrouth, en raison d'une série d'attentats à la bombe contre des églises chrétiennes. Alors, toutefois, la situation était différente, et ce qui avait décidé du report du pèlerinage - qui eut lieu plus tard en mai 1997 - c'étaient aussi les tensions existant entre les chrétiens eux-mêmes. «Pour le moment il n'y a pas la moindre idée de reporter le voyage - réaffirment les sources du Saint-Siège - le pape veut visiter un pays qui a souffert et souffre, une zone sensible et problématique où les chrétiens ont été et sont un élément constitutif et traditionnellement toujours présents».

Justement, l'appel à la paix, à la coexistence, au dialogue entre les différentes religions, à l'engagement pour le bien commun et à la fin de toute violence, et surtout la proximité et le soutien aux chrétiens du Moyen-Orient, sont les objectifs du voyage. «Il est important - affirment les sources du Saint-Siège - que les chrétiens jouent un rôle actif: ils sont un facteur de stabilité et devraient continuer à le faire, à une époque de grands changements et d'incertitude pour l'avenir de toute la région».

Dans la capitale libanaise, malgré la proximité et la dépendance de la Syrie, la situation est tout compte fait calme, et il est plus que probable que personne, en ce moment ne veut ouvrir de nouveaux fronts de déstabilisation. En particulier le Hezbollah, le «Parti de Dieu», parti politique chiite Libanais soutenu par l'Iran et également la Syrie, qui est doté d'une aile militaire. Certaines factions chrétiennes libanaises sont proches du Hezbollah, et en tout cas les principales forces concernées ont intérêt à ce que tout se passe bien et que le pape puisse dire ce qu'il a à dire au sujet des chrétiens, sur la cohabitation dans la région, ainsi que sur la Syrie.

Un aspect qui tient beaucoup à coeur à Ratzinger est celui des jeunes. Benoît XVI se trouvera face à un large public de jeunes, pas seulement chrétiens, auquel faire directement parvenir un message de paix et de dialogue, ancré dans les valeurs évangéliques, différent d'autres sollicitations et incitations trop souvent axées sur la haine. Un message qui sera également présent dans l'exhortation, dans laquelle il sera question de la situation difficile des chrétiens au Moyen-Orient, mais aussi de la richesse représentée par leurs traditions et rituels , et du rôle que cette composante irremplaçable doit continuer à jouer.

Après les espoirs suscitées par le «printemps arabe», qui a vu aussi des chrétiens comme protagonistes, c'est le moment des difficultés et des incertitudes: de nombreuses communautés chrétiennes ont peur. Des régimes qui leur avaient assuré la survie tombent, il y a un risque de sombrer dans le chaos. Et même dans les pays où l'on cherche à sortir de la difficile situation d'après-guerre, comme dans le cas de l'Irak, les chrétiens se sentent menacés par le fondamentalisme et le manque de sécurité, mais ne veulent pas tomber dans des «réserves» qui les séparent du reste de la population avec laquelle ils ont vécu ensemble pendant des siècles.

Note

[1]: Grâce à Belgicatho , on se retrouve sur le site du journal canadien la Presse, (voir ici http://fr.wikipedia.org/wiki/La_Presse_(Montr%C3%A9al) ) avec une interviewe du père Paolo Dall'Oglio, membre de la communauté jésuite de Syrie
Une réplique fait froid dans le dos, même s'il est difficile de faire la part entre la désinformation, et la crainte réelle pour la sécurité du saint-Père.

C'est une occasion pour le Saint-Siège d'exprimer sa solidarité avec toute la population souffrante à cause de la répression des désirs et des aspirations légitimes des populations. Le risque sécuritaire pour le voyage est énorme. Il est possible que les services secrets de Damas envoient des extrémistes sunnites mettre une bombe dans le stade où sera le pape, pour que les révolutionnaires de Syrie soient accusés de l'attentat.

Cela rappelle les menaces précédant le voyage en Turquie, en novembre 2006

La sécurité des autres serait effectivement l'UNIQUE RAISON qui pourrait pousser le Pape à annuler le voyage.

La grosse différence avec le voyage en Turquie est qu'alors, il ne s'agissait pas d'une visite pastorale, et que les rassemblements de foules étaient extrêmement limités: la sécurité en jeu était uniquement celle du Saint-Père, et de son entourage immédiat.
L'exemple qui me vient à l'esprit (certes infiniment moins dramatique) est l'annulation de la visite à la Sapienza en janvier 2008.