Le Pape ira bien au Liban

En doutait-on? Le 17 juin, Caroline Pigozzi faisait état sur Europe 1 de l'annulation du voyage du Pape au Liban. Rumeur persistante, que le Père Lombardi a dû démentir hier (21/8/2012, mise à jour le 23)

Chronique de Pigozzi

Quelqu'un, parmi mes lecteurs, m'a dit récemment que Caroline Pigozzi préparait un livre sur le Vatican. Comprendre évidemment "les scandales" Vatileaks, car la dame ne s'intéresse que de très loin à la spiritualité, encore moins à la religion - surtout catholique.
Préparons-nous donc au pire, et gardons bien en mémoire le déroulement des faits (cf. Vatileaks).

Après s'être servi, au choix, un wisky bien tassé, ou une camomille au miel, on peut commencer par ré-écouter ces deux chroniques dominicales "Religion" (prière de ne pas rire) sur Europe 1, celle du 27 mai ("Rien ne va plus au Vatican"), et celle du 3 juin ("Le majordome manipulé"), concentrés de fiel, d'obsessions personnelles, de fausses informations - dont certaines flirtent avec la diffamation - et de demi-vérités. Dans la seconde des deux, elle admet connaître "Paoletto" (qu'elle qualifie de personne "rationnelle"!! c'est plutôt le contraire qui a émergé de ses actes et encore plus de ses interrogatoires, où il s'est défini comme un "infiltré du Saint-Esprit"!). Comme il est peu probable qu'elle l'ait croisé dans le monde qu'elle fréquente, on doit admettre qu'elle l'a connu pour des raisons professionnelles.

Justement, jusqu'à il y a très peu de temps, j'étais convaincue - et je l'ai dit à plusieurs reprises dans ces pages (cf. http://tinyurl.com/d2klfdl) - qu'elle ne savait rien, n'avait aucune information, et inventait. Certes, ce qu'elle fait est le pire du journalisme, dire qu'elle est incompétente relève de l'extrême litote, mais réflexion faite, on se demande comment les medias du groupe Lagardère (Europe 1, Paris-Match) - qui n'est pas réputé être une association caritative - paieraient une journaliste has-been pour rien!
Donc, Caroline Pigozzi a effectivement des entrées au Vatican - même si elle y met sans doute rarement les pieds, en tout cas côté Place - et ce qui est très grave, des gens de l'intérieur lui communiquent des informations.
Comme je sais qu'elle est au mieux avec un cardinal français de la Curie, on peut se poser des questions.

Hier, je lisais un communiqué surprenant du Père Lombardi, émanant de radio Vatican en français :

“La préparation du voyage du Pape au Liban se poursuit sans incertitudes de la part du Vatican” ; c’est ce qu’a affirmé le père Federico Lombardi.
Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège répondait aux questions de l’AFP suite aux craintes exprimées par plusieurs sources sur un éventuel report de ce voyage, en raison des répercussions de la crise syrienne sur le Liban. Pour appuyer ses propos, le père Lombardi a ajouté que la papamobile était déjà partie pour Beyrouth.
(L'information figure aujourd'hui sur la page d'accueil du site News.va)

Pourquoi cette mise au point était-elle nécessaire? Pour moi, il ne fait plus aucun doute depuis belle lurette que le voyage aura lieu, au point que j'ai ouvert une rubrique (Liban) tout exprès, mais la réponse est en quelque sorte donnée dans l'article.
Et, pour parler familièrement, ça a fait "tilt" dans ma tête.
Je me suis souvenue d'une des dernières chroniques dominicales sur Europe 1, le 17 juin dernier. Elle répondait comme d'habitude aux questions d'un complice lambda, dont le nom importe peu ici, il a de nombreux clones dans la station et se signale (à peine!) par sa méchanceté.
J'ai retrouvé sans difficulté l'enregistrement sur le site de la radio, et je me suis donnée le mal de retranscrire l'échange. C'est surtout la deuxième partie qui nous intéresse ici, même si la perfidie de la première, sur les déboires de l'IOR, me laisse sans voix.

- Avec vous depuis plusieurs semaines on a une expertise et on voit de près les conséquences de l'affaire du Vatican (ndlr: je suppose qu'il voulait dire des Vatileaks) un scandale qui a éclabousé au plus haut sommet... où en est-on aujourd'hui, on essaie toujours d'étouffer cette affaire?

-- Vous savez qu'au Vatican le silence est d'or donc moins on en parle mieux ça vaut, c'est une vieille consigne, mais il faut quand même essayer de rétablir la confiance et d'essayer de... de parler de transparence, surtout qu'il y a là un vrai problème, rétablir la confiance du "généreux" (les guillemets sont de moi, mais on les percevait clairement au ton) peuple de Dieu, car dans quelques jours, le 29 juin, fête de Saint Pierre et Saint Paul, c'est traditionnellement ce jour-là que l'Eglise de Rome reçoit le denier de Saint-Pierre (en fait, il s'agit de la "charité du pape"), et ils ont peur que, comme en Allemagne à la suite des multiples scandales, les croyants soient moins motivés. Donc, il a été organisé une visite de l'IOR, donc la banque du vatican, donc un certain nombre de journalistes triés sur le volet vont aller visiter cette banque pour qu'on leur montre que c'est un endroit tout à fait convenable et... ça va être une visite avec le directeur Paolo Cipriani (1) qui est un banquier romain international qui depuis 5 ans en fait dirige cet établissement et... voilà, c'est juste pour montrer qu'y a rien à cacher dans cet endroit, parce que évidemment sotto voce les journalistes disaient des choses épouvantables, d'ailleurs tout comme les cardinaux depuis quelques semaines. Et il faut savoir que les cardinaux bien sûr (?) n'ont absolument plus le droit de parler à nos confrères, ils ont (sic!) même pas le droit de leur parler au téléphone (et ils risquent quoi? le goulag?)


- Ouais... Donc il y a vraiment une ligne de conduite qui a été demandée au Vatican à tous ses membre, "surtout ne parlez pas ne dites rien"

-- "Surtout ne dites rien". Mais malgré cela il y a quelque chose qui a filtré qui est une information de taille, et qui est même assez inquiétante: le pape qui devait se rendre au Liban les 14, 15 et 16 septembre prochains et être reçu par le patriarche du Liban Béchara Raï (une évidence! mais elle en parle, car elle a fait un papier sur lui pour justifier son statut de grand reporter, un peu d'auto-pub ne fait pas de mal), est si fatigué et déstabilisé par ce qui s'est passé les semaines passées avec les fuites des documents dans la presse que, vu sa tension euh... sa tension physique et la tension internationale en Syrie, il pense inutile de forcer le destin et de se rendre au Liban, la date est donc remise à plus tard.


- Vous y voyez un prétexte, vous?

-- Euh... oui, j'y vois un certain prétexte bien sûr, parce que je crois que ça stresse énormément le Pape de voyager même en temps normal alors en plus quand lui tombe quelque chose comme ça sur la tête, c'est... ça le déstabilise complètement, enfin, si on peut employer ce mot là.

(http://www.europe1.fr/MediaCenter/Emissions/Caroline-Pigozzi/...)

Si l'on comprend bien le propos, déjà le 17 juin, de vilaines rumeurs circulaient au Vatican (parmi les journalistes? les ecclésiastiques? le petit personnel?) sur une annulation du voyage du Pape. La Pigozzi les donnait hâtivement pour acquises.
Mais elles étaient bien réelles, au point que le Père Lombardi a jugé nécessaire de les démentir.
On sait que chaque déplacement du Pape, surtout à l'étranger, est précédé, longtemps à l'avance de polémiques diverses (manifs d'opposants, coût du voyage, et même menaces de mort). Cette fois, rien. Il semble qu'"on" s'y prenne autrement. Mais il y a des gens qui ne veulent pas que le saint-Père se rende au Moyen-Orient. Et la Pigozzi leur sert de relais.

(1) Cf. benoit-et-moi.fr/2012%20(II)
C'était le 28 juin.
Angela Ambrogetti écrivait:
Le Vatican, en pleine tempête "Vatileaks", a laissé jeudi la presse internationale pénétrer dans son Institut pour les oeuvres de religion (IOR), objet de tous les fantasmes, pour tenter de la persuader qu'il n'est que le bras financier de ses oeuvres de charité.
Convaincant ou non, l'exercice, arbitré par le directeur général de l'IOR, Paolo Cipriani (*), aura attiré 55 journalistes, en majorité de la presse italienne,
mais aussi de l'étranger, parfois venus exprès à Rome. D'autres n'ont pas été admis faute de place.

Il est probable que la Pigozzi, qui a ses entrées dans la bonne société, et qui sait devoir glisser 20% de faits véridiques dans ses articles, condition sine qua non pour ne pas se ridiculiser et faire passer les 80% de mensonges, était parmi ces "journalistes étrangers venus exprès à Rome". Initiative en pure perte, donc, de la "nouvelle communication" du Vatican

(*) Paolo Cipriani est depuis 2007 le directeur général de l'IOR, dont Ettore Gotti-Tedeschi a été le président de 2009 à 2012. Qu'on ne compte pas sur moi pour expliquer la distinction entre les deux fonctions. Je l'ignore.