Un miracle en Ouganda

Le témoignage bouleversant d'une infirmière ougandaise, Rose Busingye, qui consacre sa vie à soigner les malades du sida, et a fondé l'ONG " Meeting Point International " à Kampala. Une interviewe dans l'Avvenire, reproduite sur Religion en Libertad, et traduite par Carlota (18/12/2012)

>>> Image ci-contre: Rose Busingye au Meeting de Communion et Libération, à Rimini

     

Lors du Synode sur l’Afrique, en Octobre 2009, Rose était présente comme observatrice.
Son très beau témoignage avait été publié dans la revue Tracce de Communion et libération:
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Après avoir participé au synode comme auditrice, Rose, l'infirmière ougandaiseretourne chez elle, en emportant le regard du pape : « c'est un père qui est avec nous».
Elle explique pourquoi il l'a changée...
--> La suite ici: benoit-et-moi.fr/2010-I

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L’Ouganda est actuellement sous le feu des projecteurs, en raison d’une campagne médiatique particulièrement abjecte – et qu’aucune « communication » au monde n’aurait pu bloquer – faisant suite à la publication du Message du Pape pour la journée mondiale de la paix 2013. Commencée en Italie dès le 14 décembre, (j’avais traduit une réfutation par l’hebdomadaire Famiglia Cristiana: Les catholiques et les bobards au sujet du Pape) , elle s’est ensuite répandue comme une métastase. Dossier complet à lire sur le site Riposte Catholique. (3)
Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard que ce soit justement l’Ouganda qui se trouve dans l’œil du cyclone...

     

J’aborde là un thème bien connu mais malheureusement qu’on ne veut pas (ou qu’on ne peut pas beaucoup) entendre en Occident (original www.religionenlibertad.com). Et si c’était aussi parce que les industries pharmaceutiques y trouvent leur compte et tout un système politico-économique à courte portée qui profite ou s’appuie sur des idéologies et inversement ?

(Carlota, 18/12)

     

Un miracle en Ouganda ?

Rose Busingye est la fondatrice et directrice de l’ONG « Meeting Point International » à Kampala, Ouganda (1), où elle travaille depuis de 20 ans comme infirmière dans les quartiers les plus pauvres, mais de façon particulière avec « ses » deux cents femmes séropositives.

Plus de 1500 malades du sida
Aujourd’hui ce qui se propage au « Meeting Point » (ndt Point de rencontre), c’est l’espérance de la foi catholique de Rose, pour qui les sigles VIH ne sont pas quelque chose d’étranger ou indésirable mais son travail quotidien : plus de 1000 malades du sida profitent de ses soins, 1500 orphelins sont scolarisés, 500 personnes s’occupent des malades, une maison avec une centaine d’enfants avec plusieurs « mamans », deux médecins, quatre infirmières et vingt volontaires.
Ils vivent de la vente d’objets d’artisanat, des dons et du soutien public. Mais pour elle le plus important est que derrière chaque numéro, il y ait une personne avec une valeur infinie.

Le préservatif, dernier recours
« Le préservatif ne sert à rien si l’on ne change pas avant la méthode, la façon de vivre » affirme Busingye dans un entretien avec le journal « Avvenire ».

[Ndt : attention ce qui suit est la traduction d’une déclaration qui pour la bien-pensance est très politiquement incorrecte…Mais entre ce qui se passe et ce que l’on veut qu’il se passe, il y a parfois une très grande différence. C’est une personne qui ne vit pas dans un bureau en Occident qui parle, mais une personne qui soigne et côtoie en permanence des malades].

« Appliquer un instrument sans changer de vie ne mène nulle part ; ce serait comme de dire que tu es un animal et que par conséquent tu agis seulement en suivant ton instinct, que tu n’es pas un homme qui peut se contrôler. C’est pourquoi, aujourd’hui, parmi nous, en Afrique, l’usage du préservatif se voit seulement comme le dernier recours. Avant nous devons nous demander quel sens a le sexe et comprendre quelle est la valeur de chaque personne. Parce que aujourd’hui, ce qui est le plus important au monde, c’est exalter une idole. Mais ce qui est sûr c’est que si j’aime réellement l’autre, je cherche son bien, et si je sais que la méthode que j’utilise comporte un risque, même minime, alors j’essaie qu’il ne courre pas ce risque. Le véritable problème c’est éduquer la personne en comprenant qu’il a une valeur plus grande dont il en est responsable », assure-t-elle..

« Je n’impose rien, je le vis simplement »
Rose est très consciente qu’un changement de vie comme celui-là ne peut s’imposer mais qu’on ne peut que l’accueillir volontairement à travers l’exemple : « Je ne propose pas ce mode de penser. Simplement je le vis et ils le voient en moi. Éduquer signifie amener la personne à sa propre connaissance. Ma façon de faire, ce n’est pas un sermon, c’est quelque chose que se voit en le vivant. Quand on fait ce chemin, on se rend compte que répondre uniquement à un besoin (comme peut-être le sexe) en oubliant sa propre personne dans sa totalité, te laisse insatisfait. Parce ce que le cœur est un désir d’infini. Par exemple : c’est incroyable ce qui se passe à Kampala. Nous jouons avec les enfants, nous leur faisons classe, nous leur apprenons à chanter, nous dansons ensemble…Et quand les parents le voient ils leur disent : « Montrez-nous ! Nous aussi nous voulons apprendre ! ». C’est un bonheur contagieux. Toutes les organisations de lutte contre le sida qui voient le « Meeting Point » croient que notre joie est due à la réception de médicaments spéciaux, ce qui n’est pas vrai. Parfois les gens doutent qu’ils sont réellement malades. Mais ce qui est sûr c’est que lorsque l’on vit ainsi, on se sent mieux, et alors on commence à soigner les autres. De là nait quelque chose de très beau. Tous se sont engagés à se prévenir davantage contre l’infection et luttent pour protéger la vie parce qu’ils savent que la vie à une valeur. C’est un effet que ne peut obtenir le préservatif », soutient-elle.

L’exemple d’un Président non catholique
« En Ouganda nous avons la chance d’avoir un président, Yoweri Museveni, qui l’a compris dès le début et j’en suis très fière. Il n’est pas catholique et cependant il se trouve parmi les personnes qui, il y a trois ans, dans la tempête qui s’est levé après ces déclarations du Pape à l’occasion de sa visite en Afrique, s’est placé aussitôt de son côté. Parce que notre salut n’est pas à l’intérieur d’un morceau de plastique. Nous n’allons pas nous sauver grâce à un préservatif. Nous devons redevenir des hommes véritables, avec une grande dignité et une grande valeur. Et ce n’est pas un discours catholique (ndt : sauf que bien peu de discours qui ne sont pas inspirés des discours de l’Église Catholique donc Universelle, sont de ce type), parce que cette valeur ce n’est pas la religion catholique, ni même le Pape, qui nous la donne. Le Pape nous le donne à connaître, nous éduque pour comprendre que nous sommes des hommes qui avons une valeur infinie. Répondre seulement à nos instincts, à nos besoins immédiats, c’est trop peu pour la grandeur de notre cœur », affirme Rose, qui pour ce qui est de la grandeur, en sait pas mal : « Ici, à Kampala, un groupe de femmes pauvres et malades du sida va chaque jour casser des pierres pour les vendre aux entrepreneurs, et elles mangent une fois par jour. Quand elles ont appris le tsunami et l’ouragan Katrina aux Etats-Unis, nous leur avons demandé de venir prier pour les victimes et elles nous ont dit : « Nous savons ce que veut dire vivre sans maison, sans manger. S’ils appartiennent à Dieu, ils nous appartiennent aussi ». Elles se sont organisées en groupes pour casser les pierres et finalement elles ont recueilli deux mille dollars qui ont été envoyés à l’ambassade des Etats-Unis. Et après le tremblement de terre de L’Aquila en Italie, elles ont dit : « Ce sont des Italiens, du pays du Pape, ils sont nos amis, et plus même, ils sont notre tribu », et elles ont recueilli et envoyé deux mille euros. Les journalistes se sont scandalisés : ils sont venus voir si ces gens étaient vraiment pauvres. Pour eux ce n’était pas juste, quand on fait un acte de charité, c’est qu’on donne ce que l’on a en trop, non ce dont on a besoin. Mais une femme malade leur a dit : « Le cœur de l’homme est international, il ne connaît pas de races, de couleur, et il s’émeut toujours ».

En 2009, Rose a participé comme rapporteur lors du Synode pour l’Afrique à Rome, et est chaque année invitée à faire connaître de par le monde ce qui est déjà connu comme « le miracle de l’Ouganda ». Si le nombre de malades du sida a diminué drastiquement (3), c’est grâce à l’immense travail de personnes comme Rose qui savent que le secret n’est pas de mettre une reprise mais d’apprendre la haute couture de la dignité (3).

     

Notes de traduction

(1) On trouvera ici un très intéressant rappel préhistorique et historique sur l’Ouganda, actuellement la moitié de la superficie de la France pour 35 millions d’habitants. Ce pays d’Afrique orientale a connu l’influence musulmane tardive (XIXème) quasiment en même temps qu’arrivaient les premiers missionnaires chrétiens. C’est un français, le Père Siméon Lourdel (1853-1890) qui est à l’origine de la présence de l’Église catholique en Ouganda. Le pays a été un protectorat britannique que quelques décennies au XXème siècle avant la date de son indépendance en 1962. En Occident l’on a beaucoup retenue la dictature du général Amin Dada (1971-1979) qui malheureusement ne commençait ni ne finissait des conditions particulières de gérer le pays (je ne sais pas néanmoins si l’avortement légal s’y pratiquait comme en Occident). Le film «Le dernier roi d’Écosse» (sortie France 2007) a permis aux plus jeunes générations d’avoir quelque aperçu (avec les avertissements d’usage par rapport à ce genre de production, à partir d’un livre témoignage) sur ce magnifique pays et ses habitants à cette époque.

(2) La contagion du sida en Ouganda est passé de 21 à 7% en 10 ans.

(3) Une polémique a été lancée récemment sur le fait que le Pape aurait béni la « tueuse de gays », femme politique ougandaise qui voudrait établir la peine de mort pour les homosexuels. La réalité comme d’habitude est bien différente. Il s’agit de rétablir la peine de mort pour les violeurs atteints du sida et ayant eu comme victimes des enfants (il s’agirait donc de la peine de mort pour des pédophiles). Ce type de peine existe notamment des certains états des Etats-Unis d’Amérique.