Une loi Martini sur l'euthanasie?

Le second testament du Cardinal Martini (ce n'est pas lui qui l'a écrit!). Après l'éloge funèbre de Marco Politi (cf. La mort du cardinal Martini ), Il Fatto Quotidiano, principal relais italien des Vatileaks (au point que cela en devient suspect!!!) remet le couvert, en recrutant le Cardinal Martini dans sa campagne pour "le droit à mourir dans la dignité" (1), à travers une lettre de sa nièce, qui aurait recueilli les confidences de son "petit oncle" peu avant sa mort (7/9/2012)

Carlo Maria Martini a choisi, nous dit-on, le moment où il fallait dire "Assez".
Et Jésus sur la Croix?
Et de toutes façons, est-ce le rôle d'un Cardinal de l'Eglise catholique romaine?

A moins que tout ne soit inventé, mais là, un démenti autorisé est nécessaire.

 

Maintenant, qu'ils approuvent une «loi Martini»
Paolo Flores d'Arcais (2)
Il Fatto Quotidiano, 6 Septembre 2012
(Du site http://www.finesettimana.org/)
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Giulia Facchini Martini, nièce du cardinal Carlo Maria Martini, a raconté avec une simplicité touchante la mort de son oncle, avec une lettre qui commence ainsi: «Cher oncle, mon petit oncle (ndt: ou tonton, si l'on veut), comme je me plaisais à t'appeler ces dernières années lorsque la maladie avait effacé ta pudeur naturelle à la manifestation des sentiments, ceci est mon ultime, intime salut».

Il y a des passages dans la lettre qui concernent surtout, et peut-être seulement les croyants, pour qui «l'esprit, l'essence vraie, demeurait forte, même si ce n'tait pas visible à l'oeil» après la mort, après que «là, sur le lit, restait seulement l'enveloppe physique».
Mais il y en a d'autres qui nous regardent tous, qui regardent de près chaque citoyen (et en effet, n'est-ce pas précisément cette marque de la présence du cardinal en charge du diocèse de Milan qui a poussé de nombreux agnostiques et athées à lui donner un dernier adieu?).

Giulia écrit: «Tu voudrais que nous parlions de l'agonie, de la difficulté à aller à la rencontre de la mort, de l'importance d'une bonne mort».
Et elle estime qu'en parler est un devoir, quand on voit un patient atteint de SLA (ndt: sclérose latérale amyotrophique... je croyais qu'il s'agissait de la maladie de Parkinson) qui est proche du cercueil.
Elle s'adresse donc ainsi à son oncle: «Tu avais peur, non pas de la mort elle-même, mais de l'acte de mourir, du trépas et de tout ce qui précède. Nous en avons parlé ensemble en Mars, et moi, qui comme qu'avocate, m'occupe également de la protection des faibles, je t'avais invité à exprimer de façon claire et explicite tes volontés sur les soins que tu souhaitais recevoir. Et cela fut ainsi».

Sur cela, il a déjà été écrit, du refus de la nutrition et de l'hydratation artificielles qu'une loi funeste voudrait rendre obligatoire pour de nombreux mourants.
Plus important est ce qui suit: «Tu avais peur, peur surtout de perdre le contrôle de ton corps, de mourir étouffé (...). Avec la conscience partagée que le moment approchait, tu as demandé à être endormi. Ainsi, une doctoresse avec deux yeux clairs et limpides, un expert médical qui accompagne la mort, t'a administré un sédatif» (ndt: ou si l'on veut 't'a endormi'; le mot italien est "sedato")

Carlo Maria Martini a décidé, décidé librement et souverainement, le moment où il voulait perdre définitivement connaissance, ne plus «vivre» sa propre agonie et sa mort. C'est cela et rien d'autre, en effet, que signifie être "sedato". Ne plus rien sentir, ne plus rien éprouver, être «physiquement inconscient» (même si un croyant croit, et donc Giulia le réaffirme, que l'esprit demeure mystérieusement présent dans la sédation, tout comme ile sera présent dans la mort et, plus tard, dans l'éternité). Être déjà, subjectivement, dans le sommeil éternel, le repos éternel, dans la fin irréversible de toutes les souffrances et toutes les angoisses.

Carlo Maria Martini a à juste titre joui de la liberté de choisir le moment où dire "assez", d'être mis sous sédation, de ne plus rien éprouver, le moment où «une doctoresse avec deux yeux clairs et limpides» a accompli le geste que le malade a demandé. C'est «l'alliance médecin-patient», trop souvent invoquée de façon inappropriée et sadique, pour imposer au patient des heures et des jours d'éveil etde souffrance qu'il voudrait refuser.

Carlo Maria Martini a joui d'un privilège, alors qu'il aurait dû jouir d'un droit. Un privilège, parce que chaque jour dans chaque hôpital italien, il y a des êtres humains, «sujets vulnérables», qui adressent la même requête, être mis définitivement sous sédation, ne plus éprouver quoi que ce soit, alors que leur corps s'approche de son dernier souffle, et qui ne sont pas exaucés, ne trouvent pas leur «doctoresse avec deux yeux clairs et limpides», mais la dureté bureaucratique inhumaine qui refuse la sédation définitives. Malades en phase terminale qui pendant des heures, des jours, des semaines, sont contraints à la succession monstrueuse de périodes de sédation alternant avec des périodes d'éveil et de conscience, saturés des angoisses que le cardinal Martini à juste titre prétendait éviter, ne pas percevoir, laisser vivre à son organisme, mais pas à son être conscient.
Maintenant, grâce aux mots confiés à sa nièce, il demande à tous, donc en premier lieu aux institutions «de partager ses peurs [de mourant], d'écouter ses désirs sans crainte et sans hypocrisie».
Voilà, il me semble que la meilleure façon d'honorer le cardinal Martini serait une «loi Martini» qui établisse sans équivoque le droit de chaque malade à choisir le moment où il recevra une sédation définitive qui l'accompagne dans une inconscience irréversible et parfaite à la mort de l'organisme.
Mais je suis encore plus certain que la hiérarchie de l'Église et les politiciens qui sont ses valets (presque tout le monde, même à «gauche») et les athées dévots et les faux libéraux qui font rage dans les médias et dont le nom est Légion, trouveront mille failles pour dire non.

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(1) La lettre est clairement un plaidoyer pour le "testament biologique", ou DAT (cf. http://it.wikipedia.org), objet d'âpres débats en Italie (cf. La mort du cardinal Martini ).
On objectera que ce n'est que la voix fabriquée par les médias d'un cardinal mourant.
Il n'empêche, cette voix, on pourrait difficilement l'attribuer à quelqu'un d'autre d'aussi prestigieux. Indépendamment du procédé rhétorique classique qui consiste à susciter des larmes de compassion à partir d'une situation précise, quoi que l'on pense par ailleurs de l'idée développée ici (je parle ici des non-croyants), ceci n'est pas l'enseignement de l'Eglise catholique. La femme de César doit être insoupçonnable, a dit Plutarque, et la sagesse populaire a repris l'adage. Un cardinal d'autant plus.

(2) Florès d'Acais est une vieille connaissance de ce site, il en a été souvent question, voir ici http://tinyurl.com/cwh9row .
Le Pape le connaît bien, il avait accepté de débattre avec lui, en 2000, et cela avait donné un livre traduit dans le monde entier (devinez pourquoi) "Est-ce que Dieu existe?" (cf. http://beatriceweb.eu )