Magdi Allam: ce jour où il m'a baptisé

Témoignage, celui d'un grand courage, et d'un homme libre: Benoît XVI a résisté aux pressions de l'appareil vatican; traduit par Carlota (15/2/2013)

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Les noces gay, suicide de l'Europe

     

Que votre parole soit oui, oui, non, non; ce qu'on y ajoute vient du malin (Matthieu 5-37): c’est ce que l’on trouve comme en-tête sur le blog de Magdi Cristiano Allam, celui qui fut baptisé par le Pape Benoit XVI le 22 mars 2008. Il vient d’y dévoiler récemment une petite anecdote…

En espagnol: http://infocatolica.com/blog/buhardilla.php/
(et en italien ici, sur le site de Magdi Cristiano Allam)

     

J’ai gardé jusqu’à présent la réserve sur mon expérience directe avec la réalité interne de l’église, qui m’a fait touché de la main la gravité d’un conflit allumé entre le Pape et l’appareil qui s’occupe de la gestion de l’État du Vatican, en considération de mon éternelle gratitude envers Benoît XVI pour avoir voulu être celui qui m’a donné le baptême, la confirmation et l’Eucharistie lors de la Veillée Pascale le 22 mars 2008.

J’étais encore musulman quand a surgi en moi non seulement une estime particulière mais aussi une irrésistible attraction pour le Pape, à l’occasion de la Lectio Magistralis prononcé à l’Université de Ratisbonne el 12 septembre 2006, il a eu l’honnêteté intellectuelle et le courage humain de dire la vérité historique sur l’expansion de l’islam réalisé à travers des guerres, des conversions forcées et un fleuve de sang qui ont soumis les côtes orientales et méridionales de la Méditerranée qui étaient chrétiennes à 95%. Il ne l’a pas fait directement mais en citant l’empereur byzantin Manuel II Paléologue.

Il s’agit d’une évidence historique attestée dans les livres d’histoire eux-mêmes, qui est enseignée dans les écoles des pays islamiques. Et cependant, pour l’avoir dit le Pape, s’est vu condamné, même à mort, par les gouvernements et les terroristes islamiques.
De même qu’il a découvert qu’il avait contre lui l’ensemble de l’Occident chaque fois plus déchristianisé (*) et surtout tout, qu'il a eu à affronter les critiques internes de sa propre Eglise.
Benoît XVI, de fait, a été obligé par ceux qui régentent la diplomatie vaticane, à se justifier trois fois, répétant qu’il ne cherchait pas à offenser les fidèles musulmans, mais sans céder à la pression de transformer la justification en une excuse publique. Cela n’a pas suffi pour calmer ni la colère des islamiques ni la tendance à la reddition des diplomates du Vatican. C’est ainsi que le Pape a été obligé d’aller en Turquie et de se trouver à côté du Grand Mufti en "priant" (ndt l’image effectivement donnait cette impression, mais la prière est une chose différente) ensemble vers la Mecque dans la Mosquée Bleue d’Istanbul.

Cela, de fait, a marqué un succès de la diplomatie vaticane, obligeant le Pape à se rendre à ce qu’il définit lui-même souvent comme la « dictature du relativisme », considérée comme le mal profond de notre civilisation parce que, en mettant au même niveau toutes les religions et cultures, en faisant abstraction de son contenu, elle finit par légitimer tout et le contraire de tout, le bien et le mal, la vérité et le mensonge, en nous faisant perdre la certitude de la foi dans le christianisme.

J’ai ressenti une identification avec l’expérience de Benoît XVI et je l’ai imaginé comme un Pape isolé et assiégé par un appareil clérical hostile à l’intérieur du Vatican. Son extraordinaire intelligence, son immense culture et son inégalable capacité à interpeler notre raison et à nous accompagner de la main dans la foi, en nous démontrant avec humilité combien le christianisme est la demeure naturelle de la foi et de la raison, ont représenté pour moi un phare qui m’a éclairé de l’intérieur jusqu’à me faire découvrir le don de la foi dans le Christ.

C’est ainsi que, quand grâce à la sagesse et la fraternelle disponibilité de monseigneur Rino Fisichella, à cette époque Recteur de l’Université du Latran, qui m’a accompagné dans mon chemin spirituel pour accéder aux sacrements de l’initiation à la foi chrétienne, le Pape a accepté d’être celui qui me donnera le baptême; jai considéré que le Seigneur avait choisi d’unir ma vie à celle du Saint Père, en me l’indiquant comme le plus extraordinaire témoin de la foi et de la raison.

Eh bien, quand à la fin de la cérémonie religieuse dans la somptuosité de la Basilique de Saint Pierre, après trois infinies heures que j’ai perçues comme le jour le plus beau de ma vie, je me suis trouvé en face du Pape, en compagnie de mon parrain Maurizio Lupi, il s’est limité à un léger sourire mais d’une sérénité absolue, de celui qui est en paix avec lui-même et avec le Seigneur. Mais à peine, m’étais-je dirigé vers à la gauche pour saluer son assistant, monseigneur Gänswein, nous avons trouvé sur ses lèvres, un sourire intense, deux yeux rayonnants et de ses lèvres est sortie une exclamation de joie : « Nous avons vaincu ».

Nous avons vaincu! S’il y a quelqu’un qui vainc, cela signifie qu’il y a quelqu’un qui a perdu. Celui qui avait perdu je l’ai compris à peine avais-je passé la porte de la Basilique pour aller étreindre monseigneur Fisichella. Est apparu le cardinal Giovanni Battista Re, à cette époque Préfet de la Congrégation des Évêques, qui en s’adressant à lui à haute voix et d’une façon vaguement menaçante, lui a dit : « Si Ben Laden était vivant, nous saurions à qui l’adresser ! ».

Par la suite j’ai eu la certitude, de par différentes sources, que jusqu’au dernier instant l’appareil de l’État du Vatican avait exercé de fortes pressions sur Benoît XVI pour le dissuader d’être celui qui me donnerait le baptême, par peur des représailles de la part des extrémistes et des terrroristes islamiques, mais que le Pape n’a jamais eu le moindre doute.

C’est un fait spécifique et concret qui met en évidence comment Benoît XVI a du affronter des pouvoirs internes du Vatican qui, avec la finalité de le protéger dans le domaine de la sécurité, sont arrivés à concevoir que le Pape ne devait pas réaliser ce qui est sa mission, porter le Christ à celui qui le choisit librement.

C’est un cas emblématique de la confrontation entre l’Église universelle qui se fonde sur la spiritualité et un Vatican terrestre qui est submergé dans la matérialité comme un quelconque autre État. C’est le nœud à défaire et c’est le défi que, avec sa renonciation, Benoît XVI, nous laisse. L’Église est à une croisée des chemins: rester ancrée dans sa mission spirituelle en s’incarnant dans les dogmes de la foi et les valeurs non négociables, ou bien céder aux raisons d’État pour s’auto-perpétuer coûte que coûte. C’est le lourd héritage qui tombera sur les épaules du prochain Pape (*).

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Remarque de traduction:
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Je crois qu’à chaque époque d’une façon plus ou moins forte et claire, l’institution Église s’est trouvée à une «croisée des chemins». Mais nous savons, même si ce n’est guère confortable de l’admettre et encore plus de le vivre, que c’est toujours dans la souffrance et la précarité que l’Église confiée à Pierre, donne son plus beau témoignage, se fortifie, résiste et grandit, à la grâce de Dieu Nous ne sommes dans notre XXIème « déchristianisée » (même si dans cette Europe déchristianisée le discours de Ratisbonne n’avait été pour tous une erreur de communication bien au contraire l’expression de la vérité enfin rappelée) qu’au début de cette reprise de conscience…mais dans les difficultés y compris à nos portes, il y a des petits signes que l’on ne voyait pas encore il y a quelques années…Mais grands enfants, toujours, nous voudrions que tout change aussitôt à grands coups de baguette magique, oubliant que c’est d’abord à chacun de nous de changer et d’aider les autres à changer. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui le malin et ses alliés plus ou moins conscients semblent gagner bien des batailles…