Monti, le bienheureux laïc

Une remarquable analyse de la situation politique en Italie - qui contient de fortes leçons pour nous aussi, français - par un blogueur espagnol, Pascual Tamburri. Traduction de Carlota (5/1/2013)

Il y a quelques jours, je traduisais une interviewwe de Mgr Negri parue dans un grand journal italien (cf. Le Vatican pour Monti? Pas si sûr, dit Mgr Negri ). Le courageux prélat apportait quelques bémols au prétendu soutien de l'Eglise italienne (et donc, en filigranne, du Saint-Père) à Mario Monti, en vue des prochaines élections en Italie (même s'il ne sera pas candidat, l'actuel Premier non élu en sera forcément un protagoniste de premier plan).
Mgr Negri était très clair:

Ce sont les principes non négociables qui sont les seuls critères pour juger les candidats et les programmes gouvernementaux. Il n'y a aucune trace des thèmes éthiques dans son agenda et je me demande comment on peut parler de soutien de l'Eglise à Monti en l'absence d'un engagement explicite sur les questions de foi fondamentales.

Respectueux de la laïcité authentique, il ne pouvait évidemment pas faire allusion au fait que Mario Monti avait été mis là où il se trouve non pas pour sauver les italiens, mais pour sauver l'euro (deux missions par nature totalement antinomiques!), et servir des pouvoirs dont l'opinion publique, habilement menée par les medias, ne soupçonne même pas l'existence...

L'article ci-dessous, traduit par Carlota, est issu du portail El semanal digital.com .

     

Monti, le bienheureux laïc
http://www.elsemanaldigital.com/...
Pascual Tamburri
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À la fin de l’année 2011, Mario Monti remplaçait Silvio Berlusconi à la tête du Gouvernement italien, avec une confiance apparente en lui-même qui s’est faite contagieuse pour beaucoup; il avait tout du professionnel convaincu qu’il suffit de travailler avec sérieux et compétence pour remettre tout au clair. En l’écoutant parler, au début, beaucoup ont pensé : « allez, enfin, un type qui sait ce qu’il fait ». Beaucoup d’Italiens et surtout beaucoup de politiques hors d’Italie… puisque le professeur Monti n’a jamais été élu par le peuple, mais par la classe politique de son pays et, malheureusement d’autres pays.

Mario Monti a été, tant qu’il se limitait à son rôle technique, un précieux capital humain de l’Italie (ndt: ou des oligarques mondialistes plutôt ?). Quand il a abandonné les rôles strictement techniques, et plus encore, depuis qu’il s’est transformé en Président du Gouvernement, sa métamorphose a commencé. Au nom de ce qu’en Italie l’on appelle « sobriété », se sont multipliés les taxes et les impôts qui étaient déjà très élevés, en créant une montagne fiscale qui est, en proportion des services de l’État, la plus élevée du monde. La politique de pression fiscale sans limites, selon des commentateurs critiques comme Giorgia Meloni a provoqué une dépression de l’économie italienne, et les mesures que tout le monde attendait de la part d’un Gouvernement de supposés « techniciens », comme la lutte contre la dette publique et la stimulation de la croissance et de l’emploi, n’ont jamais vraiment vu le jour.

À la fin de l’année, Monti s’est déjà totalement fait à une vie d’homme politique professionnel, avec le spectacle de ses doutes quant à savoir s’il se présenterait ou non comme candidat aux élections générales que, de toutes façons, il devra convoquer en 2013, et que lui-même a situées dès qu’il aura obtenu l’approbation du Budget. Pour ceux qui avaient cru en lui, le plus lamentable de l’année de gouvernement de Monti a été le soutien des Chefs d’État et de Gouvernement étrangers, de gauche et de centre droit, soutien qu’ils ont prêté sans pudeur à sa possible candidature politique aux prochaines élections. Désormais, Mario Monti est l’homme qui jouit le plus de la confiance d’Angela Merkel et du Bruxelles officiel et officieux, c’est l’homme de l’Union et de la Banque d’Europe à Rome.
Mais le problème de fond qu’a cet homme du centre, c’est que si ses politiques sont au service de Berlin ou de Bruxelles et de leurs économies, alors elles ne sont pas au service du peuple italien… et au moins pour le moment c’est le peuple italien qui est celui que l’on suppose souverain en Italie.

Dès le début, Monti a gouverné l’Italie sans que le peuple italien ne l’élise. C’était un consultant de la même banque qui a déchaîné à son origine cette crise (Goldman Sachs), en outre il était président pour l’Europe de la Commission Trilatérale et membre du comité de directeur du Groupe Bilderberg, comme le rappelait Gabriele Marconi [atypique écrivain et journaliste de la mouvance Droite sociale patriotique] dans l'éditorial de décembre du journal qu'il dirige, L'Area.
L’Italie était vue comme un sujet de préoccupation à l’époque du Gouvernement précédent, de Berlusconi, non pas par intérêt en faveur des Italiens, mais par peur que l’extension de la crise en Italie n'en finisse avec le sacro-saint euro. Et les mesures adoptées par Monti et son équipe ont été beaucoup plus orientées à défendre certains intérêts financiers internationaux, à sauver certaines institutions européennes et à promouvoir certaines économies et certaines carrières institutionnelles qu’à…défendre l’Italie. Silvio Berlusconi, un homme avec beaucoup de défaut, a été l’homme élu par les Italiens dans les urnes. Et en dehors des urnes, certains médias, forums financiers et groupes de pouvoir, ont fait savoir sans dissimulation, que, soit Berlusconi était remplacé par le « technicien » Monti en 2011, soit l’économie italienne tombait. Logiquement, Monti ne se devait pas à la nation que l’on avait fait chanter mais à la finance internationale.

Et maintenant ? De nouveau, un chantage au peuple italien pour qu’il ne se trompe pas en votant. Qu’il élise un docile Gouvernement de gauche (pour augmenter les impôts il n’y a pas besoin du curriculum de Monti…il suffit d’un quelconque Romano Prodi et la vieille coalition entre les communistes et la gauche des chrétiens démocrates), ou modérément d’un quelconque petit centre, surtout docile et obéissant. Si non…
Mais il n’y aura pas de problèmes, un pays qui choisit son Gouvernement pour son compte à lui, quelle honte. Peut-être que dans le meilleur des cas, après un semblable spectacle, personne ne pourra présumer d’une cohérence démocratique. Sauf s’il est de droite, évidemment (b).

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Notes de traduction

(a) Je me demande s’il n’y a pas si les problèmes de paiement par carte bleue rencontrés par les visiteurs des musées du Vatican ne sont pas liés à certaines échéances électorales…
(b) Pour l’ensemble du texte, toute ressemblance avec la France, et avant même l’arrivée de l’actuel président, ne serait pas forcément fortuite.