Vu de France (IV)

L'éditorial de Jean-Marie Guénois dans le numéro spécial du Figaro Magazine de la semaine dernière a été reproduit hier dans l'OR, sous le très beau titre - qui n'est pas celui de l'hebdomadaire français - "L'Encyclique non écrite de Benoît XVI". Réserves (21/2/2013)

>>> Lire ici (surtout) les commentaires sur le blog de Raffa: paparatzinger6blograffaella.blogspot.it/2013/02/umilta-lenciclica-non-scritta-di.html

Voir aussi:
¤ Vu de France (I)
¤ Vu de France (II)
¤ Vu de France (III)

     

Il est fait allusion aux deux encycliques, respectivement sur l'espérance, et sur la charité. Et à celle, attendue, mais qui ne pourra plus paraître sous ce nom (à moins que son successeur ne la reprenne...) sur la foi.
Mais il y a une autre vertu, que Benoît n'a pas expliqué avec sa plume, mais écrit avec sa vie: l'humilité.
L'article a vraiment de beaux accents.
Je vais quand même émettre une réserve, parce que je suis une observatrice attentive du Pontificat, depuis le premier jour - mais elle est de taille: il n'est pas vrai qu'il a eu du mal à se couler dans le "métier de Pape": et la meilleure presse italienne s'était même étonnée de l'aisance avec laquelle il s'était glissé dans ses nouveaux "habits". Il n'est pas vrai qu'"il ne parvenait pas à se couler dans l'aisance de feu Jean-Paul II". Il n'a jamais cherché à le faire, son charisme à lui était d'une toute autre nature, tout aussi touchant, sinon plus. Il a d'ailleurs eu des mots à ce sujet dans "Lumière du monde". Il n'est pas vrai qu'il était "gauche en son corps". Quiconque l'a observé, surtout au début du Pontificat, ne pouvait qu'admirer la grâce qui irradiait de toute sa personne.
Enfin, que penser de "l'effacement de son Pontificat"?

La vérité, et toutes les pages de ce site en témoignent, c'est qu'il a été dès le premier jour cordial, gentil, humain, proche des gens, même si sa nature délicate le portait peu aux raouts géants, et si sa conception de la papauté le poussait à s'effacer derrière Celui dont il est le représentant. Et que même s'il est trop tôt pour en juger, son pontificat, loin de s'effacer, brillera dans l'histoire de l'Eglise, et même de l'humanité.
Le portrait que trace Jean-Marie Guénois, c'est celui qu'une grande partie des médias a construit dès avant son élection, et dont je n'aimerais vraiment pas qu'il s'impose à l'histoire.

Ce sera un sujet à approfondir, preuves à l'appui, dans les jours qui suivront.

     

L'Encyclique non écrite

Benoît XVI: La force de l’humilité
Par Jean-Marre Guénois

En huit années de pontificat, rien ou presque n’aura été épargné au successeur de Jean-Paul II, homme discret qui vécut son élection comme une « guillotine ». Et pourtant, son message restera.

Benoit XVI ne publiera pas l'encyclique sur la foi, pourtant très avancée, qu'il devait présenter ce printemps. Il n'en a plus le temps. Et aucun successeur n'est tenu de reprendre une encyclique inachevée de son prédécesseur. Mais il existe une autre encyclique de Benoit XVI, secrète au sens du cceur, une encyclique non écrite. Ou plutôt écrite non de sa plume mais de la geste de son pontificat. Cette encyclique n'est pas un texte mais une réalité: l'humilité.
Le 19 avril 2005, celui qui est de la race des aigles intellectuels, redouté par ses adversaires, admiré par ses étudiants, respecté par tous pour l'acuité de ses analyses sur l'Eglise et le monde, se présente, à peine élu pape, comme un agneau que l'on conduit à l'abattoir. Il utilisera même le redoutable mot de « guillotine » pour décrire le sentiment qui l'a assailli au moment où ses frères cardinaux, dans une chapelle Sixtine encore fermée au monde, se sont tournés vers lui seul, élu entre tous, pour l'applaudir. Sur les images prises alors, sa silhouette voûtée et son visage surpris (??) en témoignent.
Puis ce fut l'apprentissage du métier de pape. Il arrachait, au sens de racines blotties sous l'humus de la terre, cet éternel timide, vif en esprit mais gauche en son corps (???) pour le projeter à la face du monde. Ce fut un choc de part et d'autre. Il ne parvenait pas à se couler dans l'aisance de feu Jean-Paul II. Le monde, lui, comprenait mal ce pape sans effet. Benoit XVI n'eut pas même les cent jours de « l'état de grâce » que l'on prête aux présidents profanes. Il eut sans doute la grâce divine, fine mais si peu mondaine. Mais encore et toujours l'humilité d'apprendre au vu de tous.

Il y eut enfin ces huit années de pontificat, terribles. Jamais un pape n'avait, d'une certaine manière, si peu « réussi ». De polémique en polémique : crise avec l'islam à la suite de son discours de Ratisbonne, où il évoqua la violence religieuse ; déformation de ses propos sur le sida lors de son premier voyage en Afrique, qui déclencha un tollé mondial ; honte subie par l'explosion des affaires de prêtres pédophiles qu'il traita ; affaire Williamson où son geste de générosité envers les quatre évêques ordonnés par Mgr Lefebvre (le pape levait les excommunications) se tourna en réprobation mondiale contre Benoit XVI, parce qu'il n'avait pas été informé des propos négationnistes à l'égard de la Shoah de l'un d'eux; incompréhension et difficulté d'aboutir sur sa volonté de transparence pour les finances du Vatican ; trahison d'une partie de son entourage dans l'affaire Vatileaks, où son majordome subtilisa des lettres confidentielles pour les publier...
Pas une année de répit. Rien ne lui a été épargné. Aux violentes épreuves physiques du pontificat de Jean-Paul 11, attentat et maladie de Parkinson, semblent correspondre les épreuves morales d'une rare violence de cette litanie de contradictions subies par Benoit XVI. En démissionnant, le pape s'efface donc. A l'image même de son pontificat. Mais Dieu seul sait la puissance et la fécondité de l'humilité.