Accueil | D'un Pape à l'autre | Retour au Vatican | Collages de Gloria | The hidden agenda | Lumen Fidei | Lampedusa | Benoît et les jeunes

Le Bon Samaritain

Le Pape François, à Castelgandolfo le 14 juillet, commentait l'évangile du jour. Dans "Jésus de Nazareth", Benoît XVI proposait une autre lecture du texte de saint-Luc: le Bon Samaritain, c'est Jésus qui secourt l'humanité (15/7/2013)

Image ci-contre: Le Bon Samaritain, Eugène Delacroix (rouen.catholique.fr)

     

Commentant l'Evangile du jour, le Pape François, à Castelgandolfo, nous demande d'imiter le Bon Samaritain
------

Pour la catéchèse qui précédait l'Angélus, le Pape est revenu sur l’Evangile du jour selon Saint Luc (*), il s’est attardé sur la parabole du Bon samaritain en se posant la question de qui était cet homme ? Et de répondre: "Quelqu’un qui descendait de Jérusalem à Jéricho, et qui rencontra un homme dépouillé par des bandits et abandonné à moitié mort et qui contrairement à un prêtre et un lévite qui passèrent à côté de lui sans s’arrêter fut pris de compassion. Il s'approcha, pansa ses plaies en y versant de l'huile et du vin ; puis il le chargea sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui."
" Le bon samaritain souligne le pape est l’exemple de l’amour pour le prochain, qui met en pratique la volonté de Dieu qui appelle à la miséricorde." Et le Saint-Père citait l’exemple de Saint Camille de Lellis Fondateur des Clercs réguliers pour le service des malades, mort le 14 juillet 1614, dont c'était ce dimanche la fête liturgique. (Radio Vatican)

     

Le Bon Samaritain c'est Jésus secourant l'humanité

Dans son Jésus de Nazareth, Benoît XVI donne une lecture christologique de la parabole du Bon samaritain. (**)
--------
(Je n'ai pas le livre sous la main, j'ai donc traduit le texte en italien reproduit sur le site Cantuale Antonianum)

Les Pères de l'Eglise ont donné de la parabole une lecture christologique.
Certains pourraient dire: c'est une allégorie, donc une interprétation qui s'éloigne du texte. Mais si nous considérons que dans toutes les paraboles, le Seigneur veut nous inviter de manière toujours différente à la foi dans le Royaume de Dieu, ce Royaume qu'Il est Lui-même, alors une interprétation christologique n'est jamais une lecture complètement erronée. Dans un certain sens, elle correspond à une potentialité intrinsèque du texte, et peut être un fruit qui se développe à partir de sa semence.
Les Pères voient la parabole dans une dimension d'histoire universelle: l'homme qui gît là, à moitié mort et dépouillé au bord de la route n'est-il pas une image d'«Adam», de l'homme en général, qui, réellement, «est tombé victime des brigands»? N'est-il pas vrai que l'homme, cette créature qu'est l'homme, dans le cours de toute l'histoire, se trouve aliéné, martyrisé, abusé? La grande masse de l'humanité a presque toujours vécu sous l'oppression; et d'un autre point de vue: les oppresseurs - sont-ce eux, les vraies images de l'homme, ou ne sont-ils pas les premiers déformés, une dégradation de l'homme? Karl Marx a décrit de manière drastique l'«aliénation» de l'homme; même s'il n'a pas atteint la vraie profondeur de l'aliénation, parce qu'il raisonnait uniquement dans le domaine matériel, il a toutefois fourni une claire image de l'homme qui est tombé victime des brigands.
La théologie médiévale a interprété les deux faits de la parabole sur l'état de l'homme dépouillé comme de fondamentales affirmations anthropologiques.
De la victime de l'embuscade, on dit d'un côté qu'il a été dépouillé (spoliatus); de l'autre côté, qu'il a été battu presque à mort (vuneratus: cf. Luc 10,30). Les scholastiques réfèrent ces deux participes à la double dimension de l'aliénation de l'homme: ils disent qu'il est spoliatus supernaturalibus et vulneratus in naturalibus: dépouillé de la splendeur de la grâce surnaturelle, reçue en don, et blessé dans sa nature.

Maintenant, ceci est une allégorie qui va certainement bien au-delà du sens des mots, mais représente pourtant une tentative de préciser le double caractère de la blessure qui pèse sur l'humanité.
La route de Jérusalem à Jéricho apparaît donc comme l'image de l'histoire universelle; l'homme à demi mort sur son bord est une image de l'humanité. Le prêtre et le lévite passent outre - de ce qu'est justement l'histoire, de ses seules cultures et religions, il ne vient nul salut. Si la victime de l'embuscade est par antonomase l'image de l'humanité, alors le Samaritain ne peut être que l'image de Jésus-Christ. Dieu lui-même , qui pour nous est l'étranger, le lointain, s'est acheminé vers nous pour venir soigner sa créature blessée. Dieu, le lointain, en Jésus-Christ s'est fait proche. Il verse de l'huile et du vin sur nos blessures - un geste dans lequel on a pu voir l'image salvifique des sacrements - et nous conduit vers l'auberge, l'Eglise, où il nous fait soigner, et avance même de l'argent pour les soins.
Les traits particuliers de l'allégorie, qui différent selon les Pères, nous pouvons sereinement les laisser de côté. Mais la grande vision de l'homme qui gît, aliéné et sans défense aux bords de la route de l'histoire et de Dieu lui-même qui en Jésus-Christ est devenu son prochain, nous pouvons tranquillement la fixer dans notre mémoire comme une dimension profonde de la parabole qui concerne nous-mêmes.
Le puissant impératif contenu dans la parabole n'en est en effet pas affaibli, mais est même conduit à sa pleine grandeur. Le grand thème de l'amour, qui est l'authentique point culminant du texte, atteint ainsi toute son ampleur. Maintenant, en effet, nous réalisons que nous sommes tous « aliénés» et avons besoin de rédemption. Maintenant, nous réalisons que nous avons tous besoin du don de l'amour salvifique de Dieu lui-même pour pouvoir devenir nous aussi des personnes qui aiment. Nous avons besoin du Dieu qui se fait notre prochain, pour devenir nous aussi des prochains.

Les deux figures dont nous avons parlé se rapportent à chaque homme individuel: chaque personne est « aliénée», dépossédée précisément de l'amour (qui est en fait l'essence de la « splendeur surnaturelle» dont nous avons été dépouillés); chaque personne doit d'abord être guérie, et munie du don. Mais ensuite, chaque personne doit à son tour devenir Samaritain - suivre le Christ et devenir comme lui. Alors nous vivons de la manière juste. Alors nous aimons de la manière juste, si nous devenons semblables à lui qui nous a aimés en premier (cf. 1 Jean 4,19)

     

(*) Parabole du bon Samaritain (Luc 10.25-37)

25 Un professeur de la loi se leva et dit à Jésus pour le mettre à l'épreuve: «Maître, que dois-je faire pour hériter de la vie éternelle?»
26 Jésus lui dit: «Qu'est-il écrit dans la loi? Qu'y lis-tu?»
27 Il répondit: «Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même.»
28 «Tu as bien répondu, lui dit Jésus. Fais cela et tu vivras.»
29 Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus: «Et qui est mon prochain?»
30 Jésus reprit la parole et dit: «Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba entre les mains de brigands qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à moitié mort.
31 Un prêtre qui, par hasard, descendait par le même chemin vit cet homme et passa à distance.
32 De même aussi un Lévite arriva à cet endroit; il le vit et passa à distance.
33 Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut rempli de compassion lorsqu'il le vit.
34 Il s'approcha et banda ses plaies en y versant de l'huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit dans une auberge et prit soin de lui.
35 Le lendemain, [à son départ,] il sortit deux pièces d'argent, les donna à l'aubergiste et dit: 'Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le rendrai à mon retour.'
36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands?»
37 «C'est celui qui a agi avec bonté envers lui», répondit le professeur de la loi.
Jésus lui dit [donc]: «Va agir de la même manière, toi aussi.»

* * *

(**) Mais Benoît XVI n'est pas toujours dans la spéculation théologique et l'acrobatie intellectuelle. Il est aussi un pasteur.
Comme en témoigne, parmi beaucoup d'autres, le discours qu'il adressait le 6 mars 2010, rencontrant les volontaires de la protection civile italienne, à qui il demandait d'être "des icônes vivantes du Bon Samaritain" (http://benoit-et-moi.fr/2010-I):

La double dimension de la protection, qui s'exprime à la fois pendant et après l'urgence, est bien exprimé par la figure du Bon Samaritain, en pointillés dans l'Evangile de saint Luc (cf. Lc 10,30-35). Ce personnage a certainement fait preuve de charité et d'humilité, en aidant le malheureux au moment du plus grand besoin. Et cela quand tout le monde - certains par indifférence, d'autres par dureté de coeur - détournaient leur regard au loin. Le bon Samaritain nous enseigne, pourtant, à aller au-delà de l'urgence et à préparer, si l'on peut dire, le retour à la normale. En fait, il a bandé les plaies de l'homme gisant au sol, mais il s'est préoccupé de le confier à l'aubergiste afin que, passée l'urgence, il puisse se rétablir.