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Les nouveaux "athées dévots" aiment François

Gad Lerner, le " modérateur " du fameux débat de 2000 entre Joseph Ratzinger et Florès d'Acaïs dit " Alléluia " dans une revue catholique. Et le philosophe Zygmunt Baumann, l'inventeur de la " modernité liquide ", a droit aux honneurs de l'OR (20/10/2013)

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Joseph Ratzinger et Florès d'Arcaïs

Depuis quelques semaines, les catholiques progressistes et les athées des médias scrutent au microscope les milieux catholiques conservateurs, comme le ferait un entomologiste d'une population d'insectes: que pensent ces milieux du pape François? Pas de bien, prétendent les "nouveaux chercheurs" , à tort ou à raison.
Mais la démarche vaut aussi dans l'autre sens!
Voici donc la réaction de deux athées déclarés, apparemment bien en cour dans les médias catholiques, au plus haut niveau, puisque l'un d'eux est interrogé par l'Osservatore Romano.

Je ne compte pas parmi les athées Christiane Pedotti , auteure désormais assumée de Vatican 2035, mais elle aussi jubile - ici et .
Je ne partage pas ses idées (contrairement à ce qu'est censé avoir dit Voltaire, je n'ai aucune intention de mourir pour lui permettre de les exprimer!) mais je reconnais volontiers qu'elle dit des choses intéressantes.
Elle met en tout cas clairement en évidence ce que certains attendent du pape (1)

     

Gad Lerner

Un Pape fidèle à l'évangile (*)
Gad Lerner
"Nigrizia", octobre 2013
(Nigrizia est la revue italienne des missionnaires comboniens, consacré au continent africain et aux africains dans le monde)
Source.
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"Les principes non négociables, étendard de deux papes, sont désormais lettre morte. Avec l'interviewe au journal des jésuites, l'évêque de Rome renverse le paradigme catholique ratzingérien. Réaction de désarroi".

Ainsi, le virage explosif de François a été immédiatement reconnu par Il Foglio de Giuliano Ferrara. L'athée dévot qui s'était rangé aux côtés de Benoît XVI et de Camillo Ruini dans la bataille culturelle contre le relativisme et pour un respect intransigeant de la doctrine sur les thèmes les plus controversés de la bioéthique et de la sexualité. J'apprécie, sans ironie, le caractère péremptoire de cette reconnaissance de la part de quelqu'un qui, avec regret, voit s'achever la saison du conservatisme vatican. Du reste, la conversation de François avec le directeur de la Civiltà Cattolica, le Père Spadaro, tout comme, déjà avant, son dialogue avec Eugenio Scalfari (ndt: Gad Lerner se trompe dans la chronologie!) ne laissent pas de place au doute.

Je préfère de beaucoup la franche dissension de Giuliano Ferrara aux contorsions dialectiques de ceux qui s'attardent à soutenir une inexistante continuité entre Bergoglio et son prédécesseur démissionnaire.

J'assume la synthèse de la pensée de François, comme l'a bien fournie Luigi Accattoli: "La nouveauté du pape François, nous l'avions sous les yeux, mais jusqu'à hier, il n'y avait pas de mots pour la dire, aujourd'hui, nous l'avons, et c'est celle-là: d'abord l'évangile, et ensuite la doctrine". Il n'y a rien à ajouter. Face à la personne homosexuelle ou divorcée, face à la femme qui a avorté, il y a avant tout le mot de l'accueil compréhensif qui doit prévaloir sur l'ingérence spirituelle". Plus clair que cela... Nous reconnaissons la même ouverture à l'homme contemporain traversé de doutes et de fragilité qui fut justement celle de l'autre grand jésuite Carlo Maria Martini, pas par hasard promoteur de la candidature de Bergoglio durant le Conclave de 2005. Aujourd'hui, nous comprenons bien le pourquoi.

Le Pape François n'élude pas la contestation timidement répandue parmi les adeptes de la ligne identitaire professée jusqu'à hier au sommet de l'Eglise: pourquoi, se demandaient-ils, en un semestre de Pontificat, le nouveau pape n'a-t-il pas jugé nécessaire d'exprimer une condamnation nette aux pécheurs et pécheresses (!!!) en matière de doctrine? Pourquoi ne s'est-il pas opposé ouvertement aux codificateurs laïcs sur les matières les plus controversées pour la conscience catholique?

Il s'est agi d'un choix qui n'a pas été laissé au hasard. La formule rigidifiée des "valeurs non négociables", aux yeux de François, figure comme empêchement dogmatique là où, au contraire, les priorités du chrétien sont autres. "Nous ne pouvons pas insister seulement sur les questions liées à l'avortement, au mariage homosexuel, et à l'utilisation de méthodes contraceptives. Cela n'est pas possible. Je n'ai pas beaucoup parlé de ces choses, et cela m'a été reproché. L'avis de l'Eglise, du reste, on le connaît, et je suis fils de l'Eglise, mais il n'est pas nécessaire de parler continuellement de ces choses".

Alléluia.

* * *

(*) Est-il vraiment l'homme qu'il faut pour juger de la conformité évangélique d'un Pape?

     

Zygmunt Baumann

Baumann: "Le Pape? Une chance pour l'Eglise et pour l'humanité"
Zygmunt Baumann, le philosophe de la "modernité liquide" l'a dit à l'OR
http://vaticaninsider.lastampa.it
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"Je suis enchanté de ce que fait le Pape François: je crois que son pontificat constitue une chance non seulement pour l'Eglise catholique, mais pour l'humanité toute entière". C'est ce qu'affirme dans l'OR le sociologue et philosophe Zygmunt Bauman, auquel on doit la définition particulière de la "modernité liquide".

Selon Baumann, "le refus du légalisme et la capacité de Jorge Mario Bergoglio de toucher le cœur des personnes rappellent l'attitude analogue de Jean XXIII".
"Le pape actuel - affirme-t-il - est intrépide dans sa manière de procéder: je pense aux gestes qu'il a accomplis à Lampedusa, aux discours dédiés aux exclus du monde globalisé".

"Bergoglio - souligne Baumann - sait parler à la spiritualité typique de notre temps: les adeptes du 'Dieu personnel'. En réalité, ils ne sont pas très intéressés par les prescriptions morales des représentants des institutions religieuses, mais désirent retrouver un sens dans le caractère fragmentaire de leur existence individuelle. Ils sont encore en attente d'un évangile, dans l'acceptation originelle du terme d'une bonne nouvelle".

"Personnellement - assure le grand philosophe et sociologue - je reste en attente avec beaucoup d'espoir et d'anxiété, je dirais des développements futurs de ce pontificat".
"Ce qui m'a aussi frappé - confie-t-il - c'est l'accent que met Bergoglio sur la pratique du dialogue: un dialogue effectif, qui n'est pas conduit en choisissant les interlocuteurs qui pensent plus ou moins comme toi, mais devient intéressant quand tu te confrontes à des points de vue vraiment différents du tien (ndt: citée dans l'OR, cette remarque est vraiment odieuse: comme si, toute sa vie, Benoît XVI avait fait autre chose qu'affronter sur le terrain intellectuel les gens qui ne pensaient pas comme lui!!!): dans ce cas, il peut vraiment arriver que les dialoguant soient induits à modifier leurs propres idées, par rapport à leurs positions initiales".

"De ce type de confrontation - conclut Baumann - nous avons aujourd'hui un besoin urgent, parce que nous sommes appelés à gérer des problèmes d'une portée immense, pour lesquels nous ne disposons pas de solutions toutes faites: pensons aux questions relatives au fossé entre les riches et une partie consistante de la population mondiale qui vit encore dans la misère; ou encore à la nécessité d'arrêter l'exploitation indiscriminée des ressources de la planète, de trouver une alternative à un modèle de développement qui ne s'avère plus "soutenable" (ndt: en français, nous disons plutôt: durable)durable)

     

Pedotti

(1) Extraits
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François met volontairement en jeu la question de l’autorité de la parole du Pape. Jusqu’alors, on considérait que la parole papale était une parole enseignante qui disait des choses qui avaient une grande autorité sur le plan des dogmes. Avec François, c’est plutôt une parole qui met en marche et ouvre des perspectives. Ce n’est donc pas du tout le même type de parole que celles des papes précédents. C’est plutôt une parole qui fait parler sur elle-même, «nous» fait parler. De plus, comme il la présente dans le cadre d’une conservation, cette parole est en quelque sorte déjà en scène et en débat.
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François ne change pas les dogmes, il change le style
Ainsi, François est déjà en train de s’acheminer vers l’Eglise collégiale et délibérative qu’il a appelée de ses vœux. En diminuant le niveau d’autorité de la parole papale, qui n’est plus surplombante, il se situe à un niveau d’énonciation qui autorise la discussion. On a envie de lui répondre, d’ajouter. On pourrait presque oser dire : «Tiens, je ne suis pas d’accord» (Ce n'est pas une nouveauté!! Madame Pedotti ne s'en est pas privée sous Benoît XVI).
Nous sommes dans l’horizontalité. C’est un changement du tout au tout par rapport à la papauté, traditionnellement système de verticalité. François ne change donc pas les dogmes, il change le style.
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Les actes de François ne sont pas accidentels. On pourrait penser qu’il en fait trop car il disqualifie la parole du pape. Ce serait ne pas voir que cette disqualification est volontaire. Il veut disqualifier un certain type de parole à laquelle il serait impossible de répondre. Ce n’est pas, comme on l’entend, un pape «normal». Au contraire, en étant un homme normal, c’est un pape totalement anormal.
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La vraie question est : «Comment l’opposition à François va-t-elle se manifester ?». Pour contenir cette opposition, François compte sur l’opinion publique. L’abondance de son discours vise à prendre de vitesse toute velléité d’opposition pour être très vite devant. Les cardinaux se soucient de l’impopularité et ne voudraient pas aller contre cette popularité.

[L'incroyable conclusion]:
Pour peu qu’il ait un peu la foi
, il pense qu’il a une mission. Pour un certain nombre, son caractère prophétique le fera donc apparaître comme dangereux. Pour les autres, ils se réjouiront d’entendre une voix qui ne soit pas celle d’un gestionnaire (que n'était pas non plus, selon Pedotti et consorts, Benoît XVI) mais celle d’un pasteur et prophète. C’était, il me semble, peut-être le moment qu’on en entende une…