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Sainte-Mère Russie (IV)

Quatrième partie. L'Orthodoxie russe: Église d'État et du peuple (14/4/2013)

Image ci-contre: obsèques du Patriarche de toutes les Russies, Alexis II, en 2008
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Quatrième partie
L'Orthodoxie russe: de la faiblesse à la force. Église d'État et du peuple

Mais la manoeuvre vraiment révolutionnaire de Poutine a été de comprendre que la résurrection d'un peuple, avant même d'être économique, doit être morale et spirituelle. Et c'est à partir de cette hypothèse qu'est née l'alliance du gouvernement russe avec les «religions traditionnelles russes» c'est-à-dire, d'abord et avant tout, avec l'Eglise orthodoxe, sans laquelle il est impossible de parler même de l'âme russe.

Aujourd'hui, vingt ans après la chute du communisme athée, environ 80% de la population est baptisé dans l'Église orthodoxe russe; mais les chiffres bruts disent bien peu, surtout aux yeux de ces occidentaux qui sont habitués à percevoir les Églises orthodoxes comme des institutions «soumises au pouvoir» et porteuses d'une religion «formaliste».

En réalité, ce qui se passe en Russie, c'est que certains aspects souvent considérés comme des «faiblesses structurelles» du monde orthodoxe semblent providentiellement se traduire, ces dernières années, en «points forts». La «soumission au pouvoir» national elle-même, qui à l'époque de la révolution bolchevique fut l'un des facteurs qui mena l'Église russe à la ruine, devient un facteur de puissance, contrairement à ce qui est actuellement le cas en Occident avec l'Église catholique, laquelle, ne pouvant s'appuyer sur un pouvoir «ami», est finalement contrainte de négocier sa propre survie institutionnelle avec des Pouvoirs absolument hostiles.

Sur le formalisme présumé de l'Orthodoxie, par ailleurs il faut bien comprendre qu'en Orient, l'adhésion au christianisme n'a jamais été en premier lieu, l'adhésion à une morale ou un catéchisme , mais le fait d'appartenir à un univers symbolique commun («Si quelqu'un t'interroge sur ta foi, va à l'église et montre-lui nos icônes!» dit un proverbe russe); une adhésion moins mentale ou émotionnelle que du coeur, qu's'est avérée de fait indestructible, même face à 70 années d'athéisme d'État et 20 années de tentatives de pénétration laïciste occidentale. Le résultat est un lien viscéral entre la religion et le peuple qui, si d'un côté, il pénalise fortement la possibilité d'une oeuvre d'évangélisation en dehors des frontières traditionnelles de l'orthodoxie, de l'autre, crée un «faisceau de forces» inséparables.

De ce point de vue, la prépondérance d'un clergé marié favorise un sentiment populaire largement répandu d'«appartenance» à l'Eglise, qui n'est pas vue, comme cela arrive souvent en Occident comme «une affaire de prêtres». Si le «pope» orthodoxe, en effet, précisément en raison de son statut de prêtre et en même temps de père de famille, n'a jamais connu le prestige et l'autorité dont jouissent les (anciens) prêtres catholiques, il est également vrai que cette caractéristique a empêché que se développe en Orient ce préjugé sur le clergé considéré comme «caste sacrée» auto-référentielle, qui est aujourd'hui l'un des chevaux de bataille de l'anti-cléricalisme occidental. [Note de Mastino: nous laissons intacte l'analyse de l'auteur dans ces derniers paragraphes, mais nous ne la partageons pas et nous avons assez de matériel pour montrer que cette histoire doit être examinée à partir d'un autre point de vue qui diverge de l'analyse de cette section]

«Dieu protège le Tsar Vladimir et nous délivre du mal «orange»
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Vladimir Poutine, au-delà du jugement occidental au sujet de ses méthodes "despotique" n'a rien fait d'autre, après tout, qu'encourager cette communion naturelle entre le peuple et l'orthodoxie russe. Dans une intéressante interviewe accordée juste avant la dernière élection présidentielle au mensuel catholique italien «Tempi» par Kirill Frolov , le jeune président de l'Association des experts orthodoxes, émerge cette «gratitude» profonde envers le «tsar» Vladimir de Russie:

- M. Frolov, comment voyez-vous la situation politique en Russie à la veille de l'élection présidentielle?
- L'essentiel est de dire non à la révolution orange que veulent nous imposer les manifestants anti-Poutine. Ces révolutionnaires veulent nous faire revivre la catastrophe de 1917: ils crient «dehors le souverain» comme alors, avec le résultat qu'au tsar orthodoxe a succédé un gouvernement maudit. Et nous, orthodoxes, nous répondons avec l'hymne de la Russie impériale: «Dieu, protège le Tsar». Nous ne pouvons pas aimer ces gens qui s'agenouillent devant l'ambassadeur américain. (...) C'est pourquoi nous demandons aux catholiques italiens de nous soutenir comme nous, les orthodoxes, nous vous avons soutenus devant la Cour européenne dans la défense des crucifix dans les écoles (...).

- Pourquoi êtes-vous si préoccupé par un affaiblissement de Vladimir Poutine?
- Parce que cela serait mettre en danger les germes positifs qui ont surgi en Russie ces dernières années. Le 8 Février, Poutine a rencontré le patriarche Cyrilet tous les chefs religieux Russes : il a confirmé l'enseignement du christianisme dans les écoles et a appelé à une plus grande présence de l'Eglise à la télévision. Si la révolution gagnait, ces accords seraient compromis. Si l'Eglise a plus de place dans les écoles, les forces armées et à la télévision, nous pouvons sauver notre peuple de la drogue, de l'alcoolisme, de l'éclatement des familles, nous pouvons le faire se remettre debour (...) Le patriarche est en train de créer des dizaines de nouveaux diocèses afin que chaque paroisse du territoire russe puisse être visitée et encouragée par des évêques, afin que chaque citoyen souffrant ou dans le besoin puisse sentir l'influence d'un évêque, même dans les coins les plus défavorisés. Il a lancé un plan pour la création de 200 nouvelles paroisses à Moscou, pour atteindre chaque citoyen de la capitale. Pour que ces projets se réalisent, il faut une alliance entre Poutine et Cyril. Le président favorisera la croissance économique et défendra nos intérêts nationaux, le patriarche accomplira la renaissance spirituelle de la Russie, mettant l'Eglise en mesure d'atteindre chaque citoyen russe.

- Vous craignez que l'unité de la Russie soit en danger si Poutine n'est pas élu président, ou s'il se retrouve faible?
- Le danger de pertes territoriales de la part de la Russie se serait concrétisé si en 2000 Poutine n'était pas arrivé au pouvoir: les wahhabites étaient en passe de conquérir le Daghestan. Le danger serait à nouveau là, si la Révolution orange parrainée par les Etats-Unis l'emportait. (...) Et le sénateur McCain a menacé la répétition du scénario libyen en Russie! Imaginez ce qui arriverait si un sénateur russe avait menacé un «scénario libyen» pour Washington! Ce sont des déclarations que nous ne pouvons pas tolérer. Comme nous ne pouvons pas tolérer que l'ambassadeur américain Michael McFaul reçoive le chef de l'opposition (...). Mais les déclarations de McCain ou les rencontres de l'opposition avec des ambassadeurs étrangers provoquent l'effet inverse de celui recherché: les gens rejettent le parallèle entre Tripoli et Moscou, ils ne veulent pas de coopération entre la Russie et l'OTAN, ils rejettent la déstabilisation. Poutine est devenu le symbole de la lutte de la Russie pour sa souveraineté.

A suivre
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