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Démission du "Pape noir"

Le général des Jésuites annonce qu'il se retirera en 2016, à l'âge de 80 ans. Le site Vatican Insider lui consacre un article. Questions (24/5/2014)

Image ci-contre: www.jesuites.com (*)

     

Des rumeurs insistantes (surtout en Italie) courent sur une possible "démission" du Pape François, à plus ou moins brève échéance.
Je les avais déjà évoquées ici: benoit-et-moi.fr/2013-III/actualites/la-fatigue-du-pape-seul.html

Attention! ce ne sont que des rumeurs, voire des ragots (redoutés, et condamnés par le Pape, au point qu'il en avait fait, de façon surprenante, l'un des thèmes de ses premiers voeux à la Curie Romaine, le 21 décembre 2013), mais on sait, "Benoît XVI docet" que les rumeurs finissent parfois par provoquer les faits (et pas forcément l'inverse).
Dès 2010, à la suite des confidences de Benoît XVI à Peter Seewald dans "Lumière du monde", je ne croyais pas en la possibilité d'un Pape émérite, la seule pensée m'indignait, mais j'avais quand même publié un article qui n'excluait pas totalement l'hypothèse (benoit-et-moi.fr/2010-III)

Les rumeurs concernant une possible démission de François sont relayées par des sites moyennement fiables, comme celui-là, puisqu'une de leurs sources est... Caroline Pigozzi.
Cette dernière (qui a co-signé un livre avec un jésuite, le Père Madelin) ne sait rien de précis, comme elle l'a abondamment prouvé de 2005 à 2013, mais elle pourrait avoir des alliés puissants, urbi et orbi, c'est-à-dire capables de faire basculer les choses.
Selon un article publié dans le quotidien Libero (auquel collabore Antonio Socci) elle aurait déclaré dans une interview à un site argentin d'actualités, Infobae:

«Je crois que François a eu une vision bien à lui du pouvoir, une vision jésuite et personnelle. Il est arrivé tard, il a une mission à accomplir et il sait ce qu'il fait... le jour où il sent qu'il ne peut pas aller plus loin, que les forces l'abandonnent, il pourrait partir, comme l'a fait son prédécesseu

A relativiser, certes, puisqu'en 2004, la même Pigozzi annonçait chaque semaine la démission imminente de JPII.

Plus sérieux, le Pape lui-même a donné corps à la rumeur, lors d'une interviewe informelle au Corriere della Sera, en mars dernier (cf. Communication directe), où il disait:

Le pape émérite n'est pas une statue dans un musée. C'est une institution. Nous n'étions pas habitués. Il y a soixante ou soixante-dix ans, il n'existait pas d'évêque émérite. C'est venu après le Concile. Aujourd'hui, c'est une institution. La même chose doit se produire pour le pape émérite. Benoît XVI est le premier et peut-être qu'il y en aura d'autres.

C'est en pensant à ces rumeurs que cet article paru hier sur Vatican Insider, sans doute pas par hasard (rien dans ce site n'est dû au hasard), m'a intriguée

Mais peut-être que je me fais des idées...

     

LE SUPÉRIEUR GÉNARAL DES JÉSUITES ANNONCE SA DÉMISSION POUR SES 80 ANS
Iacopo Scaramuzzi
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Le Supérieur Général des Jésuites, l'Espagnol Adolfo Nicolas, confrère du pape François, a annoncé son intention de démissionner à 80 ans, dans deux ans, et à cette fin, il a annoncé la convocation d'une «assemblée générale» - une sorte Parlement de la Compagnie de Jésus -, à la fin de 2016.

«Plusieurs années déjà se sont écoulées depuis mon élection comme Supérieur Général de la Compagnie, et je viens d'avoir 78 ans» écrit Nicolas, 29ème successeur de saint Ignace de Loyola, dans une lettre «à toute la Compagnie» datée du 20 mai.
«Considérant les années qui viennent, je suis arrivé à la conviction que je dois prendre les mesures nécessaires pour présenter ma renonciation lors d'une Congrégation générale. Après avoir obtenu l'approbation initiale de mes assistants "ad providentiam" et ayant informé Sa Sainteté le Pape François, j'ai consulté formellement les assistants et et les "provinciaux", conformément aux exigences de notre législation. Le résultat de la consultation est favorable à la convocation d'une assemblée générale. Après en avoir traité avec mon conseil, par cette lettre j'informe toute la Compagnie qu'à la fin de cette année, je procéderai à la convocation de la 36ème congrégation générale, qui se tiendra dans les derniers mois de 2016 ».
Après avoir fait savoir que, par conséquent, la rencontre des provinciaux prévue pour Janvier 2015 à Yogyakarta est annulée, Nicolas conclut la lettre par ces mots: «Demandons à la "Madonna della Strada" (Notre-Dame-de-la-Route , particulièrement vénérée par les jésuites) qu'elle place la Compagnie avec Son Fils, sur ce parcours de discernement que nous commençons maintenant».

Comme celle du pape, la charge de supérieur général des jésuites était à vie.
Le premier supérieur de la Compagnie de Jésus à se retirer fut le Père Pedro Arrupe (la démission, en fait, lui avait été refusée une première fois par Jean-Paul II, mais l'année suivante, Arrupe fut victime d'une attaque et, une fois démissionné, Karol Wojtyla désigna un commissaire pour les jésuites).
En 1983 fut élu son successeur, Peter Hans Kolvenbach, lequel - après plusieurs tentatives rejetées par l'entourage du pape polonais dans la crainte que la démission du «Pape Noir», comme est traditionnellement surnommé le prévôt des Jésuites, ne lançât une discussion sur la démission du pape - réussit à démissionner en 2008, et vit depuis lors au Liban comme un père quelconque.

A présent, c'est au tour du père Nicolas d'annoncer sa prochaine démission.

     

(*) Annexe

LE PAPE FRANÇOIS ET LE PÈRE GÉNÉRAL DES JÉSUITES

Lettre du Pape François au Père Général des jésuites

Cher Père Nicolás,

Avec la joie la plus vive j’ai reçu la chaleureuse lettre que, à l’occasion de mon élection au Siège de Saint Pierre, vous avez bien voulu m’adresser en votre nom personnel et en celui de la Compagnie de Jésus. Vous m’y exprimez votre prière pour moi-même et mon ministère apostolique ainsi que votre entière disposition pour continuer à servir, de manière inconditionnelle, l’Église et le Vicaire du Christ, selon le précepte de Saint Ignace de Loyola.

Je vous remercie cordialement de cette disposition qui manifeste estime et proximité. J’y réponds à mon tour avec joie, en demandant au Seigneur qu’il illumine et accompagne tous les jésuites afin que, fidèles au charisme reçu et marchant sur les traces des saints de notre Ordre bien-aimé, ils puissent être – par l’action pastorale mais surtout par le témoignage de vies entièrement livrées au service de l’Église, Épouse du Christ – un ferment évangélique dans le monde, cherchant sans relâche la gloire de Dieu et le bien des âmes.

Habité de ces sentiments, je demande à tous les jésuites qu’ils prient pour moi et qu’ils me recommandent à la protection pleine d’amour de la Vierge Marie, notre Mère du ciel. En même temps, comme signe des abondantes faveurs divines, je leur adresse avec une affection particulière la bénédiction apostolique, en l’étendant à toutes les personnes qui collaborent avec la Compagnie de Jésus dans ses activités, bénéficient de ses œuvres bonnes et vivent de sa spiritualité.

François

Au Vatican, le 16 mars 2013

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Compte-rendu du Père Général après sa visite auprès du saint Père le 17 mars 2013

« A l’invitation personnelle du Pape François, je me suis rendu à 17 h 30 à la Maison Sainte-Marthe, où logeaient les Cardinaux présents au Conclave. Il se tenait à l’entrée et me reçut avec l’accolade d’usage entre jésuites. Quelques photos furent prises à sa demande. Alors que je lui présentais mes excuses de ne pas suivre le protocole, il insista pour que je fasse envers lui comme envers tout autre jésuite en lui disant « tu », si bien que je n’avais pas à me soucier des titres de Sainteté ou Saint Père.

Conscient que, dans sa nouvelle responsabilité, il aura besoin de conseil, réflexions, personnel, etc. je lui ai offert toutes nos ressources. Il a manifesté sa gratitude. Accueillant mon invitation à nous visiter lors d’un déjeuner à la Curie, il m’a dit qu’il en serait heureux.

Nous avons parlé de plusieurs questions, avec un profond sentir commun. Je garde la conviction que nous travaillerons très bien ensemble pour le service de l’Église au nom de l’Évangile.

L’ambiance fut marquée de paix, d’humour et de compréhension mutuelle, quant au passé, au présent et à l’avenir. Je suis parti convaincu de la valeur de notre pleine coopération avec lui à l’avenir dans la vigne du Seigneur. A la fin, il m’aida à enfiler mon manteau et me raccompagna jusqu’à la porte. Ceci me valut un double salut de la part des Gardes Suisses en poste. Puis, à nouveau une accolade jésuite, ce qui est une bonne manière de rencontrer et de quitter un ami. »