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Deux papes: Socci répond à Messori

Suite de l'article publié par Vittorio Messori sur Il Corriere, au sujet des "deux papes". Antonio Socci fait l'historique de la polémique commencée en février grâce à (à cause de) lui (30/5/2014)

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Deux Papes?
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"L'affaire" Antonio Socci

Antonio Socci explique en prersonne ce que je commentais hier ici en reprenant point par point la chronologie des faits à partir de son premier article (dommage qu'il ne connaisse pas mon site!!).
L'article a été publié hier sur "Libero", et Socci l'a reproduit sur sa page Facebook (ma traduction)

Qu'on ne s'y trompe pas: il ne s'agit pas d'un simple querelle de journalistes, à propos de la paternité d'un scoop (Socci/Messori, et accessoirement Socci/Tornielli, ce dernier, qualifié de "garde suisse", en prenant pour son grade). Et Socci a déjà fait preuve de sa perspicacité en anticipant la démission de Benoît XVI.

     

“Libero”, 29 mai 2014
(https://www.facebook.com/pages/Antonio-Socci-pagina-ufficiale/197268327060719?fref=ts )
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A présent, le «Corriere» et Messori découvrent eux aussi qu'il y a deux papes . Répétant ce que nous avons écrit il y a trois mois . Mais feignant ne pas en connaître les conséquences (ils retirent la main après avoir lancé le caillou)

Hier, une page du «Corriere della Sera» signé par Vittorio Messori (sous le titre : «Voilà pourquoi nous avons vraiment deux papes»), a fait une révélation sensationnelle : Benoît XVI, en renonçant à son mandat avec certaines expressions particulières, n'a quitté que «son pouvoir de gouvernement et de contrôle de l'Eglise».
Toutefois, il garde «le munus, l'office papal» qui «ne peut pas être révoqué». Il a renoncé seulement à «son exécution concrète». Il s'ensuit que l'Église aurait même «deux papes» , une dyarchie.

La révélation est vraiment sensationnelle. Dommage qu'elle ait déjà été fait et commentée - à plusieurs reprises, avec une grande plus grande richesse d'arguments - il y a trois mois dans les colonnes de «Libero» (les quatre chapitres de mon enquête, à partir du 9 Février ) .
Avec un retard de trois mois, Messori et Il Corriere ont proposé le tout comme s'il s'agissait d'un scoop d'eux (prenant le prétexte de l'essai d'un canoniste sorti ces jours-ci). Sans référence à tout ce qui s'est passé entre Février et Mars.

GARDES SUISSES
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En effet, mon enquête sur la démission du pape, un an après la renonciation, a provoqué une énorme bagarre : les «gardes suisses» de «Vatican Insider-La Stampa» se sont immédiatement déclarés scandalisés.
Andrea Tornielli, le plus zélé, le 14 Février, après les trois premiers épisodes de mon enquête, l'a excommuniée avec ces mots surréaliste (benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/autour-de-la-renonciation-de-benoit-xvi):

«Un an après la démission, on a lu beaucoup de commentaires et d'analyses. Dans certains - j'avoue que j'ai frémi de les lire - s'esquisse presque l'idée d'une dyarchie, si ce n'est le fait que le «vrai» pape reste Ratzinger. Et malheureusement, je ne me réfère pas seulement aux adeptes de la galaxie des prophéties - ou pseudo- prophéties - apocalyptiques, mais également à des signatures dont personne n'aurait imaginé de semblables positions un an auparavant. Sans parler de ceux qui, aujourd'hui qu'ils ne se sentent plus "confirmés" dans certaines de leurs visions, batailles culturelles, stratégies pastorales, présentialisme de premiers de classe et schémas mentaux, à la place d'un salutaire examen de conscience finissent par faire les nostalgiques , opposant - plus ou moins subtilement - le Magistère de Benoît à celui de François».

Cette fois encore - pour l'article de Messori - Tornielli frissonnera-t-il? En février dernier, l'horreur du vaticaniste auto-investi du rôle de gardien de l'ordre public des idées fut telle, qu'il s'est même senti en devoir d'importuner le pauvre Benoît XVI - bien que sachant qu'il avait choisi l'isolement - pour lui demander de refuser ou confirmer mes thèses .

L'IRONIE DE RATZINGER
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Le «pape émérite» ne pouvait évidemment pas échapper à cette demande envahissante , sinon qui sait quelles insinuations auraient été faites. Il ne pouvait pas non plus dire ce qu'il avait tu jusque-là. Ainsi, il donna une réponse fantastique ....
La Stampa exhiba - comme scoop mondial , repris dans le monde entier - ce billet étrange de Papa Ratzinger où - selon le journal de Turin - il démentait mes arguments . En particulier - selon Tornielli - Ratzinger démentait être le Pape numéro deux, il ne participait pas à une «dyarchie».
En réalité, dans ce billet, Ratzinger ne parle pas du tout de dyarchie . Mais surtout, son billet contenait une seule vraie nouvelle: elle était dans une réponse énigmatique et raffinée du pape émérite, qui à elle seule aurait dû faire tomber les initiés de leur chaise.

Devant expliquer pourquoi il avait conservé le titre de «pape émérite», le nom de «Sa Sainteté le Pape Benoît XVI» et l'habit blanc, Ratzinger a écrit, je cite: «Au moment de la renonciation, il n'y avait pas à disposition d'autres vêtements».

A «La Stampa-Vatican Insider» ils ont pris pour argent comptant une réponse tellement surréaliste. Sans même réaliser l'ironie flagrante du pape qui les avait finement éludés.

Il est évident qu'une telle réponse signifiait que le pape ne pouvait pas ou ne voulait pas parler ni expliquer les raisons de ce choix .
Ce n'est pas difficile à comprendre, aussi parce que la renonciation avait été décidée un an auparavant et annoncée vingt jours avant son entrée en vigueur; il est donc impossible qu'au moment de la renonciation, aucun autre habit n'était «disponible».
Après tout personne ne pouvait croire qu'un pape demeure pour des raisons vestimentaires ...
En fait, deux jours plus tard, le 28 Février, le fidèle don Georg Gänswein, le secrétaire de Ratzinger, dans une interview à L'Avvenire, a donné la vraie réponse que Benoît ne pouvait pas ou ne voulait pas donner en personne. Voici comment Don Georg a expliqué pourquoi il tenait au titre de pape émérite : «Il considère que ce titre correspond à la réalité».
Tout le monde comprend que cette déclaration est d'une importance exceptionnelle : cela signifie que Ratzinger s'habille en pape , car «IL EST» pape .
Donc Tornielli , qui s'était fait pompier pour éteindre l'incendie provoqué par moi, a fini involontairement par en allumer un plus grand. Il est devenu de plus en plus clair que Benoît XVI n'a pas démissionné du ministère pétrinien, mais seulement de son «exercice actif».
Si et comment cela est possible et ce que cela implique est une question entièrement non résolue, en premier lieu théologique .
En effet, le 7 Avril, Sandro Magister, le plus compétent et le plus fiable des vaticaniste, dans son célèbre site internet a évoqué mon enquête et la «réponse» donnée par «Vatican Insider», affirmant que - à son avis - elle ne résovait absolument pas toutes les questions que j'avais soulevées.
Les journaux télévisés eux-mêmes avaient parlé de la polémique et de l'extraordinaire billet du Pape. Et même le Corriere della Sera (quoique avec un article superficiel et arrogant ) .
Il est surprenent que de tout cela , dans la dernière page du journal de via Solferino, il n'y ait pas la moindre allusion .

CONTRADICTION
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Mais surtout , il est surprenant que Messori ait conclu son article par un (apparemment) hymne naïf à la beauté d'avoir deux papes «dans l'enclos de Pierre» enclos - comme Messori l'explique avec enthousiasme - qui n'est pas seulement un lieu géographique , mais aussi «lieu» théologique .
Evidemment Messori ne se souvient pas d'une interview qu'il a donnée il y a un an, justement à Tornielli, qui n'a jamais semblé enthousiasmé par le fait que Ratzinger soit resté pape émérite .
Dans cette interview, Messori - sollicité par les questions de Tornielli - se disait très perplexe que Benoît ait décidé de rester au Vatican .
Et il le disait assez brusquement: «Ce qui déjà à l'époque m'avait surpris a été la décision de Benoît XVI de rester dans l'enclos de Saint-Pierre ... Je me rappelle toujours la devise de la Maison de Savoie : "ici, on gouverne un à la fois". L'impression que l'on peut tirer de l'extérieur est que l'émérite peut en quelque sorte influencer malgré lui son successeur».

Hier Messori a écrit quelque chose qui semble être l'exact opposé : «Pour la première fois, donc, l'Église serait vraiment deux papes, le régnant et l'émérite? Il semble que c'était la volonté de Joseph Ratzinger lui-même, avec cette renonciation au seul exercice actif qui a été "un acte solennel de son enseignement" ... Si c'est le cas, tant mieux pour l'Eglise: c'est un don qu'il y ait, l'un à côté de l'autre, y compris physiquement, un qui dirige et enseigne et un qui prie et souffre, pour tous, mais surtout pour soutenir son confrère dans l'office pontifical quotidien».

Très bien, alors , tout le monde est content!
C'est exactement le contraire. Messori, en effet - qui est un initié - ne peut ignorer que cette situation - comme il l'expose - n'a aucun fondement théologique (ni canonique ) .
Par la constitution divine de l'Eglise, en effet, un seul peut être le pape. Et si - comme le dit Messori - Benoît XVI «n'a pas eu l'intention de renoncer au munus pontifical» qui «n'est pas révocable» quelle démission est la sienne?
Messori sait bien que tout son article induit à se poser une question dramatique (qui est le pape?), mais il évite soigneusement de la formuler, laissant le lecteur se la poser. Pourquoi ? Et cet article est-il un signe que, dans la sphère de l'Eglise, beaucoup se la posent?