La dictature avance. Dans le silence
A propos du rapport Lunacek qui devrait être prochainement voté sans débat par le parlement européen, une impressionnante et sombre réflexion de Mgr Negri (1er/2/2014)
Croisant deux évènements de l'actualité - le vote prévisible, par le Parlement européen du rapport Lunacek [*] , "feuille de route de l'UE contre l’homophobie et les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre", et les récentes manifestations commémorant en Italie les lois raciales de Mussolini, Mgr Luigi Negri nous livre une réflexion pleine d'amertume et d'angoisse.
Il déplore le silence de certaines "réalités" (le mot italien "realtà" n'a pas vraiment d"équivalent en français, il désigne ce que nous nommerions peut-être "institutions", ou "établissement"). Lesquelles? Il ne le dit pas avec précision.
Mais il y a deux semaines, la Bussola publiait d'amples extraits de la préface qu'il avait écrite pour le livre de Gianfranco Amato "Omofobia o eterofofia". L'article s'intitulait: "Idéologie gender, l'Eglise ne peut se taire" (http://www.lanuovabq.it/).
Il m'est revenu à l'esprit un article du Père Scalese que j'avais traduit en novembre 2009: Le Katechon.
Bien sûr, les circonstances étaient autre (il s'agissait de l'arrêté de la cour de justice de Strasbourg, sur la présence des crucifix dans les lieux publics, en Italie) mais la réflexion est bien d'actualité:
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Le mystère de l'iniquité est déjà en place, mais il faut se débarasser de ceux qui jusqu'à présent, le retiennent.
Ce quelque chose ou quelqu'un, le katechon, justement, qui empêche la pleine manifestation de l'Antichrist est l'un des noeuds les plus énigmatiques des Ecritures....
>>> La suite ici: http://benoit-et-moi.fr/2009
La dictature avance. Dans le silence
Luigi Negri
Archevêque de Ferrare et Comacchio
http://www.lanuovabq.it/it/articoli-avanza-la-dittatura-nel-silenzio-8339.htm
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Mardi prochain, le Parlement européen votera un projet (le rapport Lunacek) [*] tendant à obliger tous les États membres de l'UE de reconnaître les mariages de même sexe et toute autre forme de couple, ainsi qu'à initier les enfants et les jeunes à une vision de pansexualiste de la réalité sociale. Une vision dans laquelle, de fait, est reconnue aux déviances, même les plus pathologiques, la valeur de droits, personnels et sociaux.
C'est un signal sinistre d'une coagulation de la mentalité laïciste anti-catholique - et même, plus précisément, anti-humaine - de manière à ce qu'elle soit imposée sans coup férir, et où la moindre référence dialectique semble être considérée presque comme un crime de lèse majesté.
Majesté de qui? La majesté réside dans les peuple de l'Union, et ils devraient être mis en mesure d'évaluer avec réalisme et responsabilité des propositions qui, justement, devraient rester seulement des propositions sur ces questions d'une telle importance pour la vie des peuples et des nations .
Par conséquent, pour la responsabilité que j'ai envers la communauté chrétienne - mais au-delà d'elle, envers de nombreuses personnes de bonne volonté que je rencontre dans mon engagement pastoral quotidien - je suis d'accord, avec cordialité et admiration, avec les initiatives que la Manif pour Tous met en œuvre en Europe et en Italie (dimanche 2 Février, il y aura aussi une manifestation à Rome, et bien sûre une à Paris) pour initier au moins une oeuvre de grande sensibilisation à ces affaires à caractère idéologico-social et aux tentatives idéologiques éthiques qui sont faites. Cela me semble l'expression d'une saine laïcité, une laïcité qui, pour protester contre des positions qui s'avèrent en effet violentes ne se réfère à rien d'autre qu'à la conscience libre de chacun, sa propre capacité de responsabilité, son propre désir de servir le bien commun du peuple et la nation.
Mais au-delà de ce climat de chasse aux sorcières, par lequel, en Europe, on commence à arrêter des citoyens coupables seulement de porter un T-shirt qui porte l'image d'une famille normale, traditionnelle; au-delà de ce climat de pression impositive, ce qui touche sérieusement, et qui surprend, c'est le silence répété de ces réalités institutionnelles qui, à tous les niveaux et dans divers domaines de la vie sociale seraient tenues de prendre une position significativement dialectique contre ce qui est en substance imposé.
Ce silence n'empêchera pas l'histoire de le juger comme une faiblesse impardonnable, qui devient collusion de fait et donc responsabilité partagée. Bien différentes ont été les attitudes, en particulier de la part du peuple catholique, qu'on a pu voir dans les moments graves pour la démocratie du pays.
Dans cette perspective, un autre facteur m'a frappé. J'ai participé en tant qu'archevêque d'un diocèse italien, à la série d'événements qui ont eu lieu à l'occasion de la Journée de la mémoire des injustices et des délits commis contre la présence juive dans notre pays. Je n'ai pas pu éviter un certain malaise surtout quand, dans la présentation d'événements historiques - non de la part des institutions, mais de celle de participants au titre d'engagement culturel - on a couru le risque de reconstructions partiales dans lesquelles certains facteurs de ces événements tragiques ont été minimisés. Par exemple, la grande présence de l'Eglise en Italie, la défense de milliers de Juifs qui ont réussi grâce à cette aide à échapper à ce terrible destin. Mais au-delà, j'ai été frappé par la minceur de l'espoir que l'on voulait construire sur cette mémoire, où, souvent, prévalait une attitude de vengeance.
Sur quoi se construit l'espoir des jeunes, un bon avenir pour notre société?
Se construit-il sur la mémoire d'un passé ignoble qui certes ne doit pas être oublié, ne peut pas être oublié, mais qui ne constitue pas une base solide sur laquelle établir l'espoir fiable, humainement fiable, dont a parlé le grand Pape Benoît XVI dans son encyclique Spe Salvi?
Durant ces jours, j'ai pensé amèrement que si les machinations diaboliques des idéologies et des systèmes totalitaires ont été brutalement imposées aux peuples, comme la majeure partie des peuples européens, qui avaient été mûris par des siècles d'une authentique et profonde éducation humaine et chrétienne; que si, malgré cela, les peuples ont subi cette violence, résistant de nombreuses fois dans leur conscience et dans de nombreux autres cas aussi dans l'expression de leur vie culturelle et sociale. Donc, si certains systèmes ont été imposés à l'époque, quelle résistance pourra-t-il y avoir à la dictature qui se prépare?
C'est une dictature des médias de masse, du politiquement et culturellement correct, qui trouve une tradition catholique ignorée par la majorité des jeunes, ignorée parce que la plupart de ceux qui auraient dû leur en parler ne l'ont pas fait d'une manière appropriée; elle trouve une trame de vie sociale extrêmement faible sur le plan personnel, sur le plan de la conscience humaine, sur le plan de la sensibilisation aux valeurs éthiques fondamentales; en somme, elle trouve un peuple qui se désintègre, qui risque de subir une dictature sans même la noblesse de l'opposition.
Je n'ai pas réussi à sortir de ces manifestations, qui ont ont eu pour moi la valeur d'un grand témoignage, avec un espoir sur le présent et l'avenir, sinon un seul: maintenir, quotidiennement, mon engagement à être un éducateur du peuple chrétien à la foi, et du peuple humain avec l'expérience de la fascination pour le bien, le bon, le beau. Mais l'amertume est que peut-être, chaque jour, les rangs de ceux qui assument cette responsabilité se réduisent.
Et là aussi, tant de silence incompréhensible ne pourra être jugé, le temps venu, que comme une trahison.
Note
[*] A propos du rapport Lunacek, lire ici: www.aleteia.org
Le 4 février prochain, deux jours après la grande manifestation européenne de la Manif Pour Tous, les députés européens examineront le rapport Lunacek, présenté comme « la feuille de route de l’UE contre l’homophobie et les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre ».
Chose inhabituelle : « le vote prévu le 4 février pourrait passer en douce, car il ne figure pas à l’ordre du jour pour le débat public. Seule son adoption est annoncée ».
La Manif Pour Tous vient de lancer une pétition destinée à sensibiliser les députés européens et demandant le rejet pur et simple du rapport Lunacek.
Ulrike Lunacek (née en 1957) est autrichienne. Depuis 2009, elle est députée européenne. Elle est membre des Verts et est devenue la porte-parole du Parti vert européen. Elle se déclare ouvertement lesbienne.