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Le Pape au bout du fil

Une compatriote de François, mariée civilement depuis 19 ans à un divorcé, affirme avoir reçu du Pape un coup de téléphone où il lui "permet" de communier.... (24/4/2014, mise à jour)

Il lui aurait conseillé de le faire dans une autre paroisse, puisque le prêtre de la sienne lui refuse. Il lui aurait même dit que «certains prêtres sont plus papistes que le Pape».
(http://vaticaninsider.lastampa.it)

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J'ai traduit (partiellement) l'article de Riccardo Cascioli sur la Bussola d'aujourd'hui car il me paraît emblématique du comportement que j'évoquais hier (cf. Le Pape François, construction médiatique? Non!).
Il n'est pas évidemment pas question de mettre en doute la bonne foi de l'auteur (il a écrit trop d'articles formidables sous Benoît XVI, y compris aux périodes les plus agitées du Pontificat)!!), encore moins de le ranger dans la catégorie des «bien-pensants»: tout au plus peut-on dire qu'il pèche par loyauté, mais à l'évidence, il refuse de voir la réalité en face.
Bien entendu, faute de la confirmation par le Pape lui-même, il est impossible d'affirmer que le coup de fil est authentique. Mais en téléphonant ainsi de façon informelle, c'est un risque que François prend, j'imagine qu'il est assumé, et calculé.
Par ailleurs, la mise au point du Père Lombardi est rien moins que convaincante. Là encore, le Pape ne peut ignorer le risque que ses propos soient répétés, éventuellement déformés, et finalement instrumentalisés. Dès lors, il ne s'agit plus d'une conversation privée. Le Pape n'est d'ailleurs plus une personne privée, lorsqu'il parle, même à bâtons rompus, il engage l'Eglise, et cela aussi, il doit le savoir.
Enfin, sans vouloir jouer les Savonarole de pacotille (je serais vraiment mal placée!!), le fait que ce soit le mari, et non la femme - à laquelle il aurait permis la communion, en lui suggérant de le faire «en douce» - qui soit divorcé remarié, ne change rien au problème de fond [(1)].

     

Ceux qui spéculent sur les coups de fil du Pape
Riccardo Cascioli
24 avril 2014
http://www.lanuovabq.it/it/articoli-chi-speculasulle-telefonatedel-papa-9033.htm
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Pour comprendre ce que l'on entend par l'expression «effet Bergoglio» il suffit de considérer deux faits qui se sont passés ces dernières semaines en Argentine et qui ont été relancés par les journaux du monde entier: l'appel du Pape François à une femme mariée à un homme divorcé, qui aurait eu du Pape la permission de communier, et le baptême à Cordoue de la «fille» de deux lesbiennes. Dans les deux cas, ce que le Pape a dit ou pensé n'est qu'un prétexte pour annoncer que le temps est venu pour l'Eglise d'abandonner enfin sa doctrine «rigide» traditionnelle sur les sacrements, pour embrasser une religiosité qui n'entre pas en conflit avec le monde.

En somme, l'«effet Bergoglio» a peu à voir avec le vrai Pape François, mais en revanche beaucoup à voir avec les souhaits et les expectatives du monde - et d'une partie de l'Eglise - à propos de l'actuel pontificat.

Le dernier cas en date est celui de la femme argentine qui en Septembre dernier avait écrit au Pape pour expliquer sa situation de femme mariée depuis 19 ans à un homme divorcé, et pour cette raison empêchée d'accéder à la communion. Le Pape - a raconté le mari - a téléphoné juste après Pâques, s'excusant pour le retard dans la réponse, et disant qu'elle pourrait tranquillement communier et que de toute façon, au Vatican, on s'occupait de ce problème.

La nouvelle a évidemment rebondi dans le monde entier et a été interprétée universellement comme l'entrée en lice du Pape en faveur de la communion pour les divorcés remariés, aussi parce que la première version prétendait que tel était le cas de la femme. Une interviewe ultérieure de cette femme a précisé au conbtraire que c'était son mari qui était divorcé, et que le Pape François lui a conseillé d'aller communioner dans une autre paroisse, où on ne la connaît pas.

En fait, ce qu'a vraiment dit le Pape, on ne la sait pas et même le porte-parole du Vatican le père Federico Lombardi, comme dans d'autres occasions similaires, a refusé tout commentaire, s'agissant d'un appel téléphonique privé et, à ce titre, appartenant seulement aux protagonistes. Mais indépendamment de l'intervention du Père Lombardi, la nouvelle avait déjà fait le tour du monde avec beaucoup d'ajouts variés qui renforcent l'idée d'un Pape déterminé à changer la doctrine de l'Eglise, et pas seulement le visage de la Curie. Il s'agit d'une exagération évidente, par ailleurs autour d'un épisode auquel manque la confirmation du pape François, le principal protagoniste; mais on sait que ce sont des détails insignifiants face à l'occasion de pouvoir annoncer le virage «moral» de l'Eglise.
(...)

L'utilisation instrumentale de la pensée du Pape dans ce cas [et celui du baptême de Cordoue], est claire, c'est une tentative classique d'enrôler le pape parmi ceux qui attendent le Synode extraordinaire sur la famille pour prendre une «revanche» sur « Humanae Vitae (l'encyclique Paul VI qui réitérait le non à la contraception ainsi qu'à l'avortement) et ouvrir l'Eglise ouverte à n'importe quoi.

     

Note

Un commentateur du blog chiesa e postconcilio renvoie au site catholique www.toscanaoggi.it.
Ce site contient une rubrique "Le théologien répond".
Dans l'article du 7 février 2007, le Père Francesco, professeur de droit canonique répond à la question: quelqu'un qui est marié à un divorcé peut-il recevoir la communion?
La situation décrite est à peu près la même que celle du couple argentin.
Voici sa réponse (à lire in extenso sur le site). Il se réfère à la Lettre aux évêques de l'Église catholique sur la réception de la Sainte Communion par les fidèles divorcés et remariés écrite en 1994 par le préfet de la CDF, le cardinal Ratzinger, que j'avais citée ici: Le cardinal Ratzinger et les divorcés remariés

Le cas présenté ici est semblable à beaucoup d'autres qui, du point de vue de la discipline ecclésiastique, sont classés comme des «situations matrimoniales irrégulières»:
Le couple, marié civilement ne peut pas célébrer le mariage selon le rite religieux parce que l'homme en est empêché par un précédent mariage célébré selon la forme canonique, dont il est incapable de prouver l'invalidité. On nous demande si sa seconde femme, croyante et pratiquante, peut recevoir l'Eucharistie.
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans la Lettre aux évêques de l'Église catholique sur la réception de la Sainte Communion par les fidèles divorcés et remariés, publié le 14 Septembre 1994, signé par le Préfet d'alors, le Cardinal Ratzinger avec l'approbation du Pape Jean-Paul II réaffirme la raison de la non-admissibilité à recevoir la communion. La raison est due au fait que «fidèle à la parole de Jésus-Christ, l'Église affirme ne pouvoir reconnaître comme valide une nouvelle union, si le précédent mariage était valide». En outre, le document poursuit: «Si les divorcés sont remariés civilement, ils se trouvent dans une situation qui contrevient objectivement à la loi de Dieu».

Dans le cas présenté par le lecteur, la femme, tout en étant libre du lien conjugal sacramentel, partage avec son mari la situation d'«irrégularité» parce que c'est une personne baptisée dans l'Église catholique, mais qui a contracté un mariage seulement avec une cérémonie civile.
La Lettre aux évêques du cardinal Ratzinger explique la raison de l'éviction de l'Eucharistie, en citant l'exhortation apostolique Familiaris consortio, que le Pape Jean-Paul II a publié 22 Novembre 1981: «ils ne peuvent pas y être admis, du moment que leur étatet leur condition de vie contredisent objectivement cette union d'amour entre le Christ et son Église, qui est signifiée et réalisée par l'Eucharistie.»

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Mise à jour ultérieure

Preuve que la communication du Vatican est mise à rude épreuve, le Père Lombardi, débordé, a dû publier ce matin une note d'explication, rapportée par Andrea Tornielli :

24/4/2014
(vaticaninsider.lastampa.it)
Voici les paroles de Lombardi, après que la nouvelle ait fait le tour du monde et ait été interprétée par certains comme un changement dans les positions de l'Église catholique sur les sacrements aux personnes divorcées et remariées:
«Plusieurs appels téléphoniques ont eu lieu dans le cadre des rapports pastoraux personnels du pape François. Comme il ne s'agit absolument pas d'activités publiques du Pape il ne faut pas s'attendre à des informations ou des commentaires de la part de la Salle de presse».

«Ce qui a été répandu à ce propos, sortant de la portée spécifique des relations personnelles, et leur amplification par les médias, n'a donc aucune confirmation de fiabilité et est une source d'incompréhension et de confusion. Il faut donc éviter de tirer de cette histoire des conséquences en ce qui concerne l'enseignement de l'Eglise ».