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Curie, l'envers du décor

Voià le "job" de ceux que le pape a fustigés lors de ses "voeux" de Noël. Un article éclairant - et aussi, émouvant - du Père Ray Blake (27/12/2014)

Le Pape s'adressait peut-être avant tout aux hauts prélats, mais comment le personnel subalterne a-t-il reçu sa philippique?
Le personnel de la Curie ne roule pas sur l'or, il souffre de la solitude et du manque de considération. Il a tendance à céder au découragement, plus qu'au triomphalisme, et lui maintenir la tête sous l'eau (surtout venant du chef) n'était peut-être pas la meilleure chose à faire.

Présentant les fameux "souhaits", la journaliste de Zenit écrit:

Le pape brosse le portrait robot de l'apôtre appelé à être une personne "courtoise, sereine, enthousiaste et joyeuse, qui communique la joie où qu'il se trouve".

Pas si facile, comme on va le voir à partir d'un témoignage humain.

Bon, après cela, il paraît que la plupart des catholiques trouvent les propos du Pape géniaux...
C'est probablement moi qui ai mauvais esprit.


CE N'EST PAS UN JOB QUE J'AIMERAIS FAIRE
Mardi 23 décembre 2014
marymagdalen.blogspot.ca/
Ma traduction
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J'ai bien aimé qu'un blogueur propose une scène de «Full Metal Jacket» pour illustrer le discours du Saint-Père à la Curie. Je sais que le Saint-Père offrait en réalité un examen de conscience, et comme toutes ces choses, d'abord et avant tout, c'est un examen de la conscience de son auteur (humour british, là aussi?).
Le problème est que déjà les membres du clergé de rang intermédiaire quittent Rome, ou qu'ils supplient leurs évêques de demander au Saint-Père de les libérer. Beaucoup sont déjà partis, certains dicastères sont drastiquement à court de personnel, au point de ne pas travailler efficacement. Des choses, comme la dispense, qui se traitent en un mois ou deux, peuvent désormais prendre plus d'un an.
Le moral à la Curie est à un niveau historiquement bas, il n'a jamais été très élevé. Il y certainement eu des prêtres et aussi des évêques, qui auraient donné leurs canines pour un job à la Curie, et la voyaient comme un moyen de promotion et de puissance, ou pour poursuivre une carrière académique; parmi ceux que j'ai connus, ce n'est pas la majorité; certes, il y a souvent un détachement de la vie paroissiale, mais c'est la nature du job qui le veut, cela arrive aussi avec les prêtres (et les évêques) et surtout les laïcs et les femmes des Curies diocésaines.
Un problème va être que toute personne ayant affaire avec la Curie, depuis la femme à la recherche d'une annulation, jusqu'à l'évêque réclamant des éclaircissements, ou un quelconque Etat étranger, va probablement partager le point de vue du Pape que ceux qui y travaillent sont des «bons à rien» et des loosers.

Un ami de la Curie, qui est je pense un saint homme, m'a un jour envoyé son emploi du temps, il vit dans une des maisons du clergé près de Saint-Pierre, de sorte que, sauf quand il y a une messe papale ou une audience ce jour-là, c'est là (à St-Pierre) qu'il dit la messe. (...)

. Lever à 5 heures
. Prière
. Messe à Saint-Pierre, suivie d'une action de grâce jusqu'à 7 heures
. Petit-déjeuner sur le chemin du bureau à 8 heures
. Début du travail à 8h30
. Déjeuner à 13 heures mais souvent cela comprend une réunion, et il le saute fréquemment, certains membres du clergé (plus âgés) font une sieste jusqu'à 15h30
. Retour au bureau à 16 heures
. Retour à la maison pour souper à 20 heures
. Lecture / étude, très occasionnellement sortie avec des amis
. Prière / lecture spirituelle, 22 heures
. Coucher 23 heures

Il fait cela cinq jours par semaine, le samedi c'est pareil, sauf que le bureau ferme à 13 heures
Le dimanche est le jour pour rattraper le sommeil, et rencontrer des amis, parfois des pèlerins; si nécessaire (cela n'arrive pas souvent), il dit la messe dans une paroisse de Rome. Il dit une fois qu'il a déjà été six mois sans dire la messe avec une congrégation.
A part les jours saints (de fête), il fait cela pendant 11 mois de l'année.
Rome a tendance à fermer en Août et il rentre chez lui pour être avec sa famille, et se ressourcer dans son diocèse. Ce qui m'a frappé, c'est l'ennui absolu de sa vie, et la solitude aussi. Son salaire ne suffit pas pour vivre bien à Rome, la plus grande partie part en livres, voyages organisés pour le clergé et vêtements , «le préfet insiste pour que nous soyons smart!».
Quand nous mangeons ensemble, comme il insiste pour payer sa part, c'est habituellement dans une pizzeria bon marché; c'est gênant, dit-il quand les visiteurs s'attendent à ce qu'il paie aussi pour leur repas, il est par nature généreux et propose toujours de le faire, parfois, il se fait coincer.
Il est incroyablement discipliné, il dit que s'il ne l'était pas, il pourrait très facilement déprimer, ou boire ou pire comme certains de ses confrères.
Je lui ai demandé pourquoi il ne faisait pas un travail pastoral à Rome, il m'a dit la plupart des paroisses ne veulent que des italiens, «il y en a beaucoup». Il dit qu'il fait de son mieux pour se faire des amis parmi les sans-foyer, mais réellement, il a peu de temps.

Dites une prière pour ceux de la Curie, c'est un job dont ni moi ni la plupart des prêtres ne voudrions.
À l'heure actuelle, cela ressemble à un job de l'enfer.