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Des prêtres mariés, bientôt?

Une rumeur, en Amazonie, et un décret du bulletin officiel du Saint-Siège pour les prêtres mariés de rite oriental semblent entr'ouvrir une porte. (16/11/2014)

     

Répondant en juillet dernier à une question de Scalfari qui lui faisait remarquer que parmi les Vaudois, les pentecôtistes et «nos frères juifs», beaucoup de pasteurs étaient mariés, et qui lui demandait «Comment va évoluer au fil du temps ce problème dans l'Eglise de Rome?», le Pape aurait répondu (commençant par une inexactitude qui a fait sursauter pas mal de théologiens):

«Peut-être ne savez-vous pas que le célibat a été établi au Xe siècle, c'est-à-dire 900 ans après la la mort de notre Seigneur. L'Eglise catholique orientale a à ce jour la faculté que ses prêtres se marient. Le problème existe certainement mais n'est pas d'une grande ampleur. Il faut du temps, mais il y a des solutions et je les trouverai».
(benoit-et-moi.fr/2014-II-1/actualites/scalfari-linterviewe-complete)

Est-ce un début de mise en oeuvre de cette volonté papale que l'on peut lire dans ces deux informations récentes, l'une relayée il y a une quinzaine de jours par Marco Tosatti, l'autre avant-hier par Sandro Magister (qui confirme celle de son confrère)?

Pas sûr, toutefois, que ces "solutions" satisfairont les plus radicaux (cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/le-marronnier-des-femmes-de-pretres)

     

Prêtres orientaux

FRANÇOIS DONNE UN PASSEPORT AUX PRÊTRES MARIÉS ORIENTAUX. VALABLE DANS LE MONDE ENTIER
Sandro Magister
Settimo Cielo
14/11/2014
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Tandis que se poursuivent les rumeurs selon lesquelles une dérogation à la loi du célibat ecclésiastique serait à l'étude pour les diocèses brésiliens d'Amazonie, peu de gens savent qu'en attendant, le clergé marié a déjà conquis de nouveaux espaces non seulement dans quelque contrée éloignée, mais dans l'ensemble du globe terraqué.
La nouvelle est officielle. La Congrégation pour les Eglises orientales a rendu publiques les dispositions approuvées par François qui de facto libéralisent l'ordination et l'activité pastorale des prêtres mariés des Eglises catholiques orientales, y compris à l'extérieur de leurs territoires traditionnels. C'est-à-dire non seulement au Moyen-Orient et en Europe de l'Est, mais partout dans le monde.
Cette liberté de circulation était précédemment empêchée en vertu d'une opposition historique des hiérarchies catholiques latines, surtout des Amériques, mais aussi d'Europe occidentale, selon lesquelles la présence sur leur territoire des prêtres de rite oriental mariés apporterait «gravissimum scandalum» aux fidèles .
Des dispenses à ce barrage avaient déjà été accordées «dans des cas concrets et exceptionnels» depuis 2008. A présent, toutefois, elles sont généralisées et réglementées par la Congrégation pour les Eglises orientales dans un document intitulé «Pontificia Praecepta de clero Uxorato Orientali», publié dans le fascicule n. 6/2014 des «Acta Apostolicae Sedis», le bulletin officiel du Saint-Siège, qui est disponible depuis quelques jours.
Le document est signé par le préfet du dicastère, le cardinal Leonardo Sandri, et est daté du 14 Juin 2014.
Il rappelle:

«La problèmatique du ministère des prêtres mariés à l'extérieur des territoires orientaux traditionnels remonte aux dernières décennies du XIXe siècle, spécialement à partir de 1880, quand des milliers de catholiques ruthènes ont émigré des régions sub-Carpatiques, ainsi que de l'Ouest de l'Ukraine, vers les États-Unis de l'Amérique»

Et aussi:

«La présence des ministres mariés respectifs suscita la protestation des évêques latins, selon lesquels une telle présence provoquerait un ‘gravissimum scandalum’ auprès des fidèles latins. C'est pourquoi la Congrégation Propaganda Fide, par décret du 1er Octobre, 1890 a interdit au clergé marié ruthène de résider aux Etats-Unis».
Cette interdiction a ensuite été étendue à d'autres Eglises orientales, et à des territoires à l'extérieur des Amériques et de l'Europe.
Entre autres choses, avec le résultat - observe le document - que «privé des ministres de leur propre rite, un nombre estimé à environ 200 mille fidèles ruthènes passa à l'orthodoxie».
S'il y a eu des exceptions - spécifie le document - celles-ci ont été accordées «seulement après avoir entendu la conférence épiscopale du lieu et reçu l'autorisation du Saint-Siège». À partir de 2008, la dispense fut réservée au seul Saint-Siège.
Le document rappelle ensuite que déjà dans la Constitution apostolique "Anglicanorum coetibus" de 2009, le clergé marié ex-anglican a été de fait admis dans des territoires toujours interdits au clergé oriental marié, avec une «discipline attentive à la situation concrète des prêtres et de leurs familles passés à la communion catholique».
Et enfin, il énonce les nouvelles règles approuvées par François, par lesquelles est concédé «aux autorités ecclésiastiques respectives la faculté d'autoriser le service pastoral des clercs mariés de rite oriental à l'extérieur des territoires orientaaux traditionnels».
(...)

[L'article s'achève par des précisions techniques sur les modalités d'application selon les "zones": 1. "circonscriptions administratives orientales constituées à l'extérieur des territoires traditionnels"; 2. ordinariats pour les fidèles orientaux privés de hiérarque; 3. territoires où les fidèles orientaux sont privés d'une structure administrative spécifique et sont confiés aux soins l'épiscopat latin du lieu]

     

Viri probati en Amazonie?

(image ci-contre: www.lettre-amazonie.org)

BRÉSIL, OK AUX VIRI PROBATI?
San Pietro e dintorni
Marco Tosatti
28/10/2014
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Du Brésil m'arrive une nouvelle qui constituerait une véritable révolution dans l'Eglise.
En dialogue avec la Congrégation pour le Clergé, il s'agirait de rechercher le moyen d'ordonner «ad experimentum» des «viri probati» pour faire face à la pénurie de prêtres dans les diocèses d'Amazonie, où les distances sont énormes, les prêtres de plus en plus rares, et la possibilité pour certaines communautés chrétiennes d'avoir les sacrements extrêmement réduite.

Le moteur de l'initiative serait le cardinal Claudio Hummes, ancien préfet de la Congrégation pour le Clergé, aujourd'hui archevêque émérite de São Paulo, où il continue toutefois, en dépit de ses 80 ans tout juste révolus, d'être actif dans une charge diocèsaine similaire à celle de Vicaire épiscopal, en rapport avec la région amazonienne. Claudio Hummes est le cardinal que Jorge Mario Bergoglio a voulu à ses côtés quand il est apparu immédiatement après son élection à la Loggia de la basilique Saint-Pierre. Selon certains experts, Claudio Hummes serait justement l'un des principaux responsables et organisateurs de l'élection de François.

Hummes, quand il était préfet du Clergé, a imaginé faire avancer l'idée de l'ordination de «viri probati», mais il a échoué dans sa tentative. Par «viri probati», on entend des hommes à la foi éprouvée, d'âge mûr, mariés ou veufs, qui, dans les communautés catholiques anciennes étaient ordonnés prêtres pour répondre aux besoins de communautés chrétiennes généralement situées dans des zones reculées, peu accessibles et éloignées du centre du diocèse.

Le cardinal Hummes , en plus d'être en pourparlers sur le sujet avec la Congrégation pour le Clergé, dirigée par l'homme de confiance du pape, le cardinal Stella a naturellement parlé avec les évêques d'Amazonie. L'un d'eux, Mgr Erwin Kraeutler, évêque d'origine autrichienne, missionnaire au Brésil, prélat de Xingu en Amazonie, a dit avoir parlé au Pape François en avril dernier de l'hypothèse que soient ordonnés les «viri probati» - pour assurer l'assistance spirituelle dans un territoire immense avec 700 mille fidèles, 800 communautés et seulement 27 prêtres.
«J'ai dit au Pape que j'étais l'évêque du diocèse le plus grand du Brésil par son extension, avec 700 mille fidèles, et que notre communauté ne peut célébrer l'Eucharistie que deux ou trois fois par an», a déclaré Mgr Kraeutler dans une interview au Salzburger Nachrichten. «En relation avec les besoins de nos communautés, il a aussi été question des viri probati, les hommes mariés de foi assurée, qui sont ordonnés prêtres».
Si l'initiative du cardinal Hummes se concrétise, l'Amazonie pourrait être le premier endroit au monde où il y aura, dans le rite latin, des prêtres avec famille.