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Eglise et Amérique latine: l'exode

Marco Tosatti commente un sondage du Pew Research center, qui pose forcément la question: y a-t-il (ou y aura-t-il) un "effet François"? La réponse indirecte, toujours aussi savoureuse de notre "curé madrilène", traduite par Carlota (15/11/2014)

     

Les résultats du sondage (déjà très commentés dans la blogosphère, mais pas en France, semble-t-il) sont à lire ici: www.pewforum.org/2014/11/13/religion-in-latin-america/ .

Il faut tenir compte du fait qu'un sondage n'est qu'un instrument de mesure, orienté par les questions posées, et à part les données sur l'exode massif, qu'on ne peut pas contester, il ne peut donnee qu'une idée partielle des véritables motifs des gens qui abandonnent le catholicisme.
Les paramètres en cause sont nombreux et complexes (1).

     

Marco Tosatti

EGLISE ET AMÉRIQUE LATINE: L'EXODE
L'Eglise catholique en Amérique latine subit un phénomène d'abandon massif, de portée historique. L'exode s'est surtout concrétisé vers les confessions protestantes de la dernière génération. Aujourd'hui, 19% de la population d'Amérique latine sont evangéliques; mais seulement 9% sont nés dans cette foi.
(http://www.lastampa.it)
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L'Eglise catholique en Amérique latine subit un phénomène d'abandon massif, de portée historique. C'est ce qui ressort d'une étude réalisée par le Pew Research Center, l'agence américaine spécialisée dans les sondages à caractère sociologique et religieux. 84% des adultes du continent disent qu'ils ont été élevés dans le catholicisme; mais seulement 69% s'identifient aujourd'hui comme tels.
L'exode s'est surtout concrétisé vers les confessions protestantes de la dernière génération. Aujourd'hui, 19% de la population d'Amérique latine est évangélique; mais seulement 9% sont nés dans cette foi. Il est intéressant d'observer que, par exemple, 68% des protestants au Paraguay viennent de l'Église catholique; 66% au Pérou, 54% au Brésil.
Le phénomène est commun à tout le sous-continent, avec des pourcentages allant de 74% pour la Colombie à 15% pour le Panama. Au Brésil, comme nous l'avons vu, la moitié des évangéliques actuels étaient catholiques.
A la question: pourquoi? les anciens catholiques ont répondu que les congrégations évangéliques leur donnent un sentiment plus fort de relation personnelle avec Jésus-Christ.
Et selon le sondage, les anciens catholiques aujourd'hui évangéliques s'engageaient davantage pour soutenir l'enseignement traditionnel de l'Eglise sur des questions comme l'avortement et l'homosexualité que ceux qui se considèrent encore comme catholiques.
«L'Amérique latine abrite plus de 425 millions de catholiques - écrit le Pew Research Center - environ 40% des catholiques du monde entier, et l'Eglise catholique a un pape latino-américain pour la première fois dans l'histoire. Toutefois, l'identification avec le catholicisme a diminué dans toute la région». La plupart des nouveaux évangéliques ont quitté catholicisme avant l'âge de 25 ans.

En attendant de voir si il y aura un «effet François», l'étude montre que tandis que les catholiques en Amérique latine sont très majoritairement favorables au nouveau Pape, les anciens catholiques, à l'exception de l'Argentine et de l'Uruguay sont plus sceptiques (ndt: Marco Tosatti a fait une coquille dans sa traduction); et beaucoup disent qu'il est trop tôt pour porter un jugement.

     

Le "curé madrilène"

TROUBLÉ PAR LE TITRE D’UN ARTICLE
Père Jorge Gonzalez Guadalix
http://infocatolica.com/blog/cura.php
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Donner un titre à un article est tout un art. Il y a des titres qui éveillent ta curiosité, d’autres qui t’encouragent à les lire, et d’autres enfin qui te trompent sur le contenu.
Et c’est ce qui m’est arrivé ce matin. Un titre malheureux qui ne correspond pas au noyau de ce qui est écrit, et je me concentre quelque peu pour en trouver un autre. Mais rien ne vient. Mon article va donc rester comme il est et sans titre... A part cela, tout va bien.
Les chiffres que recueille et explique largement dans son blog Juanjo Romero (ndt:l'auteur de l’article au titre troublant "1 latino-américain sur 5 est protestant: pourquoi?") fait froid dans le dos.
Un hispanoaméricain sur cinq est déjà protestant dans l’une ou l’autre des innombrables confessions protestantes. Mais en outre le nombre continue à augmenter à ce jour. Il parle de personnes qui ont été baptisées et instruites comme catholiques mais qui ensuite ont abandonné cette foi pour faire grossir les files d’évangéliques ou directement celles des non croyants.
Nous sommes depuis un an et demi sous le pontificat de François. Un pontificat que beaucoup sont arrivés à qualifier de printanier, proche, évangélique, de simplicité, engagé envers les pauvres. Un pontificat qui même a donné des signes plus qu’évidents de communion avec les derniers des derniers et en soutenant des revendications les plus extrêmes avec des événements comme la rencontre avec les mouvements populaires il y a quelques jours au Vatican (ndt: une rencontre pas vraiment appréciée dans la catho blogosphère hispanophone).

On nous ressasse depuis des années la rengaine selon laquelle les catholiques de l’Amérique hispanique ont abandonné l’Eglise parce que du Vatican on ne comprenait pas leurs luttes sociales et leurs revendications de justice nées de la foi. Alors que des gens aussi gentils que les sandinistes, par exemple, ou les théologiens, idéologues et pasteurs de la Libération avaient convaincu le peuple d’abandonner sa mystique et sa religiosité pour s’ouvrir à l’authentique esprit de Jésus de Nazareth consistant pour ce que l’on en a vu à renoncer à l’ancienne vie de foi, caduque et traditionnelle et changer le credo, le catéchisme et la liturgie catholique pour des réunions, des marches et des idéologies gauchisantes assaisonnée d’un peu de Palacagüina (en référence à une ville du Nicaragua mais aussi aux chansons dont celle du « Christ de Palacagüina » de Carlos Arturo Mejía Godoy qui fit partie du gouvernement sandiniste et qui mélange avec beaucoup de talent la belle musique de son pays et des paroles à la Jésus Che Guevariste), alors que depuis le Vatican pleuvaient les coups de bâton et les incompréhensions (les coups de bâton en vérité, bien peu).

Après cela, de l’Amérique hispanique et de quelques secteurs, chaque fois plus minoritaires, de l’Europe, on affirmait comme un fait que l’on en était en train d’en finir avec la foi, pour ce qu’on en avait vu du temps des deux minus comme Saint Jean Paul II et Benoît XVI (ndt: évidemment à prendre au second degré). Deux types quelconques.

Bon et alors arrive un nouveau pape. Un hispano américain, proche des pauvres, simple, compréhensif, qui soutient les mouvements des "sans terre", qui accueille les déshérités du monde au Vatican, les rencontre et soutient directement leurs revendications les plus historiques.
Et si c’était aussi les paroisses catholiques pleines à craquer, les confessionnaux avec des kilomètres de file d’attente, les messes dominicales se multipliant et les classes de catéchismes données sur les places publiques.
Eh bien, rien, mais rien de rien.
Il manque quelque chose. Pourtant pour tout le monde c’est bien clair qu’il (le pape) tombe bien, qu’il est aimable, sympathique, simple, surtout simple…mais les gens ne vont pas à l’église. González Faus l’a déjà dit en son temps (ndt: José Ignacio González Faus, prêtre jésuite espagnol né en 1933, qui ne fait pas partie loin de là des catholiques non adultes) avec une de ces phrases qui font mal: « ce pape, il est possible qu'il ne convertisse personne ».

Que voulez vous que je vous dise…il semblerait que François ait toutes les qualités que le monde estime pour être le pape idéal.
Il manque quelque chose. Parce qu’aujourd’hui, bien que, oui, « vive François », en Amérique les gens continuent à s’éloigner vers les sectes.
Les raisons ? Allez savoir. Je les ai demandées à Rafaela (*). Elle m’a dit: « Oui, il me parait bien, mais tant qu’il ne nous apprendra pas à prier, à nous confesser, à aller à la messe le dimanche et vivre selon les commandements, pour les autres choses, rien de rien à attendre ».

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(*) Rafaela est un personnage récurrent des articles du Père JGG. Un peu la Madame Michu, version paroissienne espagnole. Active dans la paroisse, elle n’hésite pas à dire ce qu’elle pense à son curé mais si elle n’est pas une grande théologienne, elle a aussi beaucoup de bon sens et garde cette sagesse populaire tellement indispensable (cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/cest-quoi-leglise-de-base).

     

Note

(1) J'ai rappelé récemment un article que j'avais traduit en mars 2013, sous le titre "La prédiction de Messori".
Ce dernier disait qu'il avait effectivement prédit l'élection de Jorge Mario Bergoglio.
Voici ce qu'il écrivait (parmi d'autres choses qu'avec le recul d'un an je ne suis pas certaine qu'il pense encore...):

(...) Je pensais qu'il y avait de la place pour un autre choix géopolitique [celui d'un Pape chinois] et cette fois vraiment urgent, voire très urgent, même si en Europe on ne connaît pas la gravité de l'événement.
Il arrive, en fait, que l'Église romaine est sur le point de perdre ce qu'elle considérait comme le «continent de l'espérance», le continent catholique par excellence dans l'imaginaire populaire, celui grâce auquel l'espagnol est la langue la plus parlée dans l'Église. L'Amérique du Sud, en effet, abandonne le catholicisme au rythme de milliers d'hommes et de femmes chaque jour.
Il y a des chiffres qui tourmentent les épiscopats de ces terres: depuis le début des années quatre-vingt jusqu'à l'heure actuelle, l'Amérique latine a perdu près d'un quart des fidèles.
Où vont-ils? Ils entrent dans les communautés, les sectes, les petites églises évangéliques , les pentecôtistes, qui, envoyés et soutenus par les grands bailleurs de fonds nord-américains, réalisent le vieux rêve du protestantisme aux États-Unis: en finir, dans ce continent, avec la superstition "papiste". Il faut dire que les grands moyens économiques dont disposent ces missionnaires attirent les nombreux déshérités de ces terres et les induisent à entrer dans des communautés où tous sont soutenus, y compris économiquement. Mais il y a aussi le fait que les théologies politiques des dernières décennies, prêchées par des prêtres et des moines devenus des militants idéologiques, ont éloigné du catholicisme ces foules, désireuses d'une religiosité vivante, colorée, chantée, dansée. Et c'est précisément dans cette optique que le pentecôtisme interprète le christianisme et attire des flux de transfuges du catholicisme.

Par conséquent, les Pères du conclave allaient probablement évaluer l'urgence d'une intervention, selon un programme proposé et géré par Rome elle-même, l'installation d'un Pape venu de ce continent.

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