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François et les marchands du Temple (suite)

En défense de l'Eglise. Antonio Socci reprend et complète aujourd'hui l'article qu'il avait publié hier sur son blog à la suite d'une critique (de trop?) du Pape, prêchant à Sainte Marthe (24/11/2014)

>>> Cf.
Pas de commerce dans l'Eglise

Dans l'homélie à Sainte Marthe, le 21 novembre, le Pape affirmait (à juste titre) que les sacrements doivent être gratuits: mais il s'en prenait en même temps à ces vilains prêtres qui affichent dans leurs églises les tarifs pour les mariages, baptêmes, communions, etc....
Ce sont les prêtres italiens qui se sont majoritairement sentis visés, car c'est évidemment surtout dans la presse italienne (La Repubblica en tête!!) que les propos du Pape, quotidiennement présent dans les médias, ont été le plus complaisamment relayés.
Antonio Socci fait état d'un petit soulèvement, perceptible sur internet, au point que le président de la CEI en personne a dû faire une mise au point.
Don Ariel S. Levi di Gualdo, par exemple, un prêtre italien plutôt conservateur, théologien connu et blogueur influent, qui était au début assez favorable au Pape Bergoglio a écrit un long article (trop long pour que je le traduise, mais il mérite d'être lu, éventuellement avec la traduction atomatique) où il déballe tout ce qu'il a sur le coeur.
Son amertume est résumée dans ce paragraphe, qui n'est pas qu'une simple boutade:

A ce confrère qui a demandé un prêt à sa banque pour payerle gaz utilisé en hiver pour chauffer les fidèles et leurs enfants, et à tous les nombreux prêtres qui vivent certaines situations de difficultés économiques, je voudrais lancer à la fois une idée pertinente et un appel: lorsque vous recevrez une facture d'électricité ou de gaz que vous ne pouvez pas payer, envoyez-la à la Domus Sanctae Martae, adressée à Sa Sainteté le Pape François accompagnée de cette note: «Nous sommes les prêtres de l'Eglise pauvre pour les pauvres et comme nous n'avons pas d'argent pour payer la facture d'électricité et de gaz de l'église, nous remettons le paiement directement au Siège Apostolique».

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De la part du Pape, cette critique inconsidérée de ses prêtres (s'ajoutant à beaucoup d'autres), qu'il devrait au contraire défendre paternellement contre les attaques de ceux, encore nombreux, dont l'anticléricalisme primaire - désormais associé à une papamania aussi inédite que suspecte - est le fonds de commerce est sans doute, en plus d'une injustice, une maladresse qui risque de lui coûter cher auprès d'eux.

     

EN DÉFENSE DE L'ÉGLISE
www.antoniosocci.com
Libero
24 novembre 2014
(ma traduction)
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C'est une nouvelle qui vient de tomber. Au Nigeria (pour ne donner qu'un exemple) 11 mille catholiques tués et un million et demi de personnes déplacées pour échapper à Boko Haram. Mais le pape Bergoglio - qui est muet sur l'islamisme - continue de taper sur les chrétiens.

HARO SUR LES PRÊTRES
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Avant hier, c'était au tour des pasteurs qui seraient attachés à l'argent comme les trafiquants du temple («Combien de fois nous voyons, entrant dans une église, encore aujourd'hui, qu'il y a liste de prix»).
Fange générique et généralisée jetée sur tous, injustement, qui cette fois provoqué un soulèvement sourd (le cardinal Bagnasco a répondu que dans aucune église italienne, les sacrements ne sont vendus).
Un lecteur m'a écrit, indigné:
«Au-delà du message qu'on voulait donner, celui qui est passé pour la plupart des gens (et c'est ce qui importe dans ce contexte) c'est que les sacrements se paient, il y a même une liste de prix, et si le Pape le dit, alors c'est vrai, ce n'est pas une rumeur anticléricale! Donc ce n'était pas un préjugé, que les prêtres se font payer. Ergo, le pape est bon et les prêtres sont tous avides d'argent».
Une autre lectrice m'écrit:
«Je suis mariée, j'ai eu trois enfants, on ne m'a jamais demandé d'argent ni pour le mariage, ni pour la communion ou la confirmation. Ceux qui pouvaient faisaient une offrande, ceux qui ne pouvaient pas étaient aidés. Le curé donnait des vêtements aux enfants afin qu'ils soient tous habillés pareil».
Et elle ajoute: «Jamais de ma vie je n'ai vu une liste de prix et pourtant j'ai été dans de nombreuses églises et de nombreux sanctuaires. Je suis peinée par une attaque aussi forte contre l'Église et ses ministères. Dans mon expérience au cours de nombreuses années, j'ai vu beaucoup de prêtres généreux qui aidaient les familles les plus pauvres. Ma paroisse par exemple soutient chaque mois 70 familles en leur fournissant des vivres. Bien sûr, s'il n'y avait d'offrandes (volontaires) comment un pasteur avec 700 euros par mois (ndt: apparemment le "salaire" que touche un curé en Italie, comme le confirme don Ariel) pourrait-il aider les nécessiteux?».

ITALIE, ÉGLISE DU PEUPLE
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En Italie, l'estime populaire envers l'Église est grande. On sait que les curés de paroisse sont des hommes qui donnent toute leur vie à Dieu et aux autres, qui vivent avec quatre sous et sont toujours présents, pour tout le monde, et qui aident tout le monde.
Des offrandes libres et volontaires expriment la gratitude des fidèles pour les biens surnaturels et gratuits qu'ils reçoivent dans l'Église (le salut du Christ), qui ne pourraient être payés même avec tout l'or du monde.
Mais aussi pour l'éducation chrétienne des enfants. Et ils subviennent aux besoins matériels des paroisses, pour les besoins des églises et de la liturgie. C'est un excellent «investissement» principalement pour son propre salut («la charité efface une multitude de péchés»), mais aussi pour le bien de tous.
Toutes les oeuvres de l'Église ont été construites pour le peuple et par le peuple. A commencer par les cathédrales. Le cas de la cathédrale de Milan est célèbre: on vient justement de publier un registre des offrandes, auxquelles tous participaient, depuis la pauvre vieille qui donnait un oeuf, jusqu'aux prostituées de la ville (très généreuses). Et les denrées alimentaires qui affluaient pour la construction de la cathédrale allaient à une soupe populaire qui fournissait les plus démunis: de la formule latine «ad usum fabricae» est venu l'expression «manger le pain pour rien».
Avec l'Eglise nous avons tous toujours mangé «pour rien» et il en sera toujours ainsi. Tout d'abord, le «pain» du salut, totalement gratuit: Dieu qui est mort pour nous, pour notre félicité. Mais aussi le pain nécessaire au besoin humain qui n'est pas seulement la faim matérielle, mais aussi la solitude, le désespoir, la maladie ou le besoin d'éducation.

ASSEZ DE MALVEILLANCE
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L'Etat a «mangé» avec l'Eglise plus que quiconque: le «huit pour mille» (l'impôt à l'Eglise) a son origine dans l'expropriation des immenses biens de l'Église, fruits de siècles de donations. Expropriations faites par l'Etat italien qui venait de naître, vers 1860. Ainsi, le huit pour mille ne est qu'une compensation partielle.
Du reste, selon une étude récente, les multiples activités de l'Eglise font économiser à l'État italien environ 11 milliards d'euros par an.
Et même sa seule présence nous enrichit: par exemple en 2014 le tourisme religieux dans la ville de Rome et dans les sanctuaires a été évalué à 5 milliards de dollars, seul poste en augmentation dans cette période de crise noire.
Sans oublier les missions et ce que l'Église, y compris italienne, fait pour les plus déshérités de la planète.
Ma lectrice, perplexe, il poursuit: «Je me demande quand j'aurai le plaisir d'entendre François parler en bien des chrétiens et de l'Eglise».

BERGOGLIO ET L'ARGENT
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Malheureusement, le bombardement du pape Bergoglio n'a épargné personne. Il a «écorché» ses prédécesseurs avec un jugement confié à Scalfari: «Les chefs de l'Eglise étaient souvent narcissiques, flattés et excités à tort par leurs courtisans». Il a ensuite arrangé les autres ecclésiastiques avec des accusations constantes de pharisaïsme, de fermeture à Dieu et pire encore. Mais la cible favorite que le pape Bergoglio aime durement toucher, ce sont les simples chrétiens. Des homélies de Santa Marta, ils sortent régulièrement comme le réceptacle de toutes les mesquineries. Tout comme les religieux et les prêtres.
En particulier, Bergoglio aime parler d'argent. Je pense que sa principale préoccupation devrait être la perte de la foi de générations et de peuples entiers, la perte de Dieu. Il devrait exhorter les prêtres à se mettre en quattre pour «gagner» les âmes au Christ. A la place, le pape argentin appuie principalement sur le bouton de l'argent. En ce moment, et aussi sur Internet, on constate la douleur et aussi la colère de beaucoup de pasteurs qui doivent déjà composer avec l'hostilité de l'élite culturelle et sociale.
Face à la «démagogie péroniste», ils rappellent que chaque année, dans les paroisses, on collecte de l'argent pour le denier de Saint-Pierre (des offrandes qui vont justement au Pape).
Et ils rappellent que le Vatican de Bergoglio a récemment donné la chapelle Sixtine à Porsche pour un événement publicitaire. Même si les fonds recueillis iront aux pauvres, était-il nécessaire de louer un endroit aussi sacré pour une publicité?
Facile, de s'en prendre à des personnes vulnérables comme les curés. Beaucoup d'entre eux, aigris, se demandent pourquoi le Pape Bergoglio ne s'en prend pas plutôt - et à juste titre - à des sujets forts comme les évêques allemands.

QU'IL PARLE DE L'ALLEMAGNE
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L'Eglise allemande est une véritable puissance économique: la seule Caritas allemande emploie 500 mille personnes à temps plein, alors que le groupe Volkswagen en emploie 389 mille.
Tout cela grâce à la Kirchensteuer, l'impôt ecclésiastique qui en en 2012 a transmis de l'Etat à l'Eglise 5,9 milliards d'euros. Un chiffre six fois plus élevé que le huit pour mille de l'Eglise italienne qui a aussi deux fois plus de fidèles que celle teutonique.

Où est le problème?
Alors qu'en Italie, vous décidez librement de donner ou pas le huit pour mille, en Allemagne, c'est un véritable taxe imposée par l'État à ceux qui, pour l'état civil, sont catholiques.
Elle est donc obligatoire. On ne peut y échapper qu'en sortant formellement de l'Église, avec une conséquence grave: un décret de la Conférence épiscopale allemande a établi que le rejet de la contribution implique, pour les fidèles, la perte de l'appartenance à l'Eglise.
La taxe est une sorte de condition «sine qua non» pour l'accès aux sacrements. Cette décision a été contestée par le Saint-Siège à l'époque de Jean Paul II et de Benoît XVI. Mais de François, on n'a rien entendu.

Les «progressistes» évêques allemands sont très bergogliens, ils ont été parmi ses principaux partisans au Conclave, ils ont poussé le récent Synode vers l'Eucharistie aux divorcés remariés et financent le Vatican et les églises du Tiers Monde (y compris l'Amérique latine).
Mais pourquoi François, au lieu de rabrouer les curés pour des raisons non fondées, ne s'en prend-il pas à eux, pour ces graves raisons?
Le philosophe Robert Spaemann, un ami de Joseph Ratzinger, a noté qu'en Allemagne «des hommes qui nient la résurrection du Christ sont professeurs de théologie catholique et peuvent prêcher comme catholiques lors de messes. Alors que les fidèles qui ne veulent pas payer l'impôt pour le culte sont expulsés de l'Eglise. Il y a quelque chose qui ne va pas».

Qu'en dit Bergoglio?